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Le Brexit ouvre la voie

A qui le tour?

Par Jacques Cotta • Actualités • Mardi 28/06/2016 • 0 commentaires  • Lu 3749 fois • Version imprimable


Au lendemain du vote des ressortissants britanniques en faveur du Brexit, nous assistons à un déferlement de déclarations qui visent à nier l’évidence. En 24 heures une pétition spontanée recueillerait plus de 3 millions de signatures pour qu’un nouveau vote soit organisé. Dans les hautes sphères de Bruxelles et Strasbourg, on ne cache pas la volonté de réitérer le coup d’état réalisé en 2005 contre la France, contre l’Irlande en 2008, pour obtenir par tous les moyens une décision conforme à la volonté de l’oligarchie contre le vote du peuple souverain. La manipulation va bon train. Jusqu’à l’absurde. Aujourd’hui en Grande Bretagne comme hier en Irlande ou en France, les télévisions toutes chaines confondues s’en donnent à cœur joie. Micro trottoir après micro trottoir, on entend dire par des correspondant envoyés en mission dans les rues de Londres que « l’heure est au regret », que « les votants pour le Brexit n’avaient pas compris que cela signifierait la sortie de l’UE » (sic), que « nombreux sont ceux qui ont voté pour le Brexit sans en vouloir la victoire » (re sic), que la majorité des votants pour le « leave » désirait seulement que « reamain ne l’emporte pas de façon trop écrasante » (re, re sic).
Evidemment la réalité est beaucoup plus simple. 
  • Le vote des britanniques pour sortir de l’UE est d’abord celui des couches populaires, concentré dans les municipalités frappées par l’austérité. La crise politique qui touche le Labour en pleine décomposition n’est pas à chercher ailleurs. Ses électeurs, militants et sympathisants ont massivement voté contre la direction du parti en se prononçant pour le « Leave ».
  • Le vote des britanniques est une défaite majeure de toute l’oligarchie qui n’a pas lésiné pour faire pression en faveur du maintien dans l’UE. Outre Cameron et Corbyn qui sur place ont tenu le rôle que les sommets de Bruxelles attendaient d’eux, Obama, Merkel, Hollande, et autres connaissent une défaite à la hauteur de l’engagement qui a été le leur dans la campagne qui s’est déroulée en Grande Bretagne.
  • Le vote des britanniques est une défaite de la city et des banques. Une double défaite. D’abord électorale. Ensuite parce qu’apparaît clairement que la Grande Bretagne, contrairement à l’idée que les milieux d’affaires veulent propager, n’est pas seulement faite de salles de marchés.
  • Le vote des britanniques est enfin une défaite de l’UE sur tous les plans dont celui d’actualité qui concerne la politique européenne migratoire qui à travers l’accord avec la Turquie vise à renvoyer chez eux les centaines de milliers de migrants qui fuient les guerres provoquées par les grandes puissances.
La question posée par le Brexit est politique. Tous les gouvernements, toutes les forces de « droite » comme de « gauche » sont affolées par l’irruption du peuple anglais sur la scène de l’histoire. Les déclarations de Hollande, Merkel et Renzi réunis en catastrophe n’ont d’autre signification. Le « risque » comme l’indiquent tous les commentateurs réside dans l’idée qui pourrait être donnée à d’autres peuples d’Europe de reprendre aussi en main leur propre destinée. Le problème n’est pas de savoir qui des français, des allemands, des grecs, des portugais, des espagnols, des italiens, etc… prolongera la décision du peuple britannique, mais quand. La question de la souveraineté populaire, droit des peuples à décider de leur propre destinée, à maitriser leur propre avenir, est incontournable et les menaces économiques, les pronostics les plus noirs, les difficultés annoncées –parfois à juste titre- ne peuvent rien y changer.

