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La manifestation centrale du 14 juin.

Par Vincent Présumey • Actualités • Dimanche 19/06/2016 • 0 commentaires  • Lu 1780 fois • Version imprimable


Le chiffre syndical du million de manifestants (plus 200 000 dans tout le pays) ce mardi 14 juin à Paris est parfaitement crédible. S'il est vrai que les boulevards allant de Place d'Italie aux Invalides, à raison d'une ou deux personnes par mètres carrés, remplis d'un bout à l'autre, feraient environ 300 000 personnes, le fait est en effet qu'ils étaient non seulement remplis, mais que la place d'Italie n'était pas vidée à 18h soit 4 heures après le départ officiel, que plusieurs rues convergeant vers la place, parfois depuis le périphérique, ont été remplies aussi, que la densité dans la manif dépassait souvent de loin les 2 personnes au mètre carré, que toute une partie de la ville de Paris grouillait de manifestants, d'ailleurs interdits de rejoindre « la » manifestation par un dispositif policier qui ne visait pas la protection, mais le confinement et la provocation.

 

Une manifestation radicalement politique structurée d'une manière viscéralement syndicale. Retrait de la loi El Khomri, Dehors ce gouvernement, tels étaient les mots d'ordre les plus repris, ce dernier y compris par des sonos syndicales. Les unions départementales et locales CGT et CGT-FO, ainsi que quelques délégations d'entreprises comme Toyota, structuraient pour ainsi dire toute la manif, ainsi que des groupements fédéraux dont le plus important et le plus applaudi était celui des Ports et Docks.

La combinaison entre provocation policière, groupes supposés anarchistes, et volonté d'en découdre d'une frange de la jeunesse réagissant aux coups et aux brutalités qui se sont abattus sur elle dés le mois de mars, a reproduit le phénomène d'une « para-manifestation » de quelques centaines de cagoulés engageant un combat singulier avec les forces de police sur le devant de la manif, permettant aussi plusieurs attaques latérales directes contre la masse des manifestants.

En fin de parcours, les forces de police ont directement chargé le service d'ordre syndical et la tête de la manifestation, mais les dockers ont riposté et les ont repoussées. On a alors vu se dessiner ce que serait un véritable affrontement, non entre « casseurs » et jeunes en guérilla privée, mais entre la classe ouvrière organisée et l'appareil d'Etat de la V° République. Sommé par le ministre de l'Intérieur, le préfet de Paris et les « grands journalistes » de s'expliquer sur cette soi-disant « ambiguïté entre la CGT et les casseurs », le dirigeant confédéral P. Martinez s'est, de fait, solidarisé avec ses militants : tant mieux.

De retour chez eux, les manifestants fiers et fatigués, les yeux attaqués par les gaz, ont ressenti la nausée devant les grands médias, qui non seulement divisaient leurs effectifs par 10 ou par 20, mais les traitaient de casseurs et racontaient qu'ils avaient soi-disant pris d'assaut l'hôpital Necker pour enfants malades et terrorisé ces enfants, parmi lesquels le fils de 3 ans d'un couple de policiers assassinés par Daesh à Magnanville la veille. Cette abominable calomnie, qui montre clairement que si on peut plaisanter en disant « ils vont bientôt dire que nous mangeons les enfants », il se pourrait que ceci cesse d'être une plaisanterie, a, depuis, été contredite par des images et des témoignages qui posent très clairement la question d'une provocation professionnellement organisée.

 

Où vont Hollande et Valls ?

 

Un tel fait montre où en est rendu l'exécutif Hollande-Valls-Macron-Cazeneuve.

Truquer les chiffres, calomnier, présenter comme quasi terroriste la CGT, est un choix délibéré de ces messieurs, les mêmes qui, en novembre, ont tenté d'utiliser les massacres commis par les fascistes de Daesh pour aggraver la constitution antidémocratique de la V°République dans un sens dictatorial et raciste. La volonté de faire passer par le 49-3 et la violence policière la loi détruisant le code du Travail s'inscrit dans le prolongement de cette volonté bonapartiste. Devant le million de manifestants, représentant le monde du travail et la jeunesse de ce pays, l'exécutif se radicalise et parle maintenant d'interdire les manifestations.

Hollande et Valls ont-ils les moyens de leur politique ?

Ont-ils les moyens d'interdire les manifestations, d'instaurer le couvre-feu, d'emprisonner par milliers et milliers, de gazer et matraquer partout, de réquisitionner les grévistes, toutes choses qu'ils ne cessent d'amorcer et d'évoquer ?

On peut certes penser que non. Mais l'heure est grave. Acculés, Hollande et Valls sont devenus très dangereux. Leur crispation autoritaire se répercute en saccades épileptiques à tous les niveaux de l'appareil d'Etat.

Ce vendredi 17 juin, lors du rassemblement de policiers, militaires et gendarmes, organisé en hommage au couple assassiné lundi soir, un policier de Mantes-la-Jolie a refusé de serrer la main du président et du premier ministre en dénonçant le « manque de moyens ». Du point de vue de la sécurité publique, il n'y a effectivement pas de moyens.

