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Francesco Cossiga donne une leçon de démocratie

Par la-sociale • Internationale • Mardi 04/11/2008 • 7 commentaires  • Lu 3616 fois • Version imprimable


D'importants mouvements d'étudiants, de lycéens et d'enseignants se sont mobilisés contre la réforme de l'enseignement entreprise par le gouvernement Berlusconi - une réforme qui ressemble à s'y méprendre à celle de Darcos dans les lycées. À cette occasion plusieurs quotidiens italiens ont interviewé Francesco Cossiga, ancien ministre de l'intérieur et ancien président de la République. Avec sa franchise méritoire, l'onorevole Cossiga a expliqué une fois de plus ce qu'était la démocratie dans les pays capitalistes. Qu'il soit ici chaleureusement remercié pour cette excellente leçon.


Nous republions le texte de la terrifiante interview que Francesco Cossiga a donnée à quelques quotidiens nationaux.  Cossiga comme ministre de l’intérieur dans les années 1976-1978 conduisit la répression impitoyable du mouvement et son action a été liée pendant cette période, dans des circonstances entourées d’un impénétrable mur du silence, aux faits les plus tragiques et obscures de l’histoire récente de la république : Gladio, P2, le meurtre de Giorgiana Masi. Comme ex-président de la république il siège encore au Parlement comme sénateur à vie. (Présentation par la rédaction de la revue Micromega)


Interview de Andrea Cangini, Quotidiano Nazionale (Il Giorno /Resto del Carlino/La Nazione), 23 ottobre 2008

Président Cossiga, pensez-vous qu’en menaçant d’utiliser la force publique contre les étudiants Berlusconi ait exagéré?
«Ça dépend, s’il croit être  le président du conseil d’un État fort, il a très bien fait. Mais puisque l’Italie est un État faible, et que dans l’opposition il n’y a plus le granitique PCI mais l’évanescent PD, je crains que les paroles ne soient pas suivies par les faits et que donc Berlusconi doive faire la grimace. »

Quels faits devraient suivre?

«Maroni devrait faire ce que j’ai fait quand j’étais ministre de l’Intérieur. »

C’est-à-dire?
«En premier lieu, faire sembler de céder devant les lycéens, parce que pensez à ce qui arriverait si un jeune était tué ou restait gravement blessé … »

Les universitaires, au contraire ?
«Laisser laire. Retirer les forces de police des rues et des universités, infiltrer le mouvement avec des agents provocateurs prêts à tout et laisser pendant une dizaine de jours les manifestants dévaster les commerces, mettre le feu aux autos et mettre les villes à feu et à sang. »

Et après?
«Après, fort du consensus populaire, le son des sirènes des ambulances devra surpasser celui des voitures de police et des carabiniers. »

Dans quel sens ...
Dans le sens que les forces de l’ordre ne devraient avoir aucune pitié et les envoyer tous à l’hôpital. Ne pas les arrêter, il y a tant de magistrats qui les remettraient tout de suite en liberté ! mais les frapper et frapper aussi les enseignants qui fomentent les troubles. »

Même les enseignants ?
« Surtout les enseignants»

Président, ce que vous dites est un paradoxe, non?
«Je ne dis pas les anciens, certes, mais les jeunes maîtres, oui. Se rend-on compte de la gravité de ce qui est en train de se passer ? Il y a des enseignants qui endoctrinent les enfants et les font descendre dans la rue : une attitude criminelle ! »

Et vous-rendez vous compte de qui se dira en Europe après une affaire de ce genre? « L’Italie retourne au fascisme” dira-t-on.
«
Franchement, c’est la recette de la démocratie : éteindre les flammes avant qu’elles ne deviennent un incendie.»

Quel incendie?

