En la bonne ville de Paris, le 8 novembre 2010, dans l’émission mots croisés, Eva Joly a dénoncé les 8 milliards de profits de la Banque BNP Paribas et proposé de taxer davantage les bénéfices et les hauts revenus. Elle a même, horresco referens, relevé que seuls le trafic de drogue et les plus-values bancaires permettaient de tirer une rentabilité de 45%. Elle suscita les indignations et se vit accablée de l’infâmante accusation de populisme.
Par qui ? Par le trio Yves Calvi, Nadine Morano, Charles Beigbeder. Laissons ici de côté Calvi et Morano, laconiques. Charles Beigbeder, disert, se livre avec aplomb à une diatribe néo-libérale aussi courante qu’artificieuse : les profits créent des emplois et permettent de réduire les déficits ; à voir et à écouter sur http://www.dailymotion.com/video/xfp9z6_eva-joly-accusee-de-populisme-par-morano-et-calvi_news. La petite voix d’Eva Joly (qui, selon @rrêt sur images, devait initialement débattre avec François Baroin et François Hollande) parlant de rente ne perça pas le mur des vociférateurs.
Qui est donc le sieur Charles, Jean, Marie, Pierre Beigbeder ? Sous la signature d’Hortense Paillard, à laquelle j’emprunte les citations, La République des lettres fait son portrait http://www.republique-des-lettres.fr/10916-charles-beigbeder.php, bien que sa carrière doive essentiellement au monde des affaires, à la différence de son cadet Frédéric. Né le 20 avril 1964 à Neuilly, fils de Jean-Michel Beigbeder, d’une vieille famille béarnaise, « influent chasseur de têtes pour les entreprises du CAC 40 et accessoirement jet-setter » et de Marie-Christine de Chasteigner de la Roche-Possey, « descendante de la petite noblesse du Poitou », Charles fait sa scolarité dans les meilleurs lycées de la région parisienne avant d’intégrer l’Ecole Centrale des Arts et Manufacture de Paris. Son diplôme d’ingénieur en poche, il entre chez Matra Espace. Il bifurque rapidement pour faire une carrière de banquier d’affaires (Paribas, Crédit Suisse First Boston) Il crée ensuite ses entreprises (dont Self Trade, Poweo (dont il tire 250 000 €/an, soit près de 21 000€/mois), avec des fortunes diverses. Président de CroissancePlus, club ultralibéral, ce patron de la nouvelle génération est l’un des dirigeants du MEDEF et « un militant de première ligne lorsqu’il s’agit de réclamer la réduction des charges, la réforme du Code du Travail qu’il trouve beaucoup trop rigide et la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) (…) Ancien membre des jeunes giscardiens, adhérent depuis peu du parti radical de Jean-Louis Borloo (avocat d’affaires), ce golden boy sarkozyste ne cache en effet pas son intention de devenir un jour député, ne serait-ce que pour défendre l’ultralibéralisme décomplexé dont il se fait régulièrement le chantre sur les plateaux télé ». Pour Sieur Beigbeder, fin connaisseur, Nicolas Sarkozy (qui lui a épinglé sa Légion d’honneur en 2008) a été remarquable dans le sauvetage des banques françaises. « Fan du pape Benoît XVI, c’est un catholique fervent qui va à la messe tous les dimanches ». Gageons que son confesseur n’est pas un théologien de la libération.
Une telle extraction (lire Le Président des riches, enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy et Le ghetto du Gotha : au cœur de la grande bourgeoisie de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot), un pareil parcours, autorisent à fustiger (dans le bon temps jadis, il était loisible de rouer, morbleu !) cette irresponsable Eva qui prend le parti du menu peuple, des manants, des va-nu-pieds et autres racailles. Quoi qu’il en soit du populisme putatif d’Eva Joly, Charles Beigbeder est un authentique grand bourgeois branché ayant ses raisons de peu priser le peuple.
C'est fou comme les bourgeois ont le mot populiste à la bouche. On se demande si cela ne cache pas quelque chose ou quelques arrières-pensées.