La violence de l’attaque d’Israël contre le Liban depuis un mois nous horrifie tous. Mais bien peu de voix s’élèvent pour la condamner vraiment et pour envisager des réponses efficaces. Le silence des grands partis fait écho à la maigreur des mobilisations, ce qui est bien préoccupant quand on se rappelle les manifestations monstres contre la guerre en Irak, qui ont heureusement amené la France à se distinguer parmi les autres pays européens alignés derrière les Etats-Unis.
Le fait qu’Israël soit l’agresseur semble malheureusement être la principale raison de ces silences. L’amalgame entre antisionisme et antisémitisme a été intégré y compris par les courants qui considéraient il y a encore quelques années que la meilleure solution était un seul Etat en Palestine qui reconnaîtrait les droits de tous ses citoyens à égalité. La revendication d’Israël à un Etat a ensuite été admise comme un pis aller à condition que les Palestiniens puissent disposer des mêmes garanties. Les différents accords signés alors allaient dans ce sens. Mais le fait qu’Israël les ait délibérément et systématiquement bafoués a été malheureusement la conséquence de l’idéologie sioniste qui avait présidé à l’installation des premiers colons en Palestine : une idéologie guerrière et conquérante, qui a amené à des guerres d’annexion, à une colonisation incessante au mépris des droits des populations de la Palestine et des pays environnants.
Les Etats-Unis ont rapidement considéré Israël comme leur fer de lance dans la région. On parlait autrefois du « gendarme du Moyen-Orient ». Quoi d’étonnant alors que ce gendarme surarmé soit aujourd’hui chargé de mettre en place le « Nouveau Moyen-Orient » que Condoleeza Rice a récemment appelé de ses vœux ? Ceux qui font aujourd’hui l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme devraient pourtant réfléchir aux implications de cette politique : criminelle, ce n’est plus à démontrer. Mais également suicidaire, car comment imaginer qu’Israël puisse un jour vivre en paix avec ses voisins ? Comment imaginer que le peuple d’Israël puisse un jour vivre en sécurité entouré d’une telle haine ? La logique de cette politique, c’est la continuation des agressions, c’est le massacre des populations civiles pour en finir avec des combattants qui en sont l’émanation et qui vivent parmi elles, non pas pour « se cacher », mais parce que c’est leur place. On parlait autrefois « de résistants », mais le politiquement correct aujourd’hui imposé par Washington en fait des terroristes. Le choix des mots est encore un choix idéologique. La logique aussi, ce sont les représailles et les attentats contre les populations civiles d’Israël, qui ne les ont pas davantage mérités.
Le sentiment le plus répandu, y compris à gauche, c’est qu’Israël a bien le droit de se défendre contre les agressions du Hamas et du Hezbollah. Le fait que ces deux partis soient des partis confessionnels est un alibi commode à ce sentiment et à l’absence d’analyse politique sur ce qu’implique cette nouvelle guerre. On oublie là encore le point de vue des peuples. Les deux partis ont été élus lors d’élections régulières, attestées par tous les observateurs, mais dont les résultats ont été presque unanimement refusés. Il s’agit d’un déni de démocratie, quoi qu’on puisse penser des partis en question. Les raisons qui ont poussé les Palestiniens d’une part, les Libanais d’autre part à les porter au pouvoir sont la conséquence directe de la politique de l’Etat d’Israël, qui n’a cessé de discréditer les vieilles directions et de ridiculiser leurs gouvernements successifs, en bafouant ouvertement tous les accords qu’il avait pourtant signés, y compris la feuille de route imposée en 2003 par George Bush.
Les résultats des élections en Palestine et au Liban sont le résultat concret de ces politiques : la corruption des partis agréés par les puissants, leur impuissance face aux violations des droits de leurs peuples ont amené ces derniers à se tourner vers des candidats qui se souciaient de leur sort : le Hezbollah au Liban, le Hamas en Palestine réalisent parmi les plus pauvres le travail social qui est normalement imparti à l’Etat, et ils sont les seuls qui ont continué à résister aux agressions perpétuelles de l’Etat d’Israël. Le Moyen-Orient est depuis toujours une terre de confrontation mais aussi de convergence de cultures. Le point d’équilibre qui avait été atteint, aussi bien en Palestine qu’au Liban et qui permettait la vie commune, était fragile et il fallait au moins le préserver. Or, de plus en plus, et l’exemple le plus parlant est l’Irak sous occupation américaine, on pousse dans ces pays à une confessionnalisation et à une communautarisation de la vie politique. La guerre civile est en effet le meilleur moyen de faire advenir le nouveau Moyen-Orient dont rêvent les fanatiques au pouvoir à la Maison Blanche.
Il est urgent aujourd’hui d’en finir avec la lâcheté généralisée qui interdit toute critique radicale de la politique de l’Etat d’Israël, chargé par les Etats-Unis de poursuivre leur guerre sur d’autres fronts. Il faut avoir le courage de dire une fois pour toutes qu’aucun génocide dans le passé ne peut justifier les massacres actuels et les conditions de vie inacceptables des populations palestiniennes. Elles aussi ont le droit de vivre. Mais les dirigeants israéliens ne veulent pas la paix, ils veulent régner par la terreur. L’Etat d’Israël est un Etat terroriste, selon la définition même des fondamentalistes de la Maison Blanche. Cet Etat devrait être mis au ban des Nations s’il existait une institution capable de faire respecter le droit international. La France s’en rend actuellement complice en permettant, comme les Etats-Unis le souhaitent, à l’armée israélienne de continuer à massacrer les civils libanais et palestiniens au prétexte de désarmer leurs milices. Certes, il est urgent d’arrêter les massacres actuels, mais il est urgent aussi d’empêcher qu’ils puissent se reproduire, l’histoire nous ayant malheureusement démontré qu’ils sont récurrents et qu’ils reprendront tant que des mesures contraignantes et coercitives ne seront pas prises contre l’Etat d’Israël, dans l’intérêt des peuples de toute la région, y compris du peuple israélien. Dans notre intérêt à nous aussi : si nous voulons pouvoir parler de démocratie la tête haute, notre pays doit pouvoir parler d’une voix indépendante et imposer des sanctions à l’Etat d’Israël pour ses exactions.