Sommaire
Derrière les chiffres
- Premier des chiffres vite balayé dans les commentaires : plus de 50% d’abstention.
- Pourquoi une telle abstention ?
- Avec 32% des voix environ, la « victoire » macronienne serait donc sans appel.
- Pour les autres formations, les résultats sont sans ambiguïté.
Et le parti socialiste…
Le parti socialiste laminé
Le PS a été au pouvoir les cinq dernières années sous la présidence de François Hollande. Le résultat est là. Un rejet franc et massif qui lamine ce parti traditionnel de la 5ème république. Avec une leçon incontournable : lorsque la « gauche » fait la politique de la droite, c’est la «gauche» qui est logiquement balayée.Tout autant que le nombre de battus ou de ballotages très défavorables, tout autant que les chiffres qui mettent le PS à un score proche des 5% du corps électoral, ce sont quelques défaites emblématiques qui sont le plus éloquentes.
En tout bien tout honneur, Jean Christophe Cambadelis, premier secrétaire, éliminé sans appel, comme Elisabeth Guigou ancienne ministre et présidente de la commission des affaires étrangères, Matthias Fekl, ancien ministre de l’intérieur, Jean Glavany ancien directeur de cabinet de François Mitterrand, Patrick Mennucci, Juliette Meadel, l’ancienne secrétaire d’état de Cazeneuve... Des dizaines de caciques éliminés ou en voie de l’être. Mais plus. Les principales figures qui dans le parti socialiste ont joué une partition « critique », tout en soutenant la politique gouvernementale, ont été dégagés ou sont en passe de l’être. Christian Paul, chef de file des frondeurs, mais aussi Aurélie Filipetti, l’ancienne ministre de la culture. Le fidèle de Martine Aubry, François Lamy, dans la circonscription historique de Pierre Mauroy, confirme la règle. Jusqu’au candidat socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon. Tous ceux qui se sont targués d’être « frondeurs » ou encore de se situer à « la gauche du PS », sont éliminés. La liste est trop longue pour être évoquée dans le détail. Ce sont des dizaines de caciques du PS qui sont amenés à dégager. Sans parler des prudents qui avaient décidé de ne pas se représenter… Les pièces rapportées ne font pas exception à la règle. Cécile Duflot, dehors. Emmanuelle Cosse, idem. Les anciennes ministres « vertes » de Hollande -ce mystère de la politique qui a vu émerger une génération spontanée au nom de l’écologie- rejoignent tout naturellement les abimes dans lesquelles sont plongés leurs amis du PS.
Déjà les critiques s’adressent à la France Insoumise pour cet effondrement du PS. Mais cela ne tient pas une seconde. Le parti socialiste et ses amis n’ont eu besoin d’aucune aide pour être éradiqués. La politique du PS, sa pratique, son expérience du pouvoir ont suffi à convaincre les électeurs. Les faits sont là. Le PS est aujourd’hui un parti groupusculaire pour qui les problèmes ne font que commencer. Les futures échéances –vitales politiquement mais aussi et surtout financièrement- que constituent les élections locales devraient parachever le mouvement engagé.
Pour la France Insoumise, derrière la déception, un succès à revendiquer !
Evidemment les chiffres laissent paraître une déception au regard des résultats atteints à l’élection présidentielle. La France Insoumise ne déroge pas à la règle et subit de plein fouet une abstention sur laquelle comptait la « Macronie » pour obtenir son succès en trompe l’oeil.Comme nous avons pu le constater, les couches qui se sont le plus détournées de ce premier tour des législatives se trouvent dans les quartiers populaires où précisément Jean Luc Mélenchon avait réalisé de remarquables percées. Mais derrière ces résultats, l’essentiel repose sur l’existence réaffirmée de la France Insoumise dont l’ancrage électoral, bien qu’amoindri, est confirmé. La France Insoumise s’affirme comme la principale force autour de laquelle la recomposition nécessaire est envisageable. Cela pour plusieurs raisons qu’il est nécessaire de prendre en compte.
- D’abord le score électoral lui-même.
- Ensuite et surtout l’évolution politique sur laquelle s’est engagé Jean Luc Mélenchon durant la campagne des présidentielles.
