La situation politique est marquée par une contradiction formidable. D’un côté, tous les éléments d’une crise politique sont réunis et de l’autre le pouvoir actuel semble indéboulonnable, tant son opposition est impuissante et incapable de saisir les enjeux du moment.
Nous avons, tout d’abord, un gouvernement et une présidence ne jouissant que d’une très faible confiance dans l’opinion: les droites, y compris le chouan rallié, totalisent 32% à des élections européennes où seulement 4 électeurs sur 10 s’étaient déplacés, l’électorat populaire et jeune délaissant cette parodie de démocratie. Donc dans un scrutin où l’électorat traditionnel de la droite est sur-représenté, moins de un électeur sur trois accorde sa confiance à la majorité présidentielle. La légitimité politique du président est donc très sérieusement écornée. Ce n’est pas la taxe carbone (pardon, « contribution climat énergie »), la dernière en date des usines à gaz rocardiennes, qui va améliorer la situation pour le parti au pouvoir.
Ceci explique la crise rampante au sein de la « majorité » et du gouvernement. La concentration du pouvoir à la présidence réduit le gouvernement à un théâtre de marionnettes. La « cacophonie d’État » sur la taxe carbone en est un révélateur important. Fillon qui avait cru une minute qu’il était le premier ministre et qu’il devait donc exercer ses fonctions et pouvait donc annoncer le montant de cette CCE qui fait tant parler. Aux termes de l’article 21 de la constitution, « Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure l'exécution des lois. » Aux termes de l’article 49, il est responsable devant l’Assemblée Nationale. D’une sèche mise au point, le président lui a rappelé que c’était plus de saison. La constitution n’existe plus pour le président qui est pourtant censé protéger. Michel Debré avait voulu maintenir des éléments de parlementarisme dans la constitution de 1958, en en faisant un régime mi-parlementaire mi-présidentiel. L’actuel président de la république balaye tout cela. Le premier ministre n’est plus qu’un fantôme de premier ministre, responsable devant le président et devant personne d’autre. Le manque total de caractère de l’actuel titulaire aide évidemment le président. Toute homme politique ayant un peu d’amour-propre eût rendu son tablier depuis longtemps. L’actuel locataire de Matignon n’est de cette trempe. Comme le dit un proverbe (chinois?): « plus le singe monte haut dans l’arbre et plus il montre son cul ».
« En bas », les ingrédients de l’explosion existent et pourraient se cristalliser. Les occupations d’usine avec menaces de tout faire sauter, les séquestrations de dirigeants d’entreprise, indiquent que les travailleurs ne sont pas prêts à accepter sans broncher de payer les frais de la crise du capitalisme. La combattivité et la violence même de la classe ouvrière française étonne les commentateurs des pays voisins. On pourrait y voir la permanence, par-delà des générations, de la vieille tradition du syndicalisme révolutionnaire qui n’hésitait pas à faire l’apologie du sabotage (voir Émile Pouget, Le Sabotage], Mille et une nuits, 2004).On peut, certes, faire remarquer que ces luttes ne sont pas porteuses d’une nouvelle société puisque les ouvriers se contentent d’exiger des primes de licenciements substantielles (50.000 ou 100.000 € là où la loi n’impose que quelques milliers d’euros). Mais on ne peut pas demander à des travailleurs qui se battent le dos au mur de tracer une perspective claire et exaltante pour toute la société. D’ores et déjà, ces luttes sont en train de fissurer les bureaucraties syndicales. La violente mise en cause du secrétaire générale de la CGT, Bernard Thibault, par le délégué CGT de « Continental », Xavier Mathieu cristallise un mouvement qui gronde dans la principale centrale ouvrière française. Après avoir traité Thibault de « racaille », Mathieu s’est ravisé en disant que « parasite » conviendrait mieux. En peu de mots et sans aucune précaution, le délégué des ouvriers a exprimé le sentiment de plus en plus partagé des salariés à l’encontre de bureaucraties qui sont plus occupées à défendre leur morceau de gras à elles et tenir conciliabule avec le président qu’à s’occuper des ouvriers. Significativement, le jour même où les ouvriers de « Continental » était traînés en procès et lourdement condamnés, Thibault, qui n’a pas eu un mot pour les soutenir, discutait avec le président d’un nouveau gadget, une conférence pour la réindustrialisation.
