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Les guerres de Sarkozy

Lettre genevoise 26

Par Gabriel Galice •  • Vendredi 15/04/2011 • 5 commentaires  • Lu 2527 fois • Version imprimable


A l’instar de Margaret Thatcher redorant son blason par la guerre des Malouines contre les généraux argentins, ou de George W Bush  s’affirmant par les armes de l’Empire, Nicolas Sarkozy combat d’abord son impopularité. Sa belliqueuse entreprise sera-t-elle autant couronnée de succès que celle de ses mentors ? Dans Le Courrier, daté du 7 avril 2011, Benito Perez intitule son éditorial « La guerre à tout faire » http://www.lecourrier.ch/la_guerre_a_tout_faire . Il écrit : « La guerre est une drogue à forte accoutumance pour Nicolas Sarkozy. (…) Personne ne croit au désintérêt de Paris dans ces opérations militaires (en Libye, en Côte d’Ivoire), pas même les bruyants supporters de la « guerre humanitaire ». (…) On voit vite quel type de relations internationales nous préparent ces apprentis sorciers. Un monde où grandes et moyennes puissances peuvent user de la force armée au gré de leurs intérêts nationaux voire électoraux ! – et des justifications offertes par l’actualité. »

Dominique de Villepin se montre plus raisonnable que le va-t-en-guerre Président français. Dans l’entretien au Berner Zeitung du 4 avril http://www.bernerzeitung.ch/ausland/europa/Die-Welt-braucht-Frankreich-/story/24428738 intitulé « Die Welt braucht Frankreich » (Le monde a besoin de la France), l’ancien premier ministre trace nettement la limite entre responsabilité de protéger et ingérence, condamnant la tentative de renversement du régime de Kadhafi.

La position de Jean-Pierre Chevènement témoigne d’une semblable modération sur son blog http://www.chevenement.fr/La-video-de-l-intervention-de-Jean-Pierre-Chevenement-au-Senat-sur-la-Libye_a1102.html Comme Dominique de Villepin, il précise la limite entre la responsabilité de protéger, instaurée par le Document final du Sommet mondial des Nations unies à New York en 2005, décrite en ses paragraphes 138 et 139, et mise en oeuvre par la résolution 1973, d’une part , et le droit ou devoir d’ingérence dont  est si friand BHL, d’autre part. Libre aux naïfs de croire à des histoires de bons et de méchants. Combien de citoyens informés savent que le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye sont depuis des lustres soutenus par l’Union européenne et ses Etats membres pour contenir les migrants remontant d’Afrique noire ? A défaut d’avoir transporté (ou laissé) des richesses au Sud, des populations du Sud se déplacent vers les ressources des pays du Nord.

En Côte d’Ivoire, les exactions (viols, tueries, à Duékoué notamment…) imputées aux troupes d’Alassane Ouattara, commandées par Guillaume Soro, seigneur de guerre réputé et Premier ministre, et armées par la France, sont pudiquement passées sous silence par nos bien-pensants, tout comme restent impunies les atrocités perpétrées par les troupes Kosovars (lire à ce sujet le témoignage de Carla Del Ponte dans son livre, ou celui de Dick Marty. Dans Le Temps du 4 avril, Angélique Mounier-Kuhn conclue ainsi son éditorial : «Devenus chef de guerre, il (Ouattara) n’a eu de cesse, ces dernières heures, de contester les crimes imputés à ses hommes - les tient-il vraiment ? - alors qu’il aurait dû immédiatement s’engager à diligenter une enquête. Ce faisant, Outtara dilapide son capital le plus précieux : sa légitimité. Sous le regard du monde entier. »  Les soldats français sous uniforme ONU, ce n’est certes pas la France mais les intérêts français n’en sont pas moins assurés, la Franceàfric rejoignant la Françafrique.

