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Après les meurtres de "Charlie" et de "l'Hyper Casher", réactions recueillies dans la rue...

... Pour les libertés, contre toute tentative de manipulation!

Par Jacques Cotta • Actualités • Lundi 12/01/2015 • 2 commentaires  • Lu 2863 fois • Version imprimable


Des millions de français sont descendus dans la rue… Tous Indignés, révulsés, traumatisés par les meurtres de Charlie-Hebdo et de l’hyper casher de Vincennes, tous unis dans la volonté de défendre les valeurs de Liberté si chères à notre république. Tous confrontés à des tentatives de récupération et de dénaturation de cette mobilisation historique de la part des plus hautes autorités de l’état. Tout avait commencé avec la transmutation de François Hollande et Manuel Valls de chef de l’état et de premier ministre en « organisateurs » de manifestation. Puis empêtrés dans les discussions avec les partis et emberlificotés avec la question du Front National, c’est Jean Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, qui a pris la relève appelant les français à « venir manifester s’ils le désiraient »… Manifestation simplement citoyenne ? En fait une grand-messe rassemblant des dizaines de chefs d’états devait donner la tonalité de la mobilisation dont le point culminant était fixé à Paris. C’est derrière les « grands de ce monde » que les français devaient apparaitre pour laisser court à leur émotion et leur désarroi. Les victimes derrière, les sauveurs devant. Voila ce que l’histoire devrait retenir. Projet assumé, projet contrarié, projet échoué !

Quel Casting 

De fait, la grand-messe des chefs d’états acheminés en autocars loin devant les manifestants, puis évacués pour déguster petits fours et autres « remontants » dans un salon feutré, n’aura rien eu à voir avec une tête de manifestation suivie dans l’enthousiasme et l’insouciance.

Le casting par lui-même s’est révélé être un grand handicap pour les récupérateurs de tout poils. Quoi de commun en effet entre les partisans de la liberté d’expression et les représentants aussi divers que le premier ministre hongrois Viktor Orban qui contraint les journalistes à organiser des grèves de la faim pour dénoncer les lois liberticides. Quoi de commun avec les représentants de l’Egypte, de la Russie, de la Turquie (qui regarde les kurdes à sa frontière combattre seuls les troupes de Daesh), de l’Algérie ou des Emirats arabes unis dont les pays en matière de liberté de la presse sont rangés respectivement à la 159ème, 148ème, 154ème, 121ème et 118ème place sur 180 par Reporter sans frontière. Quoi de commun entre toutes ces personnalités conviées par le président de la République à faire le déplacement et les valeurs qui fondent notre république. Quoi de commun entre ces valeurs de Liberté, égalité, fraternité, laïcité proclamées par les millions rassemblés et les états théocratiques amis de la France, présents aux côtés du président de la République, le Qatar, l’Arabie Saoudite, ou autres alliés des fondamentalistes, les états voyous, riches de finances et de pétrole ? Quoi de commun entre bon nombre de figures présentes et notre république, les lumières, les droits de l’homme, la liberté ?

Lucidité

Mais le peuple français dans la rue serait-il dupe ? L’émotion serait-elle un obstacle à la réflexion ? Le peuple ne verrait-il que du feu à la présence autour du chef de l’état des représentants de l’Union Européenne, ces fossoyeurs de la république qui dictent une politique qui défait nos services publics, détruit notre bien commun, organise les inégalités et l’injustice ? Le peuple français ne verrait-il rien à cette hypocrisie générale qui voit les anciens pourfendeurs de « Charlie-Hebdo » clamer aujourd’hui, au lendemain du drame, « nous sommes tous Charlie » et se réclamer de la « liberté de la presse » lorsque seule celle de l’oligarchie les intéresse ? Notre peuple ne verrait-il pas la tentative grossière d’utiliser l’émotion contre la raison pour faire oublier la politique de remise en cause de notre souveraineté nationale, la politique de déconstruction de notre république une et indivisible au profit d’une Europe des régions, la politique de soumission à l’Union Européenne et au grand marché transatlantique, la politique de négation de la laïcité, de communautarisation de notre vie publique, de liquidation de nos conquêtes sociales ?