Elle n’est plus le point de repère à partir duquel se situer. Le point de départ n’est pas l’étiquette, mais le programme. L’union oui, mais il faut alors rompre avec les attaches qui sont contradictoires avec les intentions affichées. Le repère doit être la cohérence du programme. La démocratie, la république, la sociale, la république sociale… Et l’attitude qui en découle, le respect de la parole donnée, du mandat, du peuple, des militants. C’est dans ce cadre que s’inscrit la question de la constituante pour en finir avec la 5ème république anti démocratique. Le refus de toute tambouille électorale ramène à leur juste valeur les forces diverses. Le flou notamment entretenu par le PCF qui selon les circonstances demande alliance avec la « France Insoumise » ou candidature commune avec le PS et EELV, n’est plus toléré par le peuple et les militants. Voilà pourquoi la « France Insoumise » est la seule force permettant une perspective claire et nette.
La tenue des rassemblements de la « France Insoumise » a permis de se réapproprier les symboles de la république laissés jusque-là dans les mains du Front National. Le drapeau de la révolution française, l’hymne national, qui n’ont rien de contradictoire –contrairement aux accusations lancées par certains gauchistes qui ne comprennent rien à la nation- avec l’Internationale et le poing levé. Le rappel d’une exigence absolue de souveraineté nationale, qui détermine une position claire sur les instances supranationales, l’union européenne par exemple avec la sortie des traités, ou la rupture, en en appelant aux peuples d’Europe dont les intérêts sont liés. La souveraineté qui dicte le refus du Tafta, ou encore la sortie de l’OTAN…
Le clivage n’est pas celui qui opposerait gauche et droite, clivage purement idéologique dans le meilleur des cas, coupé des réalités matérielles. Celui qui nous occupe concerne le peuple d’une part, l’oligarchie ou les élites d’autre part, le travail d’une part, le capital et la finance d’autre part, qu’on trouve tout autant parmi ceux qui se définissent de droite, comme ceux qui se définissent de gauche.
Une contradiction au cœur de la situation qui fixe les enjeux de la France insoumise
L’ensemble de ces éléments dégage une contradiction majeure qui va marquer la situation et définir le défi que devra sans doute relever la France Insoumise.La contradiction réside dans le rapport de forces réels dans le pays et la volonté de l’exécutif et du législatif à sa botte de casser ce qui a été acquis par des générations successives depuis des décennies et des décennies. Emmanuel Macron a pris garde de donner le détail, mais les éléments sont cependant clairs. Il veut « finir le boulot » comme disent les « consultants » exhibés sur les plateaux des télévisions pour commenter les conflits armés. « Finir le boulot », expression appropriée, car il s’agit là d’une guerre, d’une guerre de classes que Macron veut mener et gagner au compte des banquiers et du capital financier comme l’exige l’union européenne, ici et dans toute l’Europe. Il s’agit donc :
- De casser le code du travail complètement dans la foulée de la loi El Kohmri et de la politique du gouvernement Hollande Valls.
- D’amputer les pensions de centaines d’euros avec la hausse vertigineuse de la CSG.
- De constitutionaliser de façon permanente l’état d’urgence.
La question posée est donc assez simple. Un tel programme est-il à la fois raisonnable et tolérable lorsque celui qui le porte représente environ 15% du corps électoral sur son nom et que sa majorité ne rassemble pas plus pour ses députés ? Les forces sociales qui se sont opposées à la loi « travail » d’El Kohmri n’ont pas été cassées au point de ne pas réagir sur la cette nouvelle loi « travail XXL ». L’obstination du gouvernement Macron - Philippe ne pourra que provoquer des troubles dont nul ne sait sur quoi ils pourront déboucher. Le gouvernement avec l’état d’urgence permanent s’y prépare. Il s’organise pour l’affrontement. Il faut donc que les forces sociales, les salariés, les ouvriers, les jeunes, les retraités, etc… puissent aussi se doter d’un outil d’organisation pour résister et imposer leur point de vue dans le sens de l’intérêt général et non de quelques intérêts particuliers.
Cette situation pose la question de la France Insoumise : mouvement ou parti ?
La France Insoumise a correspondu très exactement à la situation pré-électorale et électorale elle-même. Comme mouvement large sur la base du programme qui a fondé la campagne présidentielle puis législative, la France insoumise a permis un véritable engouement qui a ramené à la politique des dizaines de milliers de déçus par le parti socialiste notamment, le parti communiste, et autres « groupes contestataires » et surtout a permis à une nouvelle génération de découvrir l’engagement, le militantisme, même limité, le combat pour ses idées.Mais ces élections passées, deux défis doivent être relevés.
- Le premier que j’ai déjà abordé : résoudre positivement la contradiction entre la volonté réactionnaire du gouvernement et l’intérêt majoritaire du peuple français.
