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Avec Ted Margadant, historien aux USA

Par Jean-Paul Damaggio • Bibliothèque • Mardi 10/07/2007 • 0 commentaires  • Lu 2239 fois • Version imprimable


Dans Libération du 13 septembre, en présentant un livre, Robert Maggiori nous fabrique une vérité inexistante dont nos médias sont si friands.

 

En trois parties il évoque :

a) une vérité solide : des historiens d’origine nord-américaine ont produit d’éminents travaux sur l’histoire de France.

b) une vérité partielle : de tels thèmes de travail viennent de la passion que des hommes et des femmes ont eu pour la France.

c) Puis, comme on le verra, il tord la chronologie en concluant que les dits historiens craignent qu’à présent un tel phénomène ne se soit épuisé car : « La guerre d’Irak, il est vrai, n’a rien arrangé : se sentant « trahie » par la France, l’Amérique a jeté le bordeaux dans le caniveau, et débaptisé les frites de French fries en freedom fries ».

Le livre présenté, Pourquoi la France ? Des historiens américains racontent leur passion pour l’Hexagone, de Laura Lee Downs et Stéphane Gerson (ne disons rien sur cet abus classique en France qui rend Américains les habitants des USA), a un grand intérêt puisqu’il rappelle l’existence d’études précieuses rarement traduites.

Le hasard a voulu que j’invite à Montauban l’un des ces Nord-américains férus d’histoire de France. Ce prof d’université de San Francisco, Ted W.Margadant a écrit en particulier : French peasants in Revolt, The insurrection of 1851, une étude merveilleuse sur les révoltes paysannes contre le coup d’Etat de 1851 qui m’aida énormément à écrire un livre que j’avais intitulé en 2001 : Une dictature à la française ? et qu’aujourd’hui j’intitulerai sans le point d’interrogation : Une autocratie française (plus de renseignements sur l’ensemble de la question sur le site www.1851.fr).

A la question : « qu’en est-il à présent des études historiques sur la France aux USA ? » Sur les raisons de cette désaffection Ted Margadant eut une réponse totalement différente de celle de Robert Maggiori : « Le cœur de l’histoire de la planète se déplaça de la Méditerranée à l’Atlantique pour battre à présent dans le Pacifique ». Ceci pour dire que les Universités des USA, vu l’évolution du monde, ont considéré que l’avenir se jouerait dans un combat entre Chine et USA et qu’en conséquence il était plus que temps de se pencher sur l’histoire de l’Asie (la guerre du Vietnam ne pouvait être cette occasion). Il y a sans doute des dizaines de jeunes nord-américains qui, pour une raison ou une autre, voudraient se pencher encore sur l’histoire de France, mais le poste de Ted Margadant ne sera pas renouvelé. Nous étions bien avant l’acte courageux de Jacques Chirac s’opposant aux USA (nous sentons aujourd’hui que cette page d’histoire de France est tournée) et Ted Margadant pouvait énumérer les noms d’historiens de son pays passionnés par la France (dont son épouse), et expliquer comment naquit cette passion : un jour de mai 68, coincé à Montpellier, il apprit que des étudiants de son pays se faisaient tuer par la police et il décida de consacrer ses études aux répressions d’Etat. Mais sa vision du monde ne pouvait réduire son évolution au passage des French fries aux freedom fries. Le face à face entre le capitalisme d’Etat chinois et le capitalisme anti-Etat des USA sera au cœur du XXI ème siècle, en conséquence, si j’ai un conseil à donner aux étudiants français voulant faire carrière aux USA, je leur dirai : étudiez le chinois.

D’autant que depuis ce constat, qui date déjà de sept ans, l’affrontement Chine-USA a pris une nouvelle ampleur que les prochains J.O. de Pékin rappelleront. Un économiste mexico-palestinien (un Américain donc) annonce même, avec des arguments éloignés des vérités inexistantes (nous le croiserons dans une prochaine chronique) que les USA ont déjà perdu cette guerre économique. Les USA ont toujours eu besoin d’alliés de poids à travers le monde. En Europe, la Grande-Bretagne leur sera fidèle. Au Moyen-Orient, la Turquie et Israël jouent ce rôle. Aux Amériques, le Canada et le Brésil restent dans leur orbite. En Asie, la situation reste plus instable depuis la perte de l’Iran. Dans ces conditions, l’histoire de France devient stratégiquement secondaire.

16-09-2007 Jean-Paul Damaggio


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