Dans tous les pays d’Europe le rejet de l’Union Européenne est chargé d’un contenu précis. En France, la loi El Kohmri qui se propose de liquider le droit du travail et les organisations syndicales, de nous ramener des décennies en arrière, n’est que l’application des directives européennes, comme cela a été le cas dans d’autres pays d’Europe sous des appellations différentes. Alors que les différents parlements nationaux passent leur temps à transcrire dans leur droit national les directives et traités européens, les oppositions à leur politique posent comme une question objective l’abrogation des traités européens, la rupture avec la BCE, l’Euro et la souveraineté monétaire, les pactes d’austérité et de responsabilité dictés par l’union européenne.
Les élections qui viennent de se tenir en Espagne au lendemain du Brexit indiquent que les ambiguïtés sont mortelles. Les médias ne peuvent là encore rien y changer. Ainsi Podemos a été présenté comme un parti différent de tous les autres sur la question européenne, susceptible donc de rafler la mise électorale. Mais l’électeur espagnol n’a pas mordu à l’hameçon dont le leurre était trop visible. Podemos en effet n’a rien de différent de tous les autres sur l’essentiel. Certes ses rangs sont fournis de réels militants qui ont, sur le terrain de l’opposition aux expulsions par exemple, fait leur preuve depuis la crise de 2008. Mais l’orientation de sa direction qui se résume au discours classique « d’une autre Europe, démocratique et sociale » ne trompe plus personne. Podemos a été électoralement victime de ce qui aujourd’hui secoue les sommets du Labour en Grande Bretagne. Jeremy Corbyn qui s’est prononcé pour le maintien dans l’union européenne, a basé sa position sur la nécessité de « réformer l’Europe ». Mais les britanniques ont affirmé à juste titre, sur la base de l’expérience collective, que cette Europe autour de l’union européenne n’est en rien réformable. Avec le Brexit ils ont signé un arrêt de mort à tout ce personnel politique porte- parole de l’oligarchie politico économique. 

Cela nous amène à la France et aux positions des « eurosceptiques », du moins des membres de « la gauche de la gauche » présentés comme tels.

Pierre Laurent s’est prononcé contre le Brexit comme hier il soutenait –au nom du réalisme-les efforts de Tsipras pour faire passer tous les plans de rigueurs et d’austérité voulus par la Troïka au nom de l’union européenne. Sans commentaire donc.

Plus intéressante est la position de Jean Luc Mélenchon ou encore de Gérard Filoche. Si le second demeure attaché à l’union européenne au nom de l’Europe à condition d’un tournant social et démocratique, vieille rengaine sur laquelle il n’est là aussi pas utile de revenir, le premier veut afficher une position plus élaborée. Jean Luc Mélenchon a d’ailleurs raison dans l’intention. Etant un des dix candidats (plus peut-être) qui désire briguer les suffrages des français au nom de la gauche de la gauche aux prochaines présidentielles, il ne pourrait que bénéficier d’un effort de démarcation qui permettrait de le distinguer.uin 

Mais que dit Jean Luc Mélenchon ? S’il est élu président de la république, il s’engage à aller voir madame Merkel, à renégocier les traités avec elle, et à organiser un référendum en France sur l’appartenance à l’union au cas où celle-ci serait inflexible. Ce discours est-il vraiment original ? C’est à peu de choses près celui que tenait François Hollande lorsque briguant les suffrages des français aux dernières élections il posait comme condition à la bonne marche européenne la « renégociation du traité Merkosy ». On a vu la suite. C’est aussi la même position que celle d’Alexis Tsipras avant les élections grecques au nom de Syriza. On a aussi vu la suite. Il serait sans doute erroné d’avoir une vision policière et complotiste de l’histoire, faite de traitres qui promettent avant l’élection et font l’inverse de leurs promesses après. Sur le terrain européen la machine mise en branle fait peser des pressions considérables qui ne supportent pas les atermoiements et les petits pas. L’union européenne n’est pas réformable, c’est du moins l’histoire qui nous l’enseigne. Dans ce contexte, seule une position claire et sans ambiguïté, pour la sortie de l’union européenne peut être compréhensible et soulever une perspective d’avenir.

Contrairement à toute la propagande qui veut assimiler le Brexit en Grande Bretagne, ou des décisions similaires ailleurs, dans d’autres pays européens, à un repli sur soi, guidé par un sentiment xénophobe et arriéré, un refus d’ouverture aux autres, la rupture avec l’union européenne signifie pour les peuples la possibilité de reprendre en mains leurs propres affaires, de décider pour ce qui les concerne en toute liberté, sans que les choix ne soit dictés pour servir des intérêts qui leur sont étrangers. A l’union européenne, construction politique faite pour servir le capital financier, étrangère à l’Europe des peuples, la Grande Bretagne pourrait ouvrir la voie à une Europe des nations libres, décidant librement entre elles des coopérations, des échanges, des projets communs. Quelle autre voie en effet pour relever les grands défis en terme d’écologie, d’emploi, de développement, les grands défis humanitaires posés à l’Europe dans son ensemble que celle de la souveraineté populaire et nationale dans tous les domaines ? 

Jacques Cotta
Le 28 juin 2016

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