Cela exigera de faire de la politique au quotidien, pour convaincre, rassembler, éclairer. Il ne s’agit évidemment pas de chercher à se substituer aux organisations syndicales. Mais des obstacles politiques risquent fort d’être dressés sur la voie de l’unité nécessaire, et seule une force politique consciente, déterminée, claire depuis le début sur ses objectifs comme l’a été la France Insoumise, peut permettre de lever ces obstacles hors de toute tambouille et toute confusion. C’est bien pour la lutte sociale et politique qui sont intrinsèquement liées qu’une force politique organisée s’impose.
- Le second défi à relever complète le premier. Il s’agit de s’organiser pour répondre aux différentes exigences électorales qui s’annoncent. Les municipales notamment.
Pour cela, n’est-il pas nécessaire dès maintenant de jeter les bases d’un regroupement politique en tant que tel. Un regroupement dont la démocratie dans le fonctionnement, dans les processus de décisions, dans l’action doit être la pierre angulaire. De ce point de vue, rien à voir avec les différentes organisations dont l’histoire pousse naturellement à refuser l’idée même de parti organisé vu les résultats et les trahisons accumulées. Le parti socialiste, mais aussi le parti communiste ou autres organisations « d’extrême gauche » font office de repoussoir. Mais pour convaincre sur la base de l’enracinement constaté de la « France Insoumise », c’est bien d’un parti que le programme a besoin. Un parti pour rassembler mais aussi pour élaborer. Un parti pour définir les objectifs politiques. Un parti pour les assumer.
Pour autant, il serait une erreur grave que de condamner la « France Insoumise ». Le mouvement doit offrir la possibilité la plus large possible de s’engager dans l’action à tous ceux qui le veulent mais qui ne désirent pas se consacrer à la politique quotidiennement dans la discussion et l’élaboration. L’organisation politique, le parti, doit permettre de créer les conditions de l’engagement, de combattre au quotidien.
Nous savons d’expérience que l’élaboration politique, le combat pour les victoires électorales -dans l'immédiat la victoire partout où c'est possible au deuxième tour- et la bataille sociale sont indissolublement liés. Ces différentes formes d’engagement correspondent à la volonté de la plupart des militants, des jeunes, des insoumis. Pour la première fois une bataille s’est menée avec l’objectif affirmé de vouloir gagner. Pas témoigner, gagner. C’est cela qui est nouveau et qui a entrainé largement. C’est pour cela que le mouvement et le parti sont complémentaires.
Durant mes différents débats, notamment à l’occasion de projections de documentaires (dernièrement « dans le secret de la violence sociale »), ces questions se sont affirmées comme des préoccupations partagées. Le débat est donc publiquement nécessaire. Avec la possibilité d’aller vers de grandes « assises d’insoumis » se fixant ouvertement l’objectif d’être la colonne vertébrale d’une recomposition qui s’impose, recomposition dans la vie, recomposition dans l’hémicycle aussi où on peut penser que des députés révèleront leur refus d’appliquer la politique catastrophique du gouvernement Macron-Philippe. Le débat est nécessaire pour dégager la possibilité de se renforcer sur le terrain électoral comme sur celui de la lutte politique et sociale. La possibilité d’ouvrir une perspective à tous ces militants, citoyens déboussolés qui aspirent et aspireront plus demain encore, avec la politique mise en œuvre par Macron et compagnie, à s’organiser pour résister et pour gagner.
Jacques Cotta
Le 12 juin 2017
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Je crois que la FI peut difficilement devenir un parti avec des statuts, des dirigeants élus, des cotisations : le Parti de Gauche n'est sans doute pas disposé à disparaitre.
Si j'étais à la place de JLM, de Charlotte Girard, de Manuel Bompart, je changerai le moins de choses possible.
A la rigueur on pourrait distinguer, parmi les 600 000 qui ont signé pour JLM, ceux qui veulent rester dans cette mouvance et continuer à recevoir des messages, sans autre impératif, et une "FI militante", composée en gros des "cercles d'appui", qui devrait être dans mon esprit une sorte de "parlement des travailleurs" (ouvriers, petits paysans, artisans, employés, enseignants, petits entrepreneurs), dans l'esprit de la première internationale, au sein duquel il pourrait y avoir des groupes dialoguant, unis dans l'action. Je suis favorable, en ce qui me concerne, à une fraction communiste (pas au sens du PCF, au sens du manifeste) avec drapeau rouge et proposition de nationalisations. Il faudrait que les gens de sensibilités différentes se sentent également chez eux, et apprennent à dialoguer sans excomunications, avec humour et modestie (modestie non devant les personnes, mais au moins devant l'histoire).