Tel un voyageur aveuglé par le soleil, je sens ma vue brouillée avec mon entendement, à la lecture des dernières gazettes.
En lointaine Palestine, l’armée du feu roi David libère plus de mille dangereux soldats d’Allah pour récupérer un seul de ses prisonniers, le soldat Shalit, de valeur militaire dérisoire au demeurant. Il se disait que le Hamas et l’armée de David étaient les pires ennemis qui n’aient jamais été. L’armée de David avait empêché des nefs humanitaires, chargées de briques, de remèdes et de vivres, d’aborder aux rivages de Palestine arguant que la population impie, enfants et nouveaux-nés inclus, nourrissait des sympathies pour ce Hamas-là. La communauté internationale mettait au ban ces bandits. Par quel miracle sont-ils devenus fréquentables ? M’est avis que, sauf déraison, vaut ici l’adage qui veut que les ennemis de mes ennemis soient mes amis. Les gens du Hamas et ceux de David exècrent uniment le calife des Palestiniens. Le roi chrétien François Ier fit semblablement alliance avec Soliman l’impie contre l’Empereur chrétien Charles Quint. Contre les gens du Hamas et ceux de David, Mahmoud Abbas, le calife des Palestiniens, sollicite en vain la reconnaissance de son Etat. La modération ne paie décidément pas.
Présentement, je suis en la bonne ville de Paris, capitale du royaume de France. Le roi Nicolas Ier dit qu’il ne reconnaît pas le Hamas, qu’il a beaucoup œuvré à la libération du soldat Shalit, qui est aussi sujet français. Comprends-tu, cher Guillaume, que Nicolas Ier ne bouge pas le petit doigt pour un autre sujet français, franco-palestinien lui, nommé Salah Hamouri, détenu par le camp de David sur la base d’indices fort ténus ? Interrogé, Nicolas Ier dit qu’il espère la libération d’Hamouri. Faute de bouger un petit doigt, il fronce un sourcil. Les principales gazettes imprimées ou télévisuelles n’ont pas fait grand cas du sort piteux de Salah. Sur ce point, L’Humanité, journal de la populace, est plus loquace.
M’est avis que les Français ont pour mission de divertir le monde. Quand ils ne nous réjouissent pas par leurs frasques érotiques, ils font de la politique un jeu du cirque à grande échelle. Sur ce chapitre, le parti des socialistes vient de marquer des points spectaculaires. Issus du même sérail, nourris des mêmes doctrines, la bourgmestre de Lille et le baron de Corrèze ont fait assaut de joutes oratoires pour choisir qui tentera de ravir la place de Nicolas Ier. Le baron a remporté la joute. Le bruit du spectacle est inversement proportionnel à la quantité de leurs divergences.
Dans notre chère Helvétie, les choses sont plus calmes, sinon rassurantes et claires. Notre célèbre banque UBS multiplie les déconvenues. Un de leurs jeunes marchands les a lourdement grugés. Il se murmure que sa hiérarchie connaissait ses activités illicites. Le directeur de la banque, sieur Oswald Grübel, est conduit à la démission. Les descendants des vachers d’Amérique demandent des comptes à UBS pour complicité supposée avec un rufian de haut vol, dénommé Madoff. Au surplus, UBS refuse les virements bancaires au bénéfice d’organisations humanitaires palestiniennes, même sur un compte en Suisse. Adossée à une « sanction internationale » légalement douteuse, la banque invoque « la liberté du commerce » pour refuser toute transaction pour la Palestine. De libres clients closent en effet leur compte chez UBS en signe de protestation. L’évaluateur des marchands Fitch dégrade UBS au prétexte d’un appui financier insuffisant de la Confédération. Sombres jours pour notre belle enseigne. A ce point, mon entendement se brouille encore. On demande aux Etats se s’effacer au bénéfice des marchands et des banquiers, puis on exige d’eux qu’ils garantissent les risques et pertes desdits opérateurs. De quels moyens disposeront-ils face à ceux qui les ont détrônés ? Qui les garantit eux, les Etats ? La populace paupérisée ? Les doctes économistes que je consulte me parlent anglais aussi obscurément que les médecins de Molière en latin. Quelques doctes hétérodoxes, boudés par les cénacles et les cours de l’officialité, prétendent hardiment qu’il faut chambarder l’ensemble de l’ordre économique, ce qui me semble peu circonspect. Que te semble, cher Guillaume ?
Notre peuple helvète va bientôt désigner ses représentants. Je t’en parlerai dans ma prochaine missive.
Ton ami Wilhelm .
Gabriel Galice – 19 octobre 2011
Merci pour ce petit ballon d'oxygène. A.C.