«Je n’exagère pas. Je crois vraiment que le terrorisme revient pour ensanglanter les rues de ce pays. Et je ne voudrais pas qu’on oublie que les Brigades Rouges ne sont pas nées dans les usines mais dans les universités. Et que les slogans dont ils usaient ils les avaient testés auparavant dans le mouvement étudiant et la gauche syndicale. »

Il est donc possible que l’histoire se répète?
«Non, ce n’est pas possible, c’est probable. Pour celà, je dis: n’oublions pas que les BR sont nées parce que le feu n’a pas été éteint à temps.s

Le PD de Veltroni est du côté des manifestants.
«Mais regardez, franchement, moi, Veltroni qui descend dans la rue avec le risque de se prendre des coups, moi je ne le cois pas. Je le vois mieux dans un club réservé de Chicago à applaudir Obama…»

Il n’ira pas dans la rue avec un bâton, certes, mais politiquement…
«Politiquement, il est en train de faire la même erreur qu’a faite le PCI au début de la contestation : il appuie le mouvement en se donnant l’illusion de le contrôler, mais quand, comme c’est logique, ils seront à leur tour dans le collimateur, ils changeront radicalement de registre. Ce qu’on a appelé la ligne de fermeté appliquée par Andreotti, Zacccagnini et moi-même, c’est Berlinguer qui la voulait… Mais aujourd’hui, c’est le PD, un ectoplasme dirigé par un ectoplasme. Et même pour cela, Berlusconi ferait bien d’être plus prudent.»

(31 ottobre 2008).


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Commentaires

par quent1 le Mardi 04/11/2008 à 21:50

Fin de l’Europe des Lumières, code de bonne conduite, l'Europe nouvelle se met en place et Gladio n'est pas vraiment mort 


Pétition. par Anonyme le Mardi 11/11/2008 à 02:41

J'ai lancé une pétition de soutien à l'une des plaintes déposées en Italie contre Francesco Cossiga -suite à ces propos qui sont un symptôme extrêmement grave d'une fascisation des esprits. On peut la retrouver en page d'accueil de mon site: www.dormirajamais.org et l'on peut aussi relayer le lien suivant sur d'autres sites et d'autres blogs: http://www.easy-petition.com/cossiga/


Re: Pétition. par la-sociale le Mardi 11/11/2008 à 09:35

Je trouve très discutable cette initiative de pétition contre Cossiga. En général, je déteste la mode du "politiquement correct" qui fait qu'on poursuit les gens pour leurs propos et non leurs actes. Je crois que la parole doit être absolument libre et je vois mal comment on pourrait défendre ici ceux qui, chaque jour, sont traînés devant la justice pour une parole déplacée contre notre chef de l'État et soutenir ceux qui veulent faire condamner Cossiga pour ses propos. Au demeurant, personne n'a poursuivi Cossiga quand il a déclaré que le "11 septembre" était l'oeuvre des services secrets occidentaux ou quand il a révélé quelques-uns des dessous de l'opération "Gladio" ou les accords entre le gouvernement italien et certains groupes palestiniens.

Cossiga dit ce que pense et fait la classe dominante. Je trouve cela très bien. Personne ne pourra dire maintenant qu'il ne savait pas!

Vous parlez de la "fascisation" des esprits en Italie. Je ne suis pas certain du tout qu'il s'agisse de cela. L'autoritarisme du gouvernement n'est pas du fascisme (ou alors on n'appelle fascisme n'importe quoi) et par exemple, à Rome, la chasse aux Roms n'est pas l'invention du maire ANiste actuel, mais a d'abord été lancée par Veltroni, cet "ectoplasme dirigeant un ectoplasme" comme le dit si joliment Cossiga. L'évolution de la situation italienne ne découle de la force propre de je ne sais quel fascisme renaissant mais des fautes et des trahisons d'une gauche absolument lamentable. Les liquidateurs de la gauche s'appellent Veltroni, D'Alema and Co, mais aussi Bertinotti, Vendola et tous ces gauchistes qui ont soutenu Prodi et enterré le communisme italien qu'ils prétendaient continuer de représenter. (Voir sur ce site mes articles sur la situation en Italie). Toute cette "gauche" n'a aucun projet, aucune ligne politique, elle a capitulé en rase campagne devant l'européisme stupide de la social-démocratie (PRC et PdCI en tête), elle a laissé à Bossi le soin d'exploiter les légitimes ressentiments populaires contre l'UE, elle laisse à Tramonti le monopole de la dénonciation de la mondialisation. C'est ce bilan-là qu'il faut tirer et non s'occuper de manoeuvres de diversion contre ce malheureux Cossiga.