Et pourtant, le pouvoir semble inébranlable. On discute déjà du deuxième mandat de l’actuel président, lequel ne pense qu’à ça. Certains « présidentiables » ont même déjà fait un croix sur 2012, réservant des noms internet du genre tartempion2017.org … S’il en est ainsi, c’est parce que le pouvoir n’a pas de meilleur allié que son opposition officielle. Le président de la république, réunissant ses amis après les européennes a donné la consigne : rassemblement de la droite et division de la gauche. Soutient aux écolos et mise en valeur de Besancenot. Car il s’agit d’abord de battre le PS aux régionales et contrairement aux apparences, ce ne sera pas si facile que ça. L’élection municipale d’Aix en Provence a montré que lorsqu’il y a des vrais enjeux (de pouvoir) les électeurs votent pour le seul parti qu’ils aient à leur disposition et le PS a manqué la mairie d’Aix de quelques dizaines de voix alors que la droite perdait 7 à 8% par rapport au potentiel de la majorité présidentielle. En outre les amis du président pourraient être handicapés par la remontée du Front National, une remontée déjà sensible aux européennes et que paradoxalement l’échec de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont pourrait servir. Le FN a réglé son problème de succession; Marine Le Pen est une femme intelligente et capable et la surprise pourrait bien venir de ce côté. Donc l’atout de la droite, le seul en sa possession, c’est la division de la gauche.
La droite souhaite que le PS soit pris en tenaille entre les Verts et le NPA. Les Verts, les plus roués des politiciens français, les champions toutes catégories de la magouille rebaptisée « faire de la politique autrement » sont à la manœuvre. Cohn-Bendit a apporté à la taxe carbone un bruyant soutien. Il est suivi par Cécile Duflot qui se voit déjà en tête de la « gauche » au premier tour des régionales – en projetant le résultat des européennes, ce que l’UMP verrait d’un bon œil, puisque Duflot serait plus facile à battre que Huchon. Donc les Verts dansent le tango avec le président... Il ne s’agit pas seulement de manœuvres électorales mais d’accord politique réel. Cohn-Bendit est d’accord avec l’UMP sur le traité de Lisbonne, sur le maintien du libéralisme et de la mondialisation tous azimuths et sur la nécessité de faire payer la pollution aux ruraux et pauvres (car ils sont les plus nombreux !). Les Verts ont apporté en son temps un soutien bruyant à la réforme Balladur des collectivités locales, une réforme qui vise à mettre en pièces l’organisation politique du territoire et la démocratie locale. Comme en Allemagne où les dirigeants des « Grünen » sont tentés par une alliance avec la CDU et les libéraux plutôt que de subir une coalition « rouge-rouge » avec le SPD et « Die Linke », une partie des écolos français sont tentés par une forme de participation au pouvoir actuel et futur.
Le deuxième facteur de division est le MODEM. Une partie du PS joue la vertu outragée: le MODEM jamais, pas de retour aux alliances avec les centristes, etc. alors même que de nombreuses villes, à commencer par Lille, sont gouvernées par des alliances gauche-MODEM, incluant souvent le parti communiste... D’un autre côté, les jeunes vieillissant qui attendent le pouvoir (Peillon, Valls et tutti quanti) veulent le MODEM et rien d’autre – sauf aussi le changement de nom du PS pour en faire un parti démocrate sur le modèle italien: ces gens devraient s’informer de la réussite de leur modèle stratégique …
Enfin, le troisième facteur de division est dans la politique sectaire de la « gauche de gauche » et la position incohérente du PG. Besancenot dit « jamais avec le PS », mais, parfois réaliste (mais peu suivi par sa base) il parle « d’accords techniques » pour participer à des majorités régionales dirigées par le PS. Le PCF diffère sa réponse car il n’a aucun envie de perdre les positions régionales que lui donne l’accord avec le PS pour s’enfermer dans un tête-à-tête avec Mélenchon et Besancenot. La stratégie du « front de gauche » risque de faire naufrage.