Notre peuple serait-il « récupérable », manipulable ? Ne verrait-il point l’omniprésence parmi les « personnalités » de fauteurs de guerre ? Celles d’Irak, de Syrie, de Lybie, de côte d’ivoire, du Mali, de Centrafrique…dans lesquelles notre propre gouvernement est engagé, qui partout se soldent par la destruction des états et laissent le terrain libre aux fondamentalistes sur la base du chaos ? Serait-il aveugle au point de ne pas discerner l’absurdité et la duperie ?

La parole de la rue

Pour apprécier le degré de reconnaissance du peuple dans ses représentants politiques, pour savoir si les grandes manœuvres visant à le manipuler en instrumentalisant son émotion avaient quelque chance d’aboutir, pour tenter de comprendre les motivations profondes d’une telle mobilisation,  j’ai saisi ma carte de presse, me suis fondu dans la foule et au hasard ai questionné. Les réponses n’ont qu’une valeur approximative. Aucune prétention d’un sondage –qui d’ailleurs sont aussi très approximatifs- ou d’une photographie qui se voudrait parfaite. Mais des réactions qui valent par la diversité des intervenants : tous les âges, toutes les conditions, des familles, des personnes seules, hommes, femmes, jeunes, vieux, etc.… Des réactions impressionnantes par les valeurs qu’elles proclament, mais aussi dans l’absence d’illusion dans les représentants politiques français et étrangers qu’elles révèlent.

Aux abords de la place de la République. Dans une rue adjacente la foule piétine. Un groupe rassemblant tous les âges.
-Quelles sont les raisons profondes pour lesquelles vous êtes venus aujourd’hui ?
-La défense de la liberté, la liberté d’expression dit l’un.
-La liberté de penser aussi complète son voisin
-La liberté de vivre, tout simplement… ponctue un troisième.

Une dizaine de personnes rassemblant trois générations poireaute.
-Il y a du monde, on ne sent pas seul, c’est déjà ça, dit un des plus jeunes.
-Le peuple de France est dans la rue, et ça ne se réduit pas aux communautés explique un plus âgé.
- Pourquoi faites-vous la distinction avec les communautés ? Je demande.
Ils répondent à tour de rôle.
-Nous on est ici des potes de trois religions et même quatre si on compte ceux qui n’en n’ont pas. Mais on est citoyens français et c’est ça qui nous réunit.
-Lorsque Hollande a commencé à réunir l’imam, le rabbin, et l’archevêque, il a fait fausse route. On s’en fout de ça, ce qui compte aujourd’hui c’est qu’on est français et que nos valeurs communes sont attaquées.
-Oui nos valeurs, celles de la république vous savez, Egalité, fraternité, Liberté dont on parle beaucoup.
-Faudrait pas oublier la laïcité qui permet de vivre ensemble…

Dans une autre rue, un homme seul dans la foule :
-Vous avez peur d’une récupération ?
-On est trop nombreux. Comment voulez vous ? Aujourd’hui, ce n’est pas récupérable.
Une femme se mêle à la discussion:
-Les chefs d’états, c’est quand même bien qu’ils soient là. Peut-être que ça veut dire que nos valeurs pourraient être exportées…

Un jeune homme dans un groupe :
-Je rentre de New-York où j’étais en vacances. Je suis là avec le drapeau, car on est français et c’est ça qui compte… De toutes les façons on ne peut avancer, alors on ne peut pas dire qu’on manifeste derrière qui que ce soit. C’est citoyen, voilà tout !
-C’est la France et ses valeurs, la France réunie, complète un voisin.

Une femme d’une cinquantaine d’années avec une amie de travail plus jeune :
-Vous pensez que le FN aurait dû être là ? Je questionne.
-Aujourd’hui c’est toute la France qui doit être là, réponds la première.
-Moi je n’aime pas le FN, mais c’est la France aujourd’hui et je trouve absurde qu’ils aient invité tous ces chefs d’état et qu’on ait exclu le FN. Aujourd’hui, c’est la France qui est dans la rue…
-Vous êtes au FN ?
-Pas du tout. Mon fils est noir, je l’ai adopté. Et je suis humaniste et française.

