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Référendum en Corse, déchéance de la nationalité : la tribu contre la Nation

Par Fatiha BOUDJAHLAT • Actualités • Vendredi 08/01/2016 • 0 commentaires  • Lu 2022 fois • Version imprimable


Beaucoup en appelaient à un référendum sur l'appartenance de la Corse à la République. Il y avait là quelque chose de l'ordre du dépit de l'amoureux éconduit qui demande, exige des preuves d’amour. Je n'y vois que des erreurs et des fautes.

  1. Le principe même du référendum peut avoir quelque chose de la prophétie auto réalisatrice, poser la question, et en fait poser un ultimatum, peut pousser beaucoup à choisir la réponse honnie comme surcompensation au fait même d'avoir été sommé de se prononcer.

  2. Référendum basé sur la territorialité (en Corse) ou sur la personnalité des gens? Qui pourra voter ? Les Tiberi, plus parisiano-mafiosi que corses? Les enfants d'immigrés vivant à Bastia? Déterminer les électeurs indiquera clairement la volonté d'essentialiser et de naturaliser le "peuple corse".

  3. Puisque la Corse est la France, comment envisager une seconde l'idée de référendum ? C'est comme la structure familiale. L’autorité parentale n’est pas l’objet d’un référendum et encore moins d’un plébiscite. C’est cette inconditionnalité là qui sécurise les enfants et valide la cellule familiale. Qui irait soumettre un membre de sa famille à ce choix, à cet ultimatum? Les Corses, pas plus que n’importe qui, n'ont pas à se prononcer puisqu'ils sont français. Organiser ce référendum valide la possibilité même de se concevoir hors de France et non français, il valide l’obsession nationaliste de représenter la France comme un élément exogène et dominateur. Les Corses n’ont pas à se prononcer, ils sont Français.

  4. Ce serait une erreur stratégique majeure, puisque cette consultation ferait jurisprudence, dans un sens mortifère pour l’État.

Et là, on retombe sur le débat sur la déchéance de la nationalité. Si elle n'est perçue que comme un titre, un privilège, la nationalité peut se retirer, comme sanction ou sur la base de la demande d'un groupe homogène, par exemple lors d’un référendum (question essentielle: sur quoi repose l’homogénéité ? La langue, l’histoire, l’ancienneté de la présence ? C’est une question à soumettre à M. Talamoni. Les natifs de l’île de Beauté sont Corses à partir de combien de cagoules ?).

La question fondamentale est celle posée par le livre éponyme de Patrick Weil : Qu’est-ce qu’un français ? Rien de biologique, rien de providentiel, mais un droit, c'est-à-dire en l’occurrence un ensemble de procédures juridiques, adapté en fonction des besoins économiques, politiques ou natalistes du moment. Il y a là un opportunisme et une insécurité. Insécurité des récipiendaires de cette nationalité plutôt dangereuse, qui pousse à la méfiance, à questionner son allégeance et à la remettre entre les mains sécurisantes de l’essentialisme ethnico-religieux. C’est cette réflexion qui me fait me prononcer contre la déchéance de la nationalité française des binationaux. Si la nationalité française se retire, si elle peut donc être retirée par le pouvoir politique, même au terme d’une procédure judiciaire, et pour l’instant ce serait au terme, et c’est plus discutable, d’une procédure administrative, c’est que ce lien juridique qui lie en droit un Etat à sa population selon la définition de Patrick Weil, est peu solide, peu opératoire. Il y a quelque chose de l’ordre de l’obsolescence programmée, puisque programmable. Cette déchéance qu’il sera difficile de constitutionnaliser introduit une nationalité française à géométrie variable, validant à la fois les thèses d’extrême-droite sur les moins, ou les jamais assez français et les thèses des nationalistes corses sur les mieux que et jamais français.

La question de la langue (le discours de M.Talamoni) est tout sauf anecdotique : elle est le symptôme d’un relativisme et d’une désagrégation, d’une dilution de la France dans lequel la Gauche, canal historique et cynique du PS, canal ésotérique des extrémistes, canal folklorique et pathétique des Verts, a joué un rôle d’initiateur et d’accélérateur. Le français, en France n’a pas qu’une dimension d’usage. Elle est un vecteur d’identité. C’est pourquoi, son affirmation comme langue unique figure dès l’article 2 de la Constitution de 1958, associée aux symboles et à la devise républicaine. Or, François Hollande, avec son obsession s’inscrire la charte des langues régionales dans la Constitution a rendu impossible de s’opposer à la volonté de M.Talamoni de s’exprimer en Corse dans l’assemblée. Précisons que les langues régionales sont déjà reconnues dans la Constitution, à leur juste place, au chapitre des collectivités locales, chargées de leur promotion. M. Hollande voulait une inscription dès les premiers articles de la Constitution, et ainsi mettre sur le même plan juridique le Français, langue de la Nation, et les langues régionales, langues de peuples, souvent dans le fantasme historique d’ailleurs.

L’attaque est donc bien dirigée une nouvelle contre la Nation et son autorité, ce qui est la définition même de la souveraineté. M. Hollande, dans la droite file eurocrate du fédéralisme et de l’Europe des régions, plutôt que celle des Nations, a fait tomber la France dans le piège Corse. Alors oui, l’homogénéité linguistique, peut être même ethnique favorisée par l’insularité, pose la question inévitablement de l’auto-détermination de ce peuple. Et j’ose écrire que le président américain Wilson qui a fait reconnaître dans ses fameux 14 points ce droit des peuples à l’auto-détermination, a fait autant de mal que les pires dictateurs. Parce que : Qu’est-ce qu’un peuple ? Qu’est-ce qui fait peuple ? Ce qui fait Nation, c’est un ensemble de procédures juridiques, et le jus soli guérit de toute tentation biologique. Mais ce qui fait peuple, c’est forcement un élément biologique, un essentialisme ethnico-religieux. Il n’y a qu’à considérer l’atomisation de la Yougoslavie en peuples homogènes au niveau ethnique et religieux, qui a abouti à une guerre civile, une quasi guerre de religion. Je suis pour la souveraineté de la Nation, pour l’Europe des Nations, et contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Parce que la politique, et la Nation est un plébiscite politique, sera toujours à mes yeux supérieure en droit et en vertu à la biologie de la tribu, même quand celle-ci, plus nombreuse, se déclame peuple. Ce référendum est une mauvaise idée, venant valider une stratégie morbide et bien pensée des nationalistes corses et des fédéralistes européens.

Fatiha BOUDJAHLAT Secrétaire Nationale du MRC

 


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