En misant tout sur la provocation et la fabrication en série d'incidents autour des manifestations ouvrières et de la jeunesse, Hollande et Valls sont les premiers fauteurs de désordre et de « chienlit ».

 

Daesh, Hollande et Valls.

 

Ce que montre en réalité le crime de Daesh de lundi soir, c'est que leur état d'urgence ne sert à rien contre Daesh parce qu'il n'a jamais été conçu et dirigé pour lutter contre Daesh. Loin de pouvoir servir de justification à la politique du gouvernement, ce crime illustre sa gabegie et sa déconfiture, mais aussi son danger.

Ceci vaut aussi pour les dégâts causés par certains supporters de cet euro de foot lui aussi invoqué contre les grèves et les manifestations, et qui en moins d'une semaine ont fait plus de dégâts que des mois de lutte sociale soumise à la répression. Et ces « supporters » ont notamment semé la terreur à Marseille avec, il faut le dire tel quel, la bénédiction de M. Cazeneuve. Hollande, Valls, Cazeneuve, mettent la société en danger.

Par leur état d'urgence et leur loi El Khomri, ils exposent le pays aux attaques de Daesh comme aux frappes des commandos fascistes infiltrés parmi les supporters – dont un contingent de professionnels russes de la « guerre hybride », à l'évidence, à Marseille.

 

La crise de régime est là.

 

En résumé : s'il est vrai que la poussée vers la grève générale engagée début mars n'a pas abouti car les directions confédérales ont contenu le mouvement en imposant un rythme d'une longueur interminable, le fait que cette poussée n'a pas pour autant reflué, mais a continué en tant que force politique menaçant directement le régime par la lutte sociale, nous a fait rentrer dans une situation inédite, d'amorce de la crise de régime sans que le gouvernement ne soit, pour l'instant, renversé.

Ce début de crise de régime s'exprime dans la radicalisation délirante du gouvernement devant la réalité du million de manifestants et de la résistance ouvrière.

Ce qui était souhaitable, pour les « sages », conseillers sociaux, conseillers en com', éditorialistes, c'était qu'après un « baroud d'honneur » mardi, CGT et FO acceptent un compromis – en gros l'ajout à l'article 2 de la loi d'une consultation des branches professionnelles sur les accords d'entreprises. Un tel compromis était, soulignait Mme Parisot sur RTL le jeudi 16 juin, écrit dés 2008 dans les projets de « dialogue social », par elle-même et, à l'époque, Bernard Thibault.

Mais la confrontation de classe entre le million de manifestants et leurs camarades, collègues, amis, parents dans tout le pays, et un gouvernement en pleine radicalisation, rend un tel compromis impossible. La rencontre Martinez-El Khomri de ce vendredi matin 17 juin n'a donc rien donné, et c'est tant mieux.

 

La démocratie, c'est leur départ, maintenant.

 

Au moment présent, se pose l'urgence de la riposte démocratique à la fuite en avant de l'exécutif.

Que, du propre point de vue du capital qu'ils servent, Hollande et Valls deviennent des irresponsables, car ils n'ont pas pour l'heure les moyens de leur politique, n'atténue pas, mais augmente, le danger pour la démocratie qu'ils représentent maintenant.

Sans doute ne peuvent-ils pas, dans les circonstances de ce jour, vendredi 17 juin, mettre en œuvre ce dont ils menacent ouvertement. Mais imaginez une provocation qui débouche sur un drame mortel (et ce n'est pas grâce à eux qu'on l'a évité jusqu' à présent ! ), une série d'attentats fascistes de Daesh, une accélération de la crise géopolitique en Europe avec par exemple le « Brexit », une combinaison de tout cela : oui, l'exécutif Hollande-Valls est dangereux, il doit être défait.

Un appel signé par le PCF, EELV, le PG, Ensemble !, Nouvelle Donne, le MRC, la NGS, République et Socialisme, le POI, « demande à François Hollande de cesser d'attaquer le monde du travail et le mouvement syndical ». Mais François Hollande, président de la V° République, est au centre et à l'origine de toutes ces attaques. Il faut le dire. Le monde du travail le sait très bien : il vomit François Hollande plus que tous ses prédécesseurs à la tête la V° République !

De plus, ce n'est pas seulement l'interdiction de manifester dont il est question en fait. De telles interdictions « au cas par cas » ont été annoncées le 15 juin par Valls, alors que le pouvoir des préfets les rend déjà possibles, et ils ne s'en privaient d'ailleurs pas jusqu'en mars, où le mouvement syndical et les jeunes l'ont reconquis sans autorisation.

Ce que dessinent Hollande, Valls, Cazeneuve ... c'est l'écrasement des libertés démocratiques dans le cadre de l'état d'urgence.

Ils échoueront ? Garantissons-le.

Maintenant : par l'unité des forces du mouvement ouvrier et de la démocratie leur disant : Stop, capitulez devant la démocratie, et partez.

VP, le 17/06/16.

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