Comment sortir de cette situation ? Comme toujours par une stratégie unitaire. Mais qu’est-ce qui peut permettre une telle stratégie ? Certainement pas les manœuvres politiciennes et la « lutte des places » qui agitent tous ces gens. Il faut partir des besoins et des revendications du peuple. Donc chercher un programme commun, même minimum, qui permette le rassemblement et qui infligent des défaites significatives au pouvoir en place. Comme il n’est pas dans nos habitudes de tresser des couronnes au PS, commençons par dire que dans discours récents de Martine Aubry et de Ségolène Royal, il y a des points positifs qui pourrait servir de départ à ce « programme commun ». Quand Martine Aubry, en clôture des journées de La Rochelle, affirme quelques axes de bataille contre la défense du pouvoir d’achat ou la lutte contre la réforme des collectivités locales, elle a parfaitement raison. Quand Ségolène Royal dénonce la taxe carbone comme une punition infligée aux pauvres et aux ruraux, elle a tout autant raison et du reste les réactions à ce discours montrent qu’elle a touché juste. On peut aussi remarquer d’autres points d’accords possibles concernant les libertés démocratiques.
Voilà le point de départ nécessaire. Il permettrait de régler toutes les questions d’alliance. À Besancenot qui veut de la lutte, on lui en propose. Si le MODEM est d’accord pour lutter contre les atteintes à la démocratie, contre la réforme des collectivités locales et pour le pouvoir d’achat, et bien qu’il lutte avec nous! Pour la bonne cause, on peut s’allier avec le diable et même avec sa grand-mère et Bayrou n’a pas la figure du diable...
Cela ne dispensera personne du nécessaire travail théorique pour reconstruire une politique de l’émancipation, bien au contraire. Mais tout pas en avant permettrait de poser plus facilement les questions épineuses: si on veut vraiment défendre le pouvoir d’achat et lutter contre les licenciements, on sera confrontés aux clauses du libre-échange et donc à l’ordre européiste et à l’ordre capitaliste et donc à la nécessité pratique d’une alternative.
Donc combiner la réflexion et l’action pour l’unité. C’est ce qui sera au centre de l’après-midi de réflexion organisée le 3 octobre de 14h30 à 18h, à la Bourse du travail à Paris.
"Pour une plate-forme de défense du peuple et de la République" c'est un mot d'ordre que je soutiens volontiers, surtout s'il prend acte qu'il faut reconquerir les acquis sociaux de tous types que nous avons perdu sous l'effet des "réformes" des gouvernements Chirac et Sarkozy...et de quelques autres avant eux et que cette reconquête passe par une serie d'abrogations de lois et de decrets dont il serait sage de faire inventaire complet d'ici 2012. Il y a d'ailleurs, au minimum, quelque cynisme pour des élus de 2007 pour faire un trait sur toute proposition de resistance avant 2012.
Cynisme aussi, de la part d'un élu du peuple, de ne pas chercher à repondre au plus vite à l'urgence sociale sous toutes ses formes en prenant sa place dans un elargissement et l'unification des mouvements de resistance aux baisses de salaires, aux expulsions, aux licenciements et à la casse des services publics.
Nous avons tous, pour "faciliter l'unité", tu ou arrondi nos reproches envers telle ou telle organisation peu tentée par "l'action". Il n'est plus temps: les atternoiement des directions et autres leaders le sont au vu de tous. ils sont accueillis par la rage et/ou les quolibets. L'idée de prendre en charge ses propres affaires, de le faire en commun, d'exiger la présence des élus et des organsations se répand face aux agressions du gouvernement et des patrons.