 

Gabriel Galice – le 7 avril 2011


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Commentaires

La première victime de la guerre, c'est la vérité. par gilles le Vendredi 15/04/2011 à 19:59

Merci M. Gabriel Galice pour cet article équilibré qui rétablit l'image d'indépendance d'esprit de « La Sociale » un peu malmenée ces derniers temps. Toute cette guerre de Libye était prévue avec la propagande qui allait avec depuis longtemps. Un grand journal populaire anglais ne prenant même pas la peine de le cacher à ses lecteurs :

http://www.mirror.co.uk/news/top-stories/2011/03/20/crack-sas-troops-hunt-gaddafi-weapons-inside-libya-115875-23002207/


Je traduis le début de l'article :


Le Sunday Mirror ( du 20 mars 2011 ) peut révéler aujourd'hui que des centaines de soldats britanniques SAS ont opéré avec les groupes rebelles à l'intérieur de la Libye depuis trois semaines.

Deux unités de forces spéciales, surnommées équipes « Smash »  pour leur capacité destructrice, font la chasse aux systèmes de missiles sol-air à long portée du colonel Kadhafi, qui pourraient lancer des attaques contre les avions ou les avions de ligne commerciaux.

Fin de traduction


Donc, aux alentours du 1er mars, des commandos SAS détruisent des installations de missiles sol-air en Libye alors que la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies n'est adoptée que le 17 mars.


Dans le New-York Times du 30 mars 2011 :  http://www.nytimes.com/2011/03/31/world/africa/31intel.html?_r=1&hp
On peut lire :

While President Obama has insisted that no American military ground troops participate in the Libyan campaign, small groups of C.I.A. operatives have been working in Libya for several weeks as part of a shadow force of Westerners that the Obama administration hopes can help bleed Colonel Qaddafi’s military, the officials said.

Ce que je traduis par :

Pendant que le Président Obama a insisté sur le fait qu'aucune troupe américaine ne participe aux combats au sol en Libye, des portes-paroles officiels ont déclaré : « Faisant partie d'un dispositif occidental, des petits groupes de la CIA opèrent clandestinement depuis plusieurs semaines en Libye avec l'espoir pour l'administration Obama de détruire l'infrastructure militaire de Khadafi.»

Attention, ne faites pas dire que je pense que Khadafi est, ou était, le mieux pour la Libye, je dis simplement qu'instruit par la Guerre en Irak, je pense que c'était aux Libyens d'en décider et non aux dirigeants dont on connait par ailleurs le respect pour la démocratie.


L'émancipation des Africains de la tutelle néo-coloniale par gilles le Mardi 10/05/2011 à 20:39

L’objectif de la guerre en Libye, préparée de longue date par les Services secrets français et ayant utilisé le fallacieux prétexte de la protection de civils, en réalité des rebelles armés, n’est pas seulement la prise du contrôle du pétrole et du gaz naturel de ce pays. Dans le viseur des envahisseurs, il y avait les Fonds Souverains Libyens, ces capitaux que l’État libyen a investis à l’étranger. Ils sont gérés par la Libyan Investment Authority (LIA) et sont estimés à plus de 150 milliards de dollars- soit 75. 000 milliards de francs.

Les cercles dominants américains et européens, avant d’attaquer militairement la Libye pour mettre la main sur sa richesse énergétique, se sont approprié ces fonds, dans le plus grand acte de piraterie et de rapine de tous les temps. Cette opération a été favorisée par le représentant même de la Libyan Investment Authority, Mohamed Layas qui, comme le révèle un câble diplomatique publié par WikiLeaks, le 20 janvier, a informé l’ambassadeur américain à Tripoli que la LIA avait déposé 32 milliards de dollars dans des banques américaines. Cinq semaines plus tard, le 28 février, le Trésor Américain les a soi-disant « gelés ».

Selon les déclarations officielles, c’est « la plus grosse somme d’argent jamais bloquée aux États-Unis », que Washington garde « en dépôt pour l’avenir de la Libye ». Elle servira en réalité pour une injection de capitaux dans l’économie américaine toujours plus endettée. Quelques jours plus tard, l’Union européenne a « gelé » de son coté environ 45 milliards d’euros de fonds libyens, pour en faire un usage similaire.



