Emmenés manu militari et mis en garde à vue illico presto … sous les viva des médias quasiment tous aux ordres, ainsi que de la plupart des politiques, hommes et partis.
Leur «crime» était connu. Ils avaient osé envahir le Comité Central d’Entreprise d’AIR FRANCE et «arracher la chemise» d’un DRH lors d’une bousculade.
Inacceptable, odieux, insupportable, que cette populace poursuivant de sa vindicte un brave DRH qui ne faisait que son travail en annonçant 2.900 licenciements.
Des gens vont perdre leurs emplois … se retrouver dans de situations plus que précaires, avec des emprunts sur le dos, des enfants à charge, des loyers à payer, des familles à faire vivre.
Y a-t-il là de quoi se mettre en colère ? … y a-t-il là de quoi envahir un CCE ? … y a-t-il là de quoi perdre son sang-froid et agripper au col un DRH ? … bien sûr que non, hurlent tout ce qui est vendu ou aux ordres dans ce pays.
Le 1er Ministre lui-même l’avait dit «il faut des sanctions exemplaires» et les juges et la police judiciaire de s’exécuter promptement et avec zèle, sur plainte de la Direction d’AIR France.
En fait, le message est clair. Il est à destination de TOUS les salariés : LUTTER POUR LA DEFENSE DE SES DROITS ET DE SON EMPLOI EST MAINTENANT UN DELIT !
Et si d’aventure vous ne comprenez pas, le Gouvernement et les dirigeants des entreprises se chargeront de vous le faire comprendre en vous traitant comme les 6 d’AIR France. Avec humiliation publique à la clé. Car les traiter comme ils l’ont été est une claire volonté d’humilier.
La seconde étape c’est la pression et les intimidations durant la garde à vue. La troisième sera les poursuites et sans doute une condamnation.
Jusqu’où iront-ils s’agissant de la peine … ? L’avenir le dira mais il est essentiel que le message passe bien et pour cela il faut faire peur.
Le Président, le Gouvernement, les Frondeurs et tous ceux qui les soutiennent ont perdu leur honneur dans cette triste expédition punitive. Ils n’ont aucun droit de se dire de «gauche» car ils sont pire que la droite.
Ce qu’ils veulent, ce qu’ils exigent est juste ignoble. Ce qu’ils attendent de tout un chacun, de tout salarié, jeune, précaire ou chômeur c’est qu’il plante un genou en terre, baisse la tête et accepte, sans émettre la moindre protestation, le sort qui lui est réservé. Surtout s’il est mauvais.
Comme des moutons qu’on envoie à l’abattoir.
Ce spectacle est d’autant plus choquant, révoltant, odieux, qu’il est de notoriété publique que l’Etat est actionnaire d’AIR France (17%) mais qu’il n’a pas levé le petit doigt pour faire renoncer la Direction d’AIR FRANCE à ce plan de licenciement. Et pourtant, il n’a de cesse de répéter que la lutte pour l’emploi est sa priorité absolue.
D’un côté les paroles et de l’autre, les faits.
Reste une question … pourquoi, l’Etat et le Gouvernement ne font-ils rien pour empêcher ce plan de licenciement ? La réponse est simple et cynique.
Les principaux concurrents d’AIR France sont des compagnies des Emirats (Arabie Saoudite, Quatar, …). Or ce sont des clients très importants pour le gouvernement qui veut leur vendre ses Rafale et autres babioles. Alors on laisse faire … pour ne pas contrarier ces clients présents et futurs.
Ces compagnies sont totalement soutenues par leurs gouvernements –y compris financièrement – ce qui leur permet d’avoir des coûts inférieurs. Pas AIR FRANCE qui ne peut donc faire face.
Donc la Direction d’AIR FRANCE licencie. Près de 3.000 cette fois-ci. La fois d’avant 6.000, il y a moins de 3 ans. Et l’Etat et le Gouvernement ne pipent mot. Sauf pour dire aux salariés «Et que ce soit clair … il faut accepter et se taire». Parole de Valls – Hollande - …etc.
Par contre lorsqu’on est PDG d’ALCATEL LUCENT et qu’on a en quelques années fait le «ménage» dans les effectifs de son entreprise, donc fait gonfler les chiffres du chômage, on a droit à un parachute doré. Une polémique s’est engagée sur son montant (14 M€) … mais pas sur son principe. Quelques millions … oui, mais pas 14 s’est empressé de dire Macron. Il n’en aurait eu que moins de 10.
Qu’à cela ne tienne le pauvre a reçu 30 M€ de «bonus de bienvenue» dans sa nouvelle entreprise sous forme de stock-options.
De même, si l’on est PDG de VolksWagen, et qu’on a trompé la terre entière … personne ne vient vous chercher au petit matin pour vous emmener menottes aux poignets et vous jeter en garde à vue puis en prison. Pourtant, n’était-ce pas ainsi qu’il fallait le traiter ? Ce Monsieur n’est-il pas un délinquant de haute volée ? … pourtant personne ne s’est avisé de lui faire subir cela.
Il était même question de lui accorder … 29 M€ comme bonus de départ. Les informations sur ce sujet ont opportunément disparues des radars. La presse aux ordres a fait silence, comme un seul homme. Il n’est certainement pas parti les mains vides …
Ou encore le PDG de France TELECOM, reconnu coupable de très nombreux suicides dans son entreprise a été condamné. Mais à aucun moment la police judiciaire n’est venue le chercher au petit matin pour le conduire en garde à vue puis en prison avec humiliation publique à la clé.
Pourtant, il y avait des dizaines de morts dans ce dossier. C’était autrement plus grave qu’une chemise arrachée …
Et enfin, souvenons-nous de Cahuzac. Alors qu’il était le Ministre en charge de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, il s’est fait prendre les mains dans le pot de confiture.
Incroyable mais vrai … un délinquant en charge de la lutte contre les délinquants. Même lui n’a pas eu droit aux policiers débarquant au petit matin pour l’arrêter et l’emmener en détention. Alors que la morale la plus élémentaire était bafouée, alors qu’il avait sciemment menti devant la Représentation Nationale …
On pourrait continuer longtemps …
Une réalité s’impose. Elle est toute simple : il y a vraiment deux poids et deux mesures. Seuls les aveugles peuvent ne pas le voir. Honte aux autres, qui les yeux grands ouverts, trouvent juste de hurler avec les loups contre ceux qui essayent de résister et de sauver leurs emplois.
La fable de La Fontaine, les animaux malades de la peste, se termine par ces mots :
«Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.»
Peut-on trouver plus actuel … ?
La Direction d’AIR FRANCE doit retirer sa plainte et faire stopper toutes les poursuites. Elle doit reprendre le dialogue social, mais en comprenant que le dialogue social ne se résume pas en une réunion au cours de laquelle les représentants du personnel n’ont d’autre possibilité que d’accepter les décisions de la Direction. Sinon, les dérapages sont inévitables … et les dénoncer devient une tartufferie.