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Délivrés posément par un éminent radiologue indéfectiblement fidèle à la mémoire du professeur Jean-Louis Megnien torturé durant trois ans par trois collègues cyniques, malgré les alertes à la direction de l’Hôpital Georges Pompidou et de l’AP-HP avant de se défenestrer, les messages sont cependant implacables. Tous les soignants hospitaliers quels que soient leurs postes sont poussés au suicide par un management particulièrement violent, des conditions de travail profondément dégradées par une course éperdue à la rentabilité.
Comment en douter à la lecture des témoignages venus de médecins ayant exercé à Nantes, Besançon, Limoges, Melun …Toulouse triste et paradoxal honneur pour un CHU toujours d’excellence… De Grenoble également grâce aux confrères et à la mère du regretté docteur Laurent SELEK brillant neuro-chirurgien pédiatrique. Le CHU de Grenoble, cadre du travail de Bernard Nicolas révèle l’épuisement déclenché chez deux endocrinologues pédiatres passionnément investies dans la prise en charge d’enfants diabétiques, le retentissement considérable sur leurs petits patients et leurs familles dont le chaleureux et fidèle soutien est particulièrement touchant ainsi que le témoignage du conjoint de l’une d’elles… Malgré le risque de représailles, le refus de soumission à la rentabilité forcenée incompatible tout particulièrement avec les exigences d’une pathologie chronique s’exprime tant les contraintes deviennent inhumaines, insoutenables… La mise en danger des soignants et de leurs patients est clairement dénoncée. Au CHU de Nantes également ce sont plus de 250 enfants atteints de comitialité qui sont privés de la neuro-pédiatre exceptionnelle qui les prenait passionnément en charge depuis près de trente ans, épuisée par la surcharge de travail, le manque de moyens et les attaques personnelles profondément injustes. Que vont devenir les patients du brillant professeur spécialiste en dermatologie et médecine interne du CHU de Besançon unanimement apprécié poussé violemment à la démission pour avoir révélé les graves failles de prise en charge de patients ? Les réactions administratives et politiques à la publication de ce livre « profondément dérangeant » selon le docteur Jean-Yves Nau sur son blog ‘’Journalisme et Santé Publique ‘’ ne se font pas attendre.
Les directeurs d’hôpitaux se plaignent de l’hôpital bashing, de leur blues et se rendent au Ministère de la Santé. Pourtant deux chapitres entiers leur sont consacrés dans le ‘’livre-choc’’, vibrant plaidoyer pour l’arrêt du massacre, analysant la souffrance potentielle de directeurs coincés entre le marteau et l’enclume et décrivant le harcèlement enduré par un directeur adjoint abusivement licencié . Sans généraliser abusivement, comment nier, ainsi que l’affirme maître Christelle Mazza avocate du barreau de Paris spécialisée dans le droit de la fonction publique, que l’hôpital soit un lieu de pouvoir comme il y en a peu où certains pensent avoir droit de vie et de mort sur les autres. Cette avocate hors pair affirme d’ailleurs dans le reportage de Bernard Nicolas que l’Etat ne veut plus se donner les moyens d’un service public de santé… Ce reportage déjà vu par plus de 56000 personnes est également diffusé par Le Média TV c’est dire … Et comment nier que le CHU de Toulouse a été un laboratoire du harcèlement comme mode de gouvernance dans les hôpitaux à compter de 1998? Et le management industriel est clairement assumé par la direction actuelle lorsqu’elle évoque face aux 26000 fiches d’incidents techniques récemment révélées une culture qualité comparable à celle d’AIRBUS… En ce qui concerne les politiques les récents propos d’Agnès Buzyn dans l’émission Secrets d’Infos sur France Inter du samedi 28 avril impliquant les seuls médecins dans la responsabilité des situations de harcèlement moral sans que l’administration n’y ait participé sont pour le moins surprenants… Et en contradiction avec sa dénonciation de la maltraitance et du harcèlement ayant sévi au CHU de Grenoble, devant l’Assemblée Nationale le 19 décembre dernier… Comment croire par ailleurs à l’affirmation du Président de la République le 14 avril dernier de lutter contre la technocratie à l’hôpital et de ne plus y réaliser d’économies alors que le plan prévu est officiellement maintenu dans une récente circulaire ? Quant à Martin Hirsch ,directeur de l’AP-HP qui n’évoque jamais dans son ouvrage ‘’L’hôpital à cœur ouvert’’ la maltraitance, le harcèlement, les suicides, il se réjouit sur France Inter de l’augmentation de 2°/° de la productivité de l’AP-HP … La bifurcation vers l’ENA après cinq années d’études de médecine peut décidément susciter des ravages technocratiques. Et si l’hôpital public continue à très souvent bien soigner, comment ne pas rendre hommage aux soignants qui tiennent bon, continuent à se dévouer au péril de leur santé malgré mépris, isolement, culpabilisation et surcharge de travail ? Mais il faut toujours garder l’espoir, alors que la parole se libère de plus en plus , que la peur des représailles ne peut qu’être surmontée face à la tragédie d’une disparition programmée de pans entiers de l’hospitalisation publique … Et cette lutte pour sauver l’hôpital public se déroule et se poursuivra 60 ans après la création de l’hôpital moderne centre de soins, d’enseignement et de recherche .. En outre comment ne pas rappeler avec Emmanuel Vigneron, géographe de la santé et professeur à l’université de Montpellier, auteur de ‘’L’hôpital et le territoire’’, qu’une politique de santé républicaine consiste à faire vivre les idéaux de justice et d’égalité ? Un grand chantier doit indiscutablement s’ouvrir pour assainir l’hôpital public…
Elisabeth Dès
6 mai 2018
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