S'identifier - S'inscrire - Contact

Insurrection électorale au Mexique

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Mardi 03/07/2018 • 0 commentaires  • Lu 1433 fois • Version imprimable


Le résultat était attendu mais dépasse toutes les espérances.

 

Depuis 2006 je suis le parcours de cet Mexicain atypique à qui la fraude a trop souvent volé la victoire.

Contre tous les pouvoirs réunis, économiques, politiques, médiatiques, contre les dirigeants des USA qui déversèrent contre AMLO (Andres Manuel Lopez Obrador) et son parti MORENA (MOuvement de REgénération NAtionale) des tombereaux d’insultes, de menaces les électeurs et les électrices mexicains viennent de dire NON aux régimes en place.

Nous le savons, une victoire électorale ne signifie en rien un accès aux pouvoirs divers, surtout si, après le vote, la société se démobilise, mais ça ne semble absolument pas le cas au Mexique.

L’événement est d’autant plus considérable que partout aux Amériques nous assistons à des retours vers la droite, les pouvoirs de «gauche» ayant échoué. Le Mexique avance-t-il à contretemps ?

Sur Libération un journaliste a décrit AMLO comme rassemblant un peu de Chavez, un peu de Lula, un peu de Bachelet. Il aurait pu ajouter un peu de Rafael Correa vu leur commun attachement à la stratégie «chrétien de gauche».

En fait le Mexique est plus proche de l’Amérique du Nord que de celle du Sud et AMLO ne ressemble à personne. Sa victoire annoncée est une insurrection électorale attendue qui fait plutôt penser à la victoire d’Obama, sans présager bien sûr des résultats. N’oublions pas qu’aux USA face à Trump, Bernie Sander aurait pu gagner et son courant continue de marquer des points dans le parti démocrate.

Les premières félicitations sont donc venues d’Amérique du Nord, pour des raisons différentes, de Trump et de Justin Trudeau.

Pendant cinq mois, AMLO va pouvoir préparer son installation au pouvoir et pendant cinq mois les autorités en place vont pouvoir lui savonner la planche. Son parti MORENA, issu du parti de gauche PRD avec lequel AMLO a dirigé la ville de Mexico, vient, tout en gagnant la présidence, d’obtenir des postes de gouverneur et de députés en nombre (on n’a pas encore tous les résultats) ce qui va donner une autre image du parti. Mais comment assumer toutes les responsabilités en même temps ?

L’idée est de commencer par des réformes sociales pour soulager la misère et des réformes capables d’arrêter la corruption. Mais à la question «allez-vous conduire devant les tribunaux l’actuel président pour des faits de corruption avérés ?» il préfère le renvoyer devant les tribunaux or si un des systèmes est corrompu c’est bien celui de la justice ! Presque autant que celui de la police. La corruption est-elle le fait de corrompus ou de corrupteurs ? Lutter contre les corrompus c’est traiter les effets et non les causes. Et, quand on constate que la lutte contre la corruption est un instrument de manœuvres politiques, où des corrompus éliminent des corrompus, le Mexique va-t-il pouvoir innover ?

AMLO, avec son image propre, laisse croire que la corruption est une question de morale quand il s’agit d’une question économique : comment lutter contre l’argent facile ?

Concernant la misère, elle est renforcée par l’accord de libre échange avec les USA qui a conduit à l’installation d’usines où les salaires sont minables (c’est contre cet accord que les Zapatistes se sont révoltés en 1994). Voilà que Trump prétend que cet accord favorise le Mexique et le Canada. Il espère que la lutte d’AMLO contre la misère va limiter l’immigration. C’est moins qu’évident !

Or vis-à-vis du Canada, les USA n’ont pas à craindre d’immigration et pourtant Trump veut là aussi revoir l’accord. Trudeau, avec la création d’un front commun Canada-Mexique espère mettre Trump face à ses contradictions. Trump veut rapatrier des industries dans son pays mais pour quels salaires ?

Plusieurs femmes sont à la tête de MORENA et c’est l’une d’elle qui vient de gagner la direction de la ville de Mexico. Pendant combien de temps encore, AMLO va refuser la mise en chantier d’une loi pour l’IVG, au nom de sa foi chrétienne ? Encore un dossier où les rapports entre société civile et nouveau pouvoir politique vont jouer un grand rôle. Suivre la mise en œuvre de cette insurrection électorale peut-elle relancer une dynamique sociale ?

Pour conclure une question : AMLO est-il un homme de gauche ? Il a été soutenu par une partie de la droite pendant que le parti de droite (PAN) bénéficiait de l’appui de l’aile gauche du PRD ! Une fois de plus les clivages classiques ne sont plus présents. J-P Damaggio


Partager cet article


Archives par mois


La Sociale

Il Quarto Stato