A côté un groupe de jeunes étudiants de normal-sup :
-Le FN on a rien à voir avec eux, mais on les victimise une fois de plus. Et entre nous, entre le hongrois, les émirats et quelques autres, en quoi Marine Le Pen c’est pire ?
-Ils auraient été là, ils étaient ligotés…
-Ce sont les seuls absents en tant que tel, et ils vont s’en servir !
-Les principales raisons de votre présence ?
-La liberté, l’égalité, les valeurs de la république.

Des lycéens :
-c’est pour dire qu’on n’a pas peur !
-mais vous avez peur en vérité ?
-Non, enfin on ne prend plus le métro depuis cinq jours, mais on n’a pas peur…

Un jeune couple :
-La présence des chefs d’états étrangers ? Je demande.
-Netanyahou, ça nous gêne. Mais il y a aussi le palestinien il parait…
-Et Merkel ?
-Bien sûr que ça nous gêne aussi. L’Europe responsable de bien des maux. Mais aujourd’hui, oublions cela.
-et demain ?
-On n’oublie rien, qu’est-ce que vous croyez ?

Un couple et ses deux enfants en bas âge.
-C’est la première fois que vous manifestez ?
-Non, toujours pour les grandes causes.
-La dernière fois c’était quand ?
-Les retraites.
-La présence des chefs d’état étrangers ?
-Merkel, ça coince…

Un groupe mélangeant les âges venus de banlieue :
-On ne marche pas derrière eux ! Nous c’est pour la démocratie, la liberté d’expression, contre la terreur, la liberté tout court ! Orban, Merkel, et tous les autres, peu importe. Nous c’est nos valeurs… Ce sont eux qui suivent, pas nous.
-Si récupération il doit y avoir, peut-être que c’est nous qui allons les récupérer… ponctue une femme dans un sourire.

Parmi la centaine de témoignages recueillis, il ressort que la volonté de défendre les droits démocratiques républicains est indissociable dans la conscience collective de la défense des droits sociaux.

L’invitation faite aux représentants de l’UE, à Angela Merkel, Mariano Rajoy, Matteo Renzi ou encore David Cameron et leur présence aux côtés du chef de l’état le jour de cette grande mobilisation ne rendront pas plus populaire la politique dictée par l’UE, la BCE et le FMI, concentrée en France dans le projet de loi Macron et le pacte de responsabilité. Les préoccupations demeurent et la volonté de gouverner par le chaos pour autant qu’elle existe –conséquence des attentats ou assassinats commis au nom du fondamentalisme religieux- est vouée à l’échec. Les libertés démocratiques et la défense des droits intègrent dans la conscience collective les droits sociaux.

Parmi ceux-ci une fois et encore le droit d’expression. Au lendemain des attentats, le dessinateur Willem, collaborateur de Charlie hebdo déclarait « vomir ceux qui subitement disent être nos amis. Nous avons beaucoup de nouveaux amis comme le pape, la reine Elisabeth ou Poutine : ça me fait bien rire ».

Et la presse ?
Tous « Charlie » ?
Chiche !
Qu’en preuve d’amitié –et accessoirement de conviction laïque- l’ensemble des journaux nationaux publie en « une » les caricatures de « Charlie ».
Un faire-part à la hauteur, non ?


Jacques Cotta
Le 12 janvier 2015

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Commentaires

Lien croisé par Anonyme le Lundi 12/01/2015 à 22:03

Alberto G. Biuso » Libertà di espressione : "Consiglio la lettura di un articolo di Jacques Cotta -Après les meurtres de “Charlie” et de “l’Hyper Casher”, réactions recueillies dans la rue…Pour les libertés, contre toute tentative de manipulation!- del quale riporto un brano."


il y a toujours un après... par Serge_Gomond le Mardi 13/01/2015 à 14:10

il y a toujours un après... et ce qui pose problème, c’est de savoir ce que contiendra cet après ? On peut déjà subodorer (le bruit de bottes aidant), qu’il y aura plus de surveillance du territoire français (et des citoyen(ne)s), que de nouvelles lois (pour compléter l’arsenal répressif, déjà bien pourvu !... ) seront proposées, et certainement votées (à l’unanimité ?) par les personnel politique...

PS : merci Jacques pour ce mini "sondage express" qui est édifiant!, et nous rassure : le peuple français (pas que) n'a pas perdu la raison au contraire...



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