Durant mon enquête pour « l’Imposteur » j’avais recueilli de quelques députés une « anecdote » qui recoupée est devenue à mes yeux une information. Elle en dit long sur les relations politiques au sein du PS, de son groupe parlementaire, d’un parti qui passé sous les fourches caudines des institutions de la 5ème république est devenu un parti croupion, parti du président Hollande aujourd’hui comme l’UMP hier parti de Sarkozy.
L’acteur principal de mon histoire que j’évoque dans le détail dans « l’Imposteur » est un certain… Manuel Valls.
« (…) Un autre député, anecdote à l’appui, ramène le débat à la réalité présente. Nous sommes dans la salle des quatre colonnes, passage obligé des élus qui sortent ou entrent en séance, lieu privilégié des journalistes qui viennent recueillir la petite phrase qui fera jaser. Quelques socialistes s’apprêtent à entrer dans une réunion de groupe pour écouter Manuel Valls, le ministre de l’intérieur venu présenter un projet de réforme électorale. Stupeur de certains. Le projet en question n’a rien à voir avec les décisions votées antérieurement par les instances du parti. Où donc doit se trouver la légitimité ? Dans un cabinet ministériel qui incarne la volonté d’un ministre, de ses équipes, de ses « technos », du gouvernement, ou dans les instances du parti, d’autant que ce sont les élus et les militants socialistes qui se trouveront concernés au premier titre ? Alors que le bureau national avait voté un mode de scrutin proportionnel à tous les niveaux au nom du « respect de la démocratie et des minorités », la proposition du ministre de l’intérieur évacue la proportionnel pour proposer « une martingale » permettant de « garder une majorité ». Il suggère de garder le même nombre de conseillers généraux, mais de redécouper pour diviser les cantons par deux en imposant dans chacun un ticket homme-femme au nom de la parité. Un nombre identique d’élus en conclusion d’un « charcutage » aux conséquences incertaines. Dans l’assistance, certains se risquent à contester. « Un charcutage n’a jamais payé, ni sous la droite, ni sous la gauche » dit l’un. « Même si la ruralité est surreprésentée », ajoute un autre, « l’habillage de la parité ne pourra pas passer ». Enfin, « François Hollande ne disait-il pas lui-même avant l’élection que la proportionnel était son fil rouge » ajoute un troisième. Ambiance tendue. Le ministre clôture la séance avant que ne se mène un véritable débat. « Le gouvernement est tout puissant et impose au groupe parlementaire ce que veut le gouvernement malgré nos propres engagements » se risque encore un récalcitrant. Si les députés prompts à monter au créneau pour soutenir la proposition ministérielle « se sont vus attribuer quelques avantages, des postes de rapporteurs pour certains », les contestataires se sont fait rabrouer sans plus de ménagement que de détour. « Je me souviendrai de ceux qui refusent de voter le texte, et je m’occuperai de leur circonscription » avait conclu le ministre de l’intérieur face à des députés pour certains « riant jaune », pour d’autres « le nez dans leur chaussettes », pour quelques-uns enfin « sauvant la face et tenant apparemment malgré une forte pression » (…) ».
Ainsi, la liberté des députés –celle qui leur est consentie comme celle qu’ils s’octroient- et du « parti du président », soumis au suffrage majoritaire, dans le cadre des institutions de la cinquième république, est des plus limitée. Approuver, approuver encore et toujours les consignes élyséennes, quitte à aller à sa propre perte ! Voila la ligne directrice de députés, notamment pour le vote de confiance au gouvernement Valls comme pour le vote des lois qu’il va préconiser, dont le fameux « pacte de responsabilité » si cher à Hollande, Merkel et à l’Union Européenne…
Jacques Cotta
le 6 avril 2014