Un peu longue pour ce qu’elle dit ; parfois répétitive et pas très bien construite, cette biographie est intéressante par ce qu’elle dit de cette partie mal connue de la vie de celui qui ne s’appelait pas encore Staline, mais « Sosso » le fils du cordonnier de Gori, en Géorgie, ou bien Sosselo, pseudonyme sous lequel il publie des poèmes qui deviendront des classiques mineurs de la littérature géorgienne. On y apprend qu’avant d’être l’autocrate sanglant qu’il fût, Staline fût un élève doué, à l’école d’abord, au séminaire ensuite, avant d’être un élève révolté. Cultivé, pour son temps au moins, respectant le talent artistique, qu’il s’agisse de la musique ou la littérature. S’il n’hésitait pas à liquider un communiste, il préservait les artistes. Ainsi, lorsque Mandelstam fut arrêté, il ordonna « à isoler, mais à préserver ». Son sort aurait été scellé autant par l’incapacité de Pasternak à répondre à la question que lui posait Staline sur le fiat de savoir si Mandelstam était bien un génie, que par le parti pris par ce dernier de se moquer ouvertement du dictateur.
Après le séminaire, le voici employé au service météorologique de Tiflis, une couverture commode de son activité « révolutionnaire », puisqu’il est devenu alors membre du POSDR. Son activité consistera pour l’essentiel à organiser des coups de mains, Hold-up et autres attaques à mains armées pour alimenter les finances du parti de Lénine. Organisant ceux-ci de Tiflis à Bakou, en passant par Batoumi où il travaille pour la compagnie pétrolière détenue par les Rothschild, avant de mettre le feu, semble-t-il, aux entrepôts de son employeur.
Les proches de Staline étaient des personnages inquiétants, en particulier Kamo, un genre de psychopathe, assassin, ami d’enfance et totalement dévoué à Staline, qui sera son homme de mains dans de nombreuses attaques, que Staline organisait, mais auxquelles il ne participait pas. Kamo fréquentera, avec Staline, Lénine et Kroupskaïa en exil. Un autre de ses proches est un dandy arménien, Souren Spadarian, qui partageait avec Staline ses frasques, les femmes et l’argent de son père.
Ce que montre de façon détaillée ce livre, c’est la proximité de la relation entre Staline et Lénine, au contraire de ce que laisse penser l’historiographie trotskiste. Les deux hommes étaient en relations épistolaires fréquentes et se sont rencontrés régulièrement à partir de 1905. Staline devient un homme clé dans le dispositif, notamment parce qu’il organise les hold-up qui contribuent au financement de la petite secte que redevient les socio-démocrates après 1905. Staline participera d’ailleurs au congrès social démocrate en Suède en 1905 puis à celui de Londres en 1907. Staline révérait Lénine pour son charisme, son autorité et sa volonté toute entière tendue vers la conquête du pouvoir. Mais il a toujours gardé son autonomie de pensée, semble-t-il, sachant se servir de l’aura du chef vénéré pour favoriser sa propre ascension, sans être dupe du culte qui se développe et qu’il développe, autour de la personnalité de Lénine.
Staline apparaît comme un personnage complexe, mélange de courage physique réel et de rouerie. Aimant nouer des intrigues, dresser les uns contre les autres. Multipliant les conquêtes féminines, malgré ses handicaps physiques réels, notamment un bras quasi paralysés depuis un accident d’enfance. Staline a un goût pour les jeunes femmes qu’il domine et abandonne, sans grands regrets semble-t-il.
Souvent arrêté et déporté, il partagera le sort de la plupart des socio-démocrates à cette époque, allant de périodes de clandestinité, à des arrestations puis des déportations.
Montefiore examine longuement la thèse de Staline « agent de l’Okhrana », pour la rejeter, même si les relations de Staline avec la police sont complexes.
En revanche, ni lui ni Lénine ne sauront démasquer Roman Malinovski, bien payé par l’Okhrana lui, et qui enverra d’ailleurs Staline en prison et en exil en 1913. Lénine n’en continuera pas moins à accorder son entière confiance à Malinovski.
Staline apparaît beaucoup plus présent que ne l’ont dit les Trotskyste dans la révolution d’octobre 1917. Il n’était pas l’abruti que considérait Trotski, à tort, la suite le démontrera. Mais un individu raisonnablement cultivé, doué d’une intelligence manœuvrière réelle et sans doute aussi d’un réel charisme qui en faisait un leader là où il se trouvait. Il n’avait pas de talents d’orateurs. Fils d’un cordonnier alcoolique, il n’avait pas non plus l’aisance d’un Lénine ou d’un Trotski. Mais il était peut-être plus en phase avec la réalité de la Russie de cette époque et la mentalité de la masse de ceux qui constituaient le parti communiste, même si on peut le déplorer.
