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Nationalisme et populisme

Par Denis Collin •  • Mercredi 26/07/2017 • 0 commentaires  • Lu 2849 fois • Version imprimable


Parmi les accusations adressées Jean-Luc Mélenchon et à la « France Insoumise » les accusations de nationalisme figurent en bonne place. Mélenchon est incontestablement animé de l’esprit patriotique qui peut fort bien s’allier à l’universalisme et à l’internationalisme, ainsi que l’on montré ces grands esprits qu’étaient Victor Hugo et Jean Jaurès (pour ne citer que ces deux-là). J’ai eu maintes fois l’occasion de soutenir que non seulement l’État-nation n’était pas mort, mais encore que l’on ne pouvait pas envisager de véritables transformations sociales sans se saisir du cadre national (car, comme le disait , la lutte de classe est nationale dans sa forme même si elle est internationale dans son contenu). Donc, sous un certain angle, il est impossible d’être révolutionnaire sans être « nationaliste » – car « nationaliste » ne veut pas dire chauvin et ne peut être assimilé à l’arrogance impérialiste. Du reste, quand je suis venu à la politique, mes aînés s’était forgés dans la lutte militante en soutien aux nationalistes algériens en lutte contre l’impérialisme français et notre génération fit ses premières armes en soutenant la lutte des nationalistes vietnamiens contre l’impérialisme US.

Les « grands » ne sont pas nationalistes. Ce qui importe, ce sont leurs richesses et leur puissance économique. On a vu les aristocrates français se réfugier Koblenz et comploter avec les Prussiens et les Autrichiens contre la patrie. En 1871, les Versaillais s’allièrent aux Prussiens pour écraser la Commune de Paris, qui s’était d’ailleurs constituée précisément contre le désarmement de Paris exigé par Bismarck. Nos capitalistes ne sont nullement nationalistes. Pour tout dire, ils détestent la France à laquelle ils opposent leurs modèles favoris, allemand ou américain. D’ailleurs Macron l’a dit : il n’y a pas de culture française. L’UE est un dispositif entièrement tourné contre les nations souveraines et donc on ne peut pas s’opposer à l’UE sans être en quelque sorte nationaliste. Inversement, les gens du peuple n’ont qu’un lieu où vivre, leur pays, qu’une seule protection, celle de leur État-nation. Il ne peuvent emporter la patrie à la semelle de leurs souliers, comme le disait Danton. Quand le pays est occupé par des puissances étrangères, les « grands » trouvent toujours moyen de sauvegarder leurs privilèges alors que les gens du peuple payent les pots cassés de l’occupation. Les grands profitent de la mondialisation et le peuple passe à la caisse.

Il y a une sorte de lien naturel entre populisme et nationalisme. Lien qu’exploitent les partis d’extrême-droite. Notons cependant que ces partis ne sont pas populistes : ils sont liés à certaines fractions, très minoritaires aujourd’hui, de la classe dirigeante, ils œuvrent en faveur de la classe dirigeante (voir par exemple le programme économique de Mme Le Pen) et le peuple pour eux n’est qu’une masse informe à utiliser pour leurs besoins. Ils ne sont pas non plus vraiment nationalistes. Le FN a été fondé essentiellement par des anciens du PPF, le parti pro-nazi de Doriot et sa matrice est formée par les rescapés de la collaboration et les nostalgiques de Pétain. Le Pen (père) ne s’est jamais caché de ses sentiments « européens ». Comme Gobineau, ce qui l’intéresse, ce n’est pas la France, mais la race aryenne, celle de « l’Europe boréale ». Le FN actuel est un peu plus complexe : Marine Le Pen a tenté de prendre ses distances avec le pétainisme originel de son parti (voir ses déclarations sur le gouvernement de Pétain qui n’était pas la France) et Philippot a tenté d’impulser dans ce parti une ligne nationale-souverainiste et partiellement populiste. Mais il semble bien que cette phase soit terminée. Jean-Marie Le Pen est à la manœuvre et le FN devrait revenir à ses « fondamentaux », libéralisme économique, union des droites vraiment de droite et xénophobie raciste.

Si l’on doit se garder de toute illusion envers la ligne du FN-Philippot, il est clair cependant que cette ligne pouvait et a partiellement réussi à rallier des secteurs importants des classes populaires dans tout l’arc nord-est de la France – il suffit de voir la solide implantation dont bénéficie le FN dans le bassin minier qui fut une région rouge. Il l’a fait parce qu’il est apparu comme le parti qui s’occupe des gens et non le parti des « élites mondialisées » (comme dirait Chevènement), parce qu’il a prétendu parler au nom du petit peuple, de la laïcité face à la montée de l’islamisme et de la souveraineté de la nation. Cette opération, qui est une escroquerie politique, n’a pu marcher que parce que les partis « de gauche » qui prétendaient parler au nom du peuple ont laissé tomber la souveraineté populaire, la laïcité et la défense inconditionnelle des plus défavorisés et se sont ralliés au mondialisme et à l’européisme – même si c’est honteusement dans le cas du PCF. On doit donc savoir gré à Mélenchon d’avoir tourné le dos aux chimères du « post-national » et de « l’intersectionnalité des luttes » pour reprendre le drapeau tricolore, la Marseillaise et la défense de la patrie au service des déshérités, des exclus de la mondialisation, des classes travailleuses en général.

A tous nos experts en pureté révolutionnaire, à tous les révolutionnaires de pacotilles qui sont d’autant plus révolutionnaires en paroles qu’ils n’ont aucune intention de changer quoi que soit à un monde dans lequel ils se trouvent bien, rappelons ces paroles de Jaurès : « Mais ce qui est certain, c’est que la volonté irréductible de l’Internationale est qu’aucune patrie n’ait à souffrir dans son autonomie. Arracher les patries aux maquignons de la patrie, aux castes du militarisme et aux bandes de la finance, permettre à toutes les nations le développement indéfini dans la démocratie et dans la paix, ce n’est pas seulement servir l’internationale et le prolétariat universel, par qui l’humanité à peine ébauchée se réalisera, c’est servir la patrie elle-même. Internationale et patrie sont désormais liées. C’est dans l’internationale que l’indépendance des nations a sa plus haute garantie ; c’est dans les nations indépendantes que l’internationale a ses organes les plus puissants et les plus nobles. On pourrait presque dire : un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène. » (Jean Jaurès, L’armée nouvelle, 1911).

 

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