Rappel des faits : après des mois d’occupation de l’Ambassade du Japon à Lima par le groupe péruvien MRTA, les forces de sécurité d’Alberto Fujimori réussissent une opération audacieuse pour en finir avec cette crise. Une telle opération a été clairement préparée avec l’aide des services secrets israéliens et elle a mis un terme définitif aux guérillas du Pérou. Le Sentier lumineux avait été neutralisé et c’était donc le tour du MRTA avec pour Fujimori l’image de sauveur. Actuellement cependant Fujimori comme son bras droit de l’époque, agent de la CIA, Vladimiro Montesinos, est en prison pour ses propres crimes.
La libération d’Ingrid Bétancourt annonce la fin des FARC et donc la fin des stratégies de guérilla aux Amériques. Le poids des circonstances de l’heure (la mort d’un chef par exemple) rencontre des phénomènes plus profonds. Le phénomène se situe au croisement de quatre nouveautés : la crise profonde de la base sociale paysanne, le déséquilibre actuel entre la force d’un fusil et celle des services de renseignements des maîtres du monde, l’aspiration générale à la démocratie même quand ses insuffisances sont très nettes, et les succès partiels de la dite démocratie. Quand le peuple peut élire comme président l’Indien Evo Moralès, pourquoi continuer la stratégie des armes ?
Le cas du Venezuela démontre lui-même que la fin des guérillas dans ce pays a été finalement un facteur bénéfique pour la victoire de Chavez. Au sein même de la Colombie qui a toujours eu une forte tradition de gauche parlementaire, ce courant va se sentir plus fort malgré le bénéfice temporaire que peut tirer des événements l’actuel président de droite Uribe.
Naturellement cette fin des FARC et la possible avancée de la démocratie ne signifient en rien la fin de la violence. Du Honduras au Brésil, tous les indicateurs sont au rouge quant à montée de la délinquance urbaine et ce phénomène est aussi profond que la fin des guérillas ! La Colombie va seulement pouvoir entrer dans le marché politique ordinaire avec comme grand ordonnateur les médias à la solde des milliardaires.
Et les USA dans tout ça ? Personne ne doute un seul instant que les services de renseignements furent un auxiliaire précieux d’Uribe d’où la libération de Nord-américains en même temps qu’Ingrid, libération annoncée par avance au soldat Mc Cain pour lui donner un coup de pouce dans sa difficile lutte contre Obama, en vu de l’élection du quatre novembre. Mc Cain en se précipitant à Bogota a cependant confirmé la formule inventée par les défenseurs d’Obama : Mac Same pour dire que Mc Cain veut continuer Bush. D’ici l’élection du prochain président des tonnes de dollars vont circuler en tout sens (pour Obama il faut qu’ils lui amènent le vote latino) et donc bien difficile de prévoir le résultat. Une seule chose est sûre pour le moment : comme aux Primaires, Obama fait la course en tête, une course où il veut cultiver le souhait d’Etasuniens en manque de paix. La libération d’Ingrid Bétancourt va donc s’inviter dans cette campagne : Mc Cain y trouvera la preuve que seule la méthode forte est payante et Obama que seul le respect des pauvres est source d’avenir. Bien sûr il s’agit seulement d’histoires que chacun va se raconter quelques mois (storytelling) avant qu’ensuite la politique des riches impose ses dures règles qui cependant ne sont pas sans nuances voire sans contradictions.
Contre les deux fers au feu classiques du capitalisme, les démocrates doivent se saisir de l’heure présente pour travailler aux dures règles d’une démocratie indépendant du fric.
3 juillet 2008 Jean-Paul Damaggio