C’est entendu la défaite de Sarkozy sera, quoi qu’il arrive, une excellente chose. Et de ce point de vue les positions du gauchisme radical renvoyant dos-à-dos le candidat de l’UMP et le candidat du PS ne valent rien. Ils dissertent à perte de vue sur le programme de Hollande, sur son européisme invétéré, sur sa filiation . « delorsienne », sur son caractère... Tout cela est vain. Voici des gens très radicaux qui attendent un sauveur suprême et comme Hollande, à l’évidence, ne sera pas ce sauveur suprême, ils en déduisent qu’il faut rester chez soi en avril et mai 2012 ou voter au premier tour pour un candidat de témoignage. Le maximalisme révolutionnariste, comme de coutume entretient la passivité et vole au secours de l’ordre (ou plutôt du désordre) établi.
Restent les questions politiques de fond, qu’il faut traiter avec sérieux. Une grande majorité de citoyens s’apprêtent à voter pour le candidat du PS non pas en raison de son programme mais en dépit de ce programme. Car tous savent bien (quoi qu’en pensent les donneurs de leçons) que les promesses électorales n’engagent ue ceux qui y croient. Et, de surcroît les promesses de Hollande sont peu engageantes. La création de 300.000 emplois aidés par des baisses de charge a été démontée par les partisans de Martine Aubry avec la pertinence suffisante. Le recrutement de 60.000 professeurs est une mauvaise blague puisque Hollande entend le financer par des économies faites par la suppression des redoublements. Et surtout Hollande s’est engagé par avance à poursuivre la politique de diminution des dépenses publiques et d’augmentation des impôts et taxes de celui qui quittera – peut-être – l’Élysée au printemps prochain. Sans en reprendre le nom, Hollande se prononce comme Valls pour une TVA sociale devant laquelle Sarkozy avait fini par reculer. Rien ne sera changé concernant le plan de réduction des retraites et la soumission à intérêts du capital financier est garantie. Pourquoi alors voter Hollande, nous dira-t-on ? Tout simplement pour battre Sarkozy car une réélection de l’actuel titulaire constituait un coup de massue sur la tête des citoyens et ouvrirait un boulevard aux projets déjà connus de la droite notamment en ce qui concerne les services publics et la fonction publique. Hollande, au fond de lui-même, n’est peut-être pas si éloigné de ces projets, mais s’il est élu, il n’aura pas les moyens de les mettre en œuvre sans s’opposer à une farouche résistance. À la différence de ceux qui cherchent un sauveur suprême révolutionnaire, nous misons sur l’activité des citoyens, des travailleurs, des jeunes, des retraités, de tous ceux pour qui capitalisme veut dire « no future ».
Il faut dire ici un mot des primaires socialistes. Tant l’importante participation à ce scrutin que le bon résultat de Montebourg attestent que la dépolitisation n’est qu’un souhait des classes dirigeantes, mais nullement un fait dans la grande masse de la population.3 millions de votants pour départager deux candidats aussi peu « charismatiques » et aussi peu attrayants par leurs programme que Hollande et Aubry, cela témoigne incontestablement de la volonté de très nombreux citoyens de reprendre leur sort en main et de peser, comme ils le peuvent, là où ils peuvent peser.
De ce point de vue, la disparition de la gauche socialiste traditionnelle (Emmanuelli, Hamon) qui a fait campagne pour Aubry est inquiétante. Hamon est un homme estimable mais on aurait aimé entendre un peu plus sa voix ! En avalisant la fable d’Aubry candidate d’une « gauche dure » contre la « gauche molle », les leaders de la gauche du PS ont contribué à semer la confusion là où la clarté politique s’imposait. Par ailleurs, on doit bien constater que Montebourg ne sait pas quoi faire de son succès et que ses mots d’ordre sympathiques (démondialisaion, mise sous tutelle des banques, VIe république) ne s’appuient sur une véritable stratégie. Son ralliement un peu honteux à Hollande dit tout cela très bien.
De nombreuses forces existent qui partagent, peu ou prou, des analyses convergentes sur la phase actuelle du mode de production capitaliste, sur la construction européenne ou sur la nécessité de profondes transformations institutionnelles dans notre pays. Elles restent malgré tout éparpillées, chacun cultivant son petit morceau de jardinet et laissant les grands jouer dans la cour des grands. Il serait peut-être possible que les uns et les autres prennent langue.
S'il s'agit de se débarasser de Sarkozy, je crois que l'affaire est bien engagée.La participation aux primaires (qui ne sont en rien une avancée démocratique, mais c'est un autre débat) en témoigne. Encore qu'il me semble qu'elle est loin d'être le fait des couches populaires, le problème restant entier de ce côté là. Mais ne me demandez pas de voter Hollande dès le premier tour.
Permettez moi d'être dubitatif lorsque vous écrivez à propos de celui-ci : "mais s'il est élu, il n'aura pas le moyens de les mettre en oeuvre sans s'opposer à une farouche résistance". Comme celle de l'intersyndicale face à la réforme des retraites ? Comme au temps de l'élection de Jospin avec la privatisation de France Télécom ou de Wilvoorde ?
"De nombreuses forces existent qui partagent, peu ou prou, des analyses convergentes sur la phase actuelle du mode de production capitaliste, sur la construction européenne ou sur la nécessité de profondes transformations institutionnelles dans notre pays" lesquelles et à quel niveau de force ?
Je ne suis pas sûr qu'il existe une issue dans l'immédiat, à mon grand regret.