Le plus frappant est sans doute la grande proximité qui existait entre lui et Lénine. Celle-ci ne se brisera qu’après un conflit opposant Staline à Kroupskaïa, et sans doute aussi parce que Staline prenait du champ par rapport à un Lénine vieillissant. Celui-ci s’en rendait compte, tardivement, et tenta de le contenir avec son fameux « testament » qui venait trop tard.
Simon Sebag Montefiore: Le jeune Staline. Calmann-Levy, 2008, 501 pages
Le Touquet : Simon Sebag-Montefiore lauréat du grand prix de la ... glurps ! Gluksmann, Ockrent, Lauvergeon et femmes chefs d’entreprises dans le jury ! Le Touquet ville d’eaux, de bobos, de casinos, de chevaux tout comme Deauville, St Amand les Eaux..
éd. Zones Les Bandits : un livre érudit et passionnant à lire, livre qui bien qu’initialement paru en GB en 1969 puis traduit en 1972 en FR, n’a rien perdu de son actualité et nous interroge par ex. sur ce qui s’est passé au travers des siècles, que ce soit en Russie, en Yougoslavie, en Italie, en Espagne, etc.. ce livre vient de reparaître en nouvelle édition revue et augmentée (sept.2008) par l’auteur Franc-tireur E.J. Hobsbawm, de Cambridge élève aussi mais un peu plus âgé car né en 1917, Homme et Historien qui aura traversé en 2 siècles L’Age des extrêmes et il travaille toujours à comprendre l'Histoire et ses drames de guerres totales.
Mauvais karma avec quelques extraits du chapitre 9 Les expropriateurs p.130 « Le défunt Kamo terroriste arménien particulièrement brave et coriace, qui lia son sort à celui des bolcheviks, est l’exemple parfait de ce genre de combattant politique. Il fut le principal organisateur de l’expropriation de Tiflis, lui qui, par principe, ne dépensait jamais plus de cinquante kopeks par jour pour ses besoins personnels. La fin de la guerre civile lui permit de réaliser sa vieille ambition, qui était d’acquérir une connaissance correcte de la théorie marxiste, mais il éprouva rapidement la nostalgie de l’action directe, pour lui beaucoup plus excitante. Il mourut d’un accident de bicyclette… »
(Question ouverte la fin justifie les moyens ?! p.128-129) " Le hold-up de Tiflis (Tbilisi) en 1907 rapporta plus de 200 000 roubles au Parti. Le record appartient sans doute au hold-up de Moscou en 1906, qui lui rapporta 875 000 roubles. Malheureusement, ces roubles étaient surtout en grosses coupures faciles à identifier et, quand ils essayèrent de les changer, certains révolutionnaires exilés, par exemple Litvinov (par la suite commissaire aux Affaires étrangères en URSS) et L. B. Krassin (plus tard à la tête du Commerce extérieur soviétique) eurent des ennuis avec la police occidentale. L’affaire permit de fustiger Lénine, toujours suspect aux yeux des autres secteurs de la social-démocratie en Russie pour ses prétendues tendances « blanquistes », et fut également utilisée par la suite contre Staline, qui, en tant que responsable bolchevique en Transcaucasie, s’y trouvait intimement mêlé. Ces accusations étaient injustes. La seule différence entre les bolcheviks de Lénine et les autres sociaux-démocrates, c’est qu’ils ne condamnaient a priori aucune forme d’activité révolutionnaire, y compris les « expropriations » ; ou, si l’on veut, qu’ils n’avaient pas l’hypocrisie de condamner officiellement ces opérations que, nous le savons maintenant, non seulement les révolutionnaires agissant dans l’illégalité, mais les gouvernements de toutes tendances pratiquent chaque fois qu’ils le jugent nécessaire. Lénine fit de son mieux pour séparer les « expropriations » des crimes ordinaires et du pillage aveugle et, pour ce faire, mit au point tout un système de défense : les « expropriations » ne devaient être organisées que sous les auspices du Parti et dans le cadre de l’idéologie et de l’éducation socialistes, afin de ne pas dégénérer en crime et « prostitution » ; elles ne devaient viser que la propriété de l’État, etc. Staline, même s’il ne fait aucun doute qu’il exerça ces activités avec son manque habituel de scrupules humanitaires, ne faisait qu’appliquer la politique du Parti…." (bis reste La Question toujours ouverte ou fermée? la fin justifie les moyens ! ?). Ce livre peut-etre lu en ligne mais il est bien plus passionnant de le lire sur papier et puis restent nécessaire d'aider le monde des livres et bonnes maisons d'édition