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Il est encore interdit d’interdire ?

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Mercredi 08/01/2020 • 0 commentaires  • Lu 7495 fois • Version imprimable


« Jouir sans entraves », « il est interdit d’interdire » donc « CRS=SS » autant des slogans qui m’ont paru ridicules en 68 mais sans savoir pourquoi.

Par la suite 68 a été accusé de tous les maux et de tous les mots par des éléments de la droite qui voyaient en cette source toute la remise en cause de l’autorité. Analyse qui m’est apparu ridicule mais sans savoir pourquoi.

C’est à la fin des années 1970 Michel Clouscard qui a éclairé ma lanterne.

En France plus qu’ailleurs la révolte de 68 n’avait pas mis face à face le capital et le travail, les réactionnaires et les révolutionnaires, les bourgeois et le peuple mais avait mais face à face, à l’intérieur de chaque camp deux courants radicalement opposés ! Et en France ils étaient plus qu’ailleurs fortement représentés.

A sein du pouvoir nous avions la bourgeoisie traditionnelle dont De Gaulle pourrait être une figure et la bourgeoisie néolibérale avec Giscard, figure ayant grandi dans son ombre. Le interdit d’interdire étant bien antérieur à mai 68 puisqu’il traverse toute la révolution du capitalisme.

Au sein des adversaires du pouvoir nous avions la révolte traditionnelle dont Duclos pourrait être une figure et la révolte de la «deuxième gauche» avec Rocard en figure de proue.

Mitterrand ayant ses entrées dans tous les courants de la société a su jongler en jouant Chirac contre Giscard, Rocard contre George Marchais etc. avec pour seule ambition le pouvoir et en aucun cas le socialisme même si, je tiens à le préciser, la victoire de 1981 a apporté beaucoup de mieux pour le peuple français.

Mais pourquoi répéter aujourd’hui une analyse ancienne même si elle est peu partagée ? Parce que, si la configuration a changé, le modèle reste le même.

Que sont les révolutions « facebook » ?

Elles dénoncent un système qu’elles confortent ! Et il n’y a pas d’alternative… il faut conforter la puissance de la nouvelle «bourgeoisie numérique» (c’est le résultat pratique de l’utilisation de facebook, Uber…) pour aller dans la rue crier sa colère !

La bourgeoisie facebook, GAFA, Uber, ou disons la «bourgeoisie numérique», de la plateforme a détrôné la bourgeoisie néolibérale du fric pour le fric, des conventions collectives etc. Et pour ce faire elle a besoin du peuple, un peuple qui a détrôné les vestiges de la révolte classique, partis, syndicats etc.

Les myopies face à 68 se répètent à présent.

Etrangement le néo-libéralisme a cherché à détruire tout ce qui était petit (petits artisans, petits commerçants, petites entreprises) au profit des multinationales de la banque et de l’industrie, et aujourd’hui la bourgeoisie numérique, s’appuyant sur ce grandiose, soutient tout ce qui est petit, en faisant de la solitude l’horizon de chacun, pour que l’homme devienne plus que jamais un loup pour l’homme !

Mais quoi, ai-je si peu participé aux gilets jaunes pour ne pas avoir compris que sont nés autour des ronds-points des solidarités ? Ai-je si peu suivi les événements d’Algérie pour avoir compris que tous les Vendredis c’est un peuple qui se constitue en peuple ?

Sauf que tout le monde peut aussi observer qu’il était et est difficile de passer d’une somme d’individus au coude à coude, à une force organisée capable de rivaliser avec la «bourgeoisie numérique», et ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui ! Les syndicalismes, les partis politiques, les associations ont débuté par de petits groupes à la base qui ensuite se sont fédérés pour atteindre une envergure nationale (pour faire sourire je pense au Crédit agricole mutuel qui a perdu depuis longtemps l’aspect mutuel). A présent nous avons d’entrée de jeu des mouvements nationaux sans relais clairs à la base !

Comme je l’ai fait pour 68 puis-je donner quatre figures représentant la nouvelle configuration ?

Du côté du pouvoir nous avons un duo bien connu qui s’appelle pour la bourgeoisie néolibérale Marie Le Pen, et pour la bourgeoisie numérique Emmanuel Macron. Ils occupent tout l’espace en jouant de toutes les solitudes.

Du côté des adversaires du pouvoir les miettes sont devenues telles que je n’ai aucun nom pour la figure de la révolte classique (aujourd’hui Martinez) et pour la révolte des fanas de facebook (peut-être Mélenchon).

Dans tous les cas, nous savons que la sortie du piège mis en place par la bourgeoisie numérique sera difficile, même si des penseurs d’aujourd’hui nous y aident souvent, en Algérie, en France et ailleurs. Bien sûr, comme tout outil, le numérique peut servir les intérêts de la bourgeoisie ou de ses opposants, mais faut-il encore, pour les opposants, saisir les bonnes stratégies.

Jean-Paul Damaggio


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