Denis COLLIN


Re: Pétition. par Anonyme le Lundi 17/11/2008 à 04:14

Cher monsieur;

Le politiquement correct n'est pas mon fort. Et je ne vois pas très bien ce que l'on gagne à vouloir jeter le bébé -tous les partis de la gauche italienne, certes très désorganisés et pour ceratins fauteurs de mesures infiniment discutables- avec une eau du bain désormais suffisamment brunâtre pour qu'on s'en inquiète un peu. A moins bien sûr d'agiter l'épouvantail du pire dans l'attente de la Révolution -ce qui en plus d'être parfaitement hasardeux, peut s'avérer au passage tout à fait criminel. La seule chose qu'on puisse espérer qui irait dans votre sens, c'est que dans le marasme actuel -très grave je le répète- la dite gauche puise la force de s'assainir et de repartir au combat. Ses bases sont dans la rue, elle ne peut plus ne plus les voir.

Très cordialement.

Olivier Favier


Re: Pétition. par la-sociale le Lundi 17/11/2008 à 07:45

Il faut placer les responsabilités là où elles sont. La vérité, indiscutable, est que la coalition de "centre-gauche" de Prodi a été incapable de protéger les travailleurs. Au contraire: elle a fait passer tous les mauvais coups contre les acquis sociaux (par exemple la loi sur les retraites). Et le PRC comme le PdCI, associés au gouvernement (Bertonotti fut même président de la chambre des députés!), sont les complices de cela.  Aujourd'hui, il n'y a plus aucun député de gauche, ni aucun sénateur de gauche puisque le PD répudie toute filiation de gauche, tout rapport avec le mouvement ouvrier et même le plus simple républicanisme puisqu'il a renoncé à la laïcité, vu qu'une partie du PD, l'ex marguerite, est démocrate-chrétienne. Le seul bon signe depuis la défaite a été la défaite des amis de Bertinotti au congrès du PRC. Voilà pour la gauche. La droite est de droite, on le sait. Mais le problème de l'Italie, c'est la gauche ou plutôt l'absence de gauche.

Vous parlez des "eaux brunâtres". Là encore, la droite (en Italie comme en France) ne fait que suivre la gauche et l'Union européenne. Car, que je sache, l'Italie ne fait que mettre en pratique ce qu'on voté les députés européens (y compris pour l'essentiel le PSE) et ce qu'on adopté les gouvernements à la dernière conférence européenne consacrée à l'immigration et parmi ces gouvernements les gouvernements où siègent les socialistes (Allemagne, Autriche...) et les gouvernements purs socialistes comme le Portugal et l'Espagne. Prendre Berlusconi comme facile tête de Turc en oubliant les autres, c'est une opération d'enfumage idéologique.

Enfin, poursuivre les gens pour leurs propos, comme le propose la pétition anti-Cossiga, c'est tout simplement donner des fouets pour se faire battre. La bêtise sans nom des gauchistes qui réclament toujours plus de lois pour réprimer les mauvaises paroles est proprement affligeante. Car avec ces âneries, on va pouvoir poursuivre en justice pour diffamation envers un groupe sociale toute personne qui écrira "les patrons sont des exploiteurs" et condamner pour incitation à la violence quiconque criera "vive la révolution"...


Re: Pétition. par olivierfavier le Vendredi 05/06/2009 à 19:28

Je viens de lire le dernier projet de loi sur le contrôle d'internet en Italie. Berlusconi et ses acolytes n'ont pas attendu, faut-il croire, nos levées de bouclier "gauchistes" devant leurs propos toujours plus inacceptables pour y aller de leur censure? Chose étrange, je découvre aujourd'hui votre réponse. L'habituelle agressivité de l'actuel combat fratricide... tandis que les communistes s'entretuaient dans Barcelone... Tout cela, à leurs yeux, au rythme où vont les choses et où les savants hésitent encore à apeler un chat un chat, tout cela doit leur paraître délicieusement pathétique... Et pour une fois je leur donnerai raison...

Avez-vous vu en Italie les centaines d'affiches en commémoration de la RSI?

Ou attendez-vous pour parler de fascisme le manganello et l'huile de ricin?

Bien à vous.

Olivier Favier


Lien croisé par Anonyme le Dimanche 07/12/2008 à 21:45

socialiste de gauche 65 : "  1 à ce propos il faut lire une très bon article sur la sociale  : lien"



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