Vus de Berne, les coups de menton des présidents turc et français relèvent davantage de la comédie que de la tragédie. Ton Abdullah feint de sentir un relent antimusulman dans les propos de Nicolas condamnant la négation de génocide. Gül et Sarkozy font la même chose, en vérité : de la démagogie. Nicolas veut capter des voix d’électeurs d’origine arménienne et Abdullah conforter sa vocation autoproclamée de héraut du monde musulman. Bien joué, Abdullah, de répondre par l’accusation de génocide français en Algérie ! Les Algériens saisissent la balle au bond. Décidément, la démagogie est une marchandise abondante et chère. Si l’armée de l’air turque n’avait pas massacré 35 civils kurdes « par erreur », l’image de la Turquie serait moins entachée. L’anicroche franco-turque est un trompe-l’œil. Notre diplomatie suisse s’épargne de telles déconvenues. Nous laissons aux historiens de trancher de ces questions sans trop vouloir administrer des leçons de bonnes mœurs aux Etats, qui ont leur raison. Les dirigeants actuels de la Turquie liquident peu à peu l’héritage laïque des Jeunes Turcs mais assument l’héritage de leurs prédécesseurs sur la question arménienne : raison d’Etat oblige. La déliquescence de l’empire ottoman, allié de l’Allemagne vaincue en 1918, a permis la naissance de la Turquie moderne, laïque d’Atatürk. Se sont combattus pendant plusieurs décennies des généraux laïques alignés sur l’OTAN et des religieux musulmans partisans du port du voile. Allié privilégié d’Israël dans la Région, la Turquie se positionne avec talent comme intermédiaire obligé entre protagonistes et belligérants.
L’assassinat de chrétiens au Nigeria par des fanatiques islamistes vient semblablement alimenter les discussions sur la guerre de religions. Comme si les dieux se battaient par l’interposition des hommes quand ce sont les hommes qui brandissent la religion par satisfaire leurs intérêts et leurs vues. Le Nigeria regorge de pétrole et sa population est pauvre, qu’elle soit réputée chrétienne ou musulmane. C’est le seul pays pétrolier dont le budget de l’Etat soit en déficit.
Les commentateurs ont trop précocement pris les révoltes du printemps arabe pour des révolutions. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Les partis religieux relèvent la tête après la chute de leurs oppresseurs, ce qui tient davantage de la mécanique des forces que de la métaphysique.
Nous avons en Suisse un génocide en réduction, sous l’espèce de tentative d’homicide social du Président de la Banque Nationale, le sieur Hildebrand, taquiné de méchante façon par le plus vociférant de nos politiciens, le sieur Blocher. Muni de documents bancaires dérobés, ce en quoi il se fait complice d’infraction au sacro-saint secret bancaire, le sieur Blocher a confié à l’une de nos ministres des documents attestant que la Dame du sieur Hildebrand a fait une lucrative opération de change en achetant, puis revendant 500 0000 dollars. L’opération aurait rapporté quelque 35'000 francs. La chose serait moins fâcheuse si la BNS n’était précisément intervenue entre-temps et si le compte bancaire privé concerné n’était commun aux époux Hildebrand. Jouissant d’une image d’efficacité, le sieur Hildebrand est pour l’instant épargné, l’enquête interne conclue à sa bonne foi, nulle preuve de délit d’initié n’étant avérée.
Notre parlement a choisi le gouvernement : rien a en dire si ce n’est la relative mise au ban du parti de sieur Blocher, taxé de populisme. Il n’a droit qu’à un seul Conseiller national dans notre système raffiné de répartition du pouvoir. La minorité italophone est une fois encore tenue pour quantité négligeable. Ils finiront par faire scission. Comme nous avons soutenu l’indépendance du Kosovo, contre les règles du droit international, nous devrons nous taire, non ? Notre chance est que les Tessinois trouveront peu de protecteurs de leur cause dans l’enceinte de l’ONU. Sauf s’ils trouvent de considérables gisements de pétrole ou de métaux précieux.
Les deux champions à la couronne de France s’échangent de basses invectives dignes d’une fonction qui n’est plus ce qu’elle fut. Propos de boutiquiers pour une politique boutiquière.
Chère Aigul, je gage que tu ignores le nom de notre présidente, Pour 2012, la Conseillère fédérale faisant office de présidente est la cheffe du département des finances, fondatrice du Parti Bourgeois Démocratique par scission de l’UDC, Dame Evelyne Widmer-Schlumpf, fille de l’ancien Conseiller fédérale Léon Schlumpf. Elle nous a adressé des vœux de vivre ensemble dans l’effort et le courage, sans un sourire.
Beaucoup de bruit pour rien, comme disait Shakespeare. Que les morts dorment en paix, malgré le bruit des vivants dérisoires.
Berne, le 6 janvier 2012, jour de l’épiphanie. Que les rois mages rapprochent les peuples.
Ton ami Guillaume.