Quelques données chiffrées
- L’abstention d’abord qui explose tous les pronostics.
- Le vote de classe, outre le contenu de l’abstention, s’exprime aussi et surtout par la composition sociologique de cette abstention. (Etude de l’institut IPSOS).
- Un vote de classe qui s’exprime également dans quelques résultats symboliques lourds de signification :
-> Myriam El Kohmri, ancienne ministre du travail, auteur de la loi « travail » qui a mobilisé des millions contre elle, une sorte de modèle pour Emmanuel Macron qui cherche à travers une « loi travail XXL » à parachever l’œuvre de Hollande, Myriam El Kohmri donc qui s’était auto-proclamée « majorité présidentielle », battue dans le 18ème arrondissement de Paris.
-> Najat-Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l'Éducation nationale et ancienne porte-parole du gouvernement sous François Hollande, balayée dans la 6e circonscription du Rhône, avec 39,68% des voix.
-> Najat-Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l'Éducation nationale et ancienne porte-parole du gouvernement sous François Hollande, balayée dans la 6e circonscription du Rhône, avec 39,68% des voix.
->Marisol Touraine, ancienne ministre de la santé, hollandaise pur jus, forte de plus de 20 000 suppressions de poste dans le milieu hospitalier –après les 18 000 de la sarkozyste Bachelot- balayée en Indre-et-Loire avec 43,41% des voix, alors que Macron avait pris garde de ne présenter personne face à elle.
-> Jean-Jacques Urvoas aussi, ancien ministre de la justice et garde des sceaux sous Hollande battu dans la 1ère circonscription du Finistère.
-> Jean-Jacques Urvoas aussi, ancien ministre de la justice et garde des sceaux sous Hollande battu dans la 1ère circonscription du Finistère.
Globalement, les socialistes sont laminés, payant par là-même la politique qui a porté Macron au pouvoir. Avec une trentaine de députés en tout et pour tout, c’est le parti socialiste qui emprunte la voie de la marginalisation… Les « frondeurs » ne sont pas épargnés. Christian Paul par exemple, qui à l’époque avait contesté la loi El Kohmri tout en voulant concilier avec la direction socialiste, se retrouve balayé dans la deuxième circonscription de la Nièvre.
->Jusqu’à Manuel Valls dont la mine le soir même des résultats laissait paraître un embarras certain. Auto-proclamé vainqueur avec seulement 139 voix d’avance sur sa rivale de la « France Insoumise » Farida Amrani, il est l’objet d’un recours qui devrait pousser le conseil constitutionnel à s’interroger sur les quatre bureaux de vote qui, sans contrôle des militants de la France Insoumise, ont apporté curieusement « la victoire valsienne » contre le cours général du vote dans la circonscription…
- Ce vote de classe apparaît également sur le CV de la plupart des élus de la majorité présidentielle.
- Un vote de classe enfin exprimé par l’élection des députés de la « France Insoumise ».
Du vote de classe à l’action de classe
Une crise politique et sociale de grande ampleur se dessine sous nos yeux. La crise politique d’abord. Elle découle d’une situation unique où les partis traditionnels de la 5ème république –PS donc mais aussi LR- ont été sinon laminés, du moins évacués. A cette crise inédite de la 5ème république vient s’ajouter l’apparition d’un personnel politique pour le moins étonnant. La consigne de l’équipe de campagne de « En Marche » donnée aux candidats du mouvement présidentiel de refuser tout débat contradictoire dans les circonscriptions a été bienvenus. Les quelques exemples qui n’ont pas suivi la consigne ont en effet donné des résultats tout autant pathétiques que catastrophiques. Cette candidate dans le Rhône, qui a fait bien malgré elle le buzz –et qui a malgré tout été élue- bafouillant face à ses fiches, incapable de répondre car visiblement incapable de comprendre les questions posées, illustre à merveille le vide sidéral qui va hanter les travées majoritaires de l’assemblée. C’est une majorité absolue, une majorité gaudillot aux ordres, que Macron vient d’obtenir…Pourtant le président de la république veut faire passer sa loi de démantèlement du code du travail jusqu’au bout par ordonnances. Mais que craint-il donc d’une telle majorité ? Celle-ci qui lui doit tout ne ferait que voter unanimement les textes gouvernementaux. Alors pourquoi les ordonnances ?
