Je comprends votre courroux face à l’outrage perfide, pernicieux, du sinistre Guéant, spécialiste des coups tordus, fanatique des expulsions aveugles et des propos infâmants pour complaire à un électorat borné. Vous avez cité Montaigne, posé des questions pertinentes et fait la distinction judicieuse entre civilisation et régime politique. Les périodes électorales ne sont pas les plus propices aux raffinements intellectuels ni aux subtilité sémantiques.
Que vaut une « civilisation » qui laisse mourir de froid des êtres humains à la rue, licencie massivement sans autre motif que l’optimisation du cours boursier, prive de travail et de foyer pour combler des actionnaires repus ?
A ceux qui voudraient prendre un peu de hauteur et de recul et à vous-même, Monsieur le député Letchimy, je recommande les exposés (en 1929) de « Civilisation. Le mot et l’idée »
http://classiques.uqac.ca/classiques/febvre_lucien/civilisation/civilisation_idee.pdf
Ils apprendront que l’on disait jadis policé pour civilisé. Le mot civilisation, à défaut du concept construit, apparaît en 1776 dans un ouvrage posthume de Monsieur Boulanger. Furetière aborde la notion sous l’angle sociologique « Les paysans ne sont pas civilisés comme les bourgeois, et les bourgeois comme les courtisans. » D’Holbach en 1773 : « Une nation se civilise à force d’expériences. (…) La civilisation complète des peuples, et des chefs qui les commandent, la réforme désirable des gouvernements, des moeurs, des abus ne peuvent être que l’ouvrage des siècles, des efforts continuels de l’esprit humain, des expériences réitérées de la société. »
Même dans la façon de faire la guerre, des peuples dits primitifs assignaient souvent des limites à la violence, tandis que des prétendus civilisés usent de l’arme atomique sur des populations civiles et pratiquent la guerre totale.
Ainsi, dire que les civilisations se valent ou non est imprécis et insensé. Que les hommes ne se comportent pas tous avec la même dignité, le même respect d’autrui, est un fait avéré, lui : Guéant est (avec Hortefeux, son prédécesseur dans la fonction) l’âme damnée de Sarkozy depuis une décennie, un barbare encravaté.
La France pavoise : l’acteur Jean Dujardin et le film The Artist sont les stars des Oscars d’Hollywood. L’intensif lobbying s’est avéré payant. Serait-ce avoir l’esprit chagrin ou seulement critique de relever que le film muet mérite Hollywood aussi en ce qu’il lui rend hommage, qu’il évacue la parole (donc la langue) et facilite ainsi la diffusion (donc le marché) ? Le coup de génie est autant commercial qu’artistique : silence on tourne, silence on vend. La civilisation est-elle vouée au mutisme ou au vacarme ?