En réalité, l’explication officielle vaut le détour. « Le débat prend trop de temps » explique le ministre de l’intérieur Gérard Collomb. Pour aller vite, il faut donc court-circuiter le débat. En d’autres termes, la démocratie est encombrante, vive donc la dictature !
Evidemment la véritable raison est ailleurs. Le pouvoir est tellement illégitime pour tenter de mettre en œuvre sa politique qu’il faut à tout prix éviter que le débat ne s’empare du pays. La riposte à El Kohmri sous Hollande n’aurait alors été qu’une répétition générale. Comme Valls avec le 49-3, il faut user de tous les artifices anti démocratiques qu’offre la 5ème république pour tenter d’interdire aux citoyens de faire irruption sur le terrain social qui les concerne.
La situation est dangereuse. Le pouvoir connaît le risque qui existe de voir l’abstention massive, majoritaire, se transformer en force agissante pour s’opposer à la Loi travail, mais aussi au démantèlement de la sécurité sociale, aux attaques contre les retraites par répartition, à la baisse des pensions, à la hausse de la CSG, à l’ ubérisation de la société… Sur toutes ces questions, les françaises et les français se sont déjà prononcés, sur le terrain électoral en boudant les urnes ou en votant pour la « France Insoumise » notamment, précédemment par centaines de milliers, par millions dans la rue.
Ce qui est neuf dans la situation post-électorale est justement dégagé par Mélenchon au soir du deuxième tour. C'est ce qui inquiète un pouvoir minoritaire dans le pays, dont la politique a déjà été rejetée sous les gouvernements précédents. Après avoir précisé que « l’abstention écrasante a une signification politique offensive » il fixe l’orientation de la France insoumise, dans l’hémicycle, mais pas seulement. … « Pour peu que nous appelions alors, cette force peut se déployer et passer de l’abstention à l’offensive. C’est à cela que nous l’appelons…. Le peuple français dispose à l’AN d’un groupe la FI cohérent, discipliné, offensif, … et c’est lui qui appellera le pays le moment venu à une résistance sociale et j’informe le nouveau pouvoir que pas un mètre du terrain du droit social ne lui sera cédé sans lutte ».
La riposte isolée dans la rue, au nom de la lutte ou d’un troisième tour social, peut être contenue par le régime, au moyen notamment de l’arsenal que lui offre l’état d’urgence permanent. L’isolement des couches les plus déterminées dans un affrontement minoritaire avec l’appareil d’état peut permettre à ce dernier de gagner du temps, de durcir la répression, d’imposer ses mesures en cassant l’unité de la classe ouvrière, des salariés, des retraités et des jeunes. La riposte limitée aux travées de l’assemblée, remettant à cinq ans la possibilité de tout changer, peut permettre au pouvoir d’attendre, de biaiser, et là aussi de gagner.
Ce que veulent éviter à tout prix les tenants du régime, les soutiens et les maitres financiers qui se retrouvent avec Emmanuel Macron, c’est précisément la perspective ouverte par Jean Luc Mélenchon au soir du deuxième tour, l’irruption sur le terrain social et politique de ces millions qui se sont retranchés dans l’abstention et qui demain peuvent prendre l’offensive pour combattre le coup d’état social qui s’annonce, pour s’opposer à la transformation du régime des libertés publics dans un sens très restrictif avec une constitutionnalisation de l’état d’urgence… Ce qui est nouveau et qui les inquiète, c’est l’affirmation d’une force telle la « France Insoumise » qui lierait le combat politique et le mouvement social, qui permettrait ainsi que se dresse une force irrésistible, qui serait porte- paroles des intérêts du peuple pour la défense de son droit à l’existence, de ses besoins immédiats, de la république sociale.
Jacques Cotta
Le 20 juin 2017