Le ‘’premier crime’’ que les nouveaux maitres du monde imputent à Kadhafi et tentent d’en corriger férocement les manifestations est son Panafricanisme militant. Ainsi, il était connu que l’assaut sur les fonds libyens aura un impact particulièrement fort en Afrique. Dans ce continent, la ‘’Libyan Arab African Investment Company’’ a effectué des investissements dans plus de 25 pays, dont 22 en Afrique sub-saharienne, et programmait de les augmenter dans les cinq prochaines années dans les secteurs minier, manufacturier, touristique et dans celui des télécommunications, où la Libye a contribué de manière décisive à la réalisation du premier satellite de télécommunications de la Rascom (Regional African Satellite Communications Organization), qui permet aux pays africains de se rendre indépendants des réseaux satellitaires occidentaux, et de réaliser des économies annuelles de centaines de millions de dollars.

Beaucoup plus importants encore auraient été les investissements libyens dans la réalisation des trois organismes financiers lancés par l’Union africaine et qui auraient contribué à asseoir l’émancipation monétaire et financière du continent noir: la Banque africaine d’investissement, dont le siège est à Tripoli ; le Fonds monétaire africain, basé à Yaoundé (Cameroun) ; la Banque centrale africaine, installée à Abuja (Nigeria). Le développement de ces organismes devait permettre aux pays africains d’échapper au contrôle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, tous deux instruments de domination néocoloniale, et devait marquer la fin du franc Cfa, la monnaie que sont obligés d’utiliser 14 ex-colonies françaises.

Le gel des fonds libyens assène un coup très dur à tout le projet. Notamment, si la Banque Centrale Africaine voit le jour, les dépôts au compte d’opération des réserves des pays de la zone CFA cesseront et les positions du Trésor Français en seraient fragilisées. L’hystérie interventionniste du Président Français, Nicolas Sarkozy, et du Premier ministre Britannique David Cameron dont le pays est lié inextricablement à la France s’explique donc, non pas par l’amour des ‘’civils- rebelles- armés’’ libyens, mais par les conséquences qu’auraient pour leurs pays l’émancipation monétaire de nos nations, dont Kadhafi était l’architecte et l’artisan.


Re: L'émancipation des Africains de la tutelle néo-coloniale par Gabriel Galice le Mercredi 11/05/2011 à 08:25

Eclairage intéressant qui confirme la fragilité de la notion de causalité historique (lire "Y a-t-il une causalité historique ?" par Denis Collin dans le Cahier du GIPRI n°7-2009, Les causes des guerres à venir). Les raisons politiques sont souvent des fusées à plusieurs étages et celle évoquée par l'auteur mérite l'attention. Est-il avéré que les Etats-Unis et les Européens font main-basse sur les fonds souverain libyen au lieu de les geler ? Le panafricanisme de l'équipe Kadhafi n'est-il pas (aussi ? d'abord ?) au service des dirigeants libyens ? Symbiose ou parasitisme ? J'aimerais croire à l'émancipation financière et monétaire de l'Afrique.


Re: L'émancipation des Africains de la tutelle néo-coloniale par gilles le Mercredi 11/05/2011 à 11:09

Pour vous répondre :


Certains fonds du peuple libyen sous la responsabilité du gouvernement libyen sont « gelés » par les États-Unis et l'Union Européenne au mépris de la légalité et de la souveraineté de ce pays. Que diriez-vous si les États-Unis gelaient les fonds d'un pays européen sous prétexte qu'il quitte l'OTAN et qu'il mène une politique nettement favorable aux salariés ? Que diriez-vous si le principe du gel des avoirs d'un pays se généralisait parce que la figure de tel ou tel dirigeant ne revient aux dirigeants des autres pays ? Ce genre de principe de souveraineté ne peut être violé qu'en cas de raisons très graves et le régime de Khadafi, bien qu'autocratique n'en était pas là. Et même si cela devait se produire pour des cas graves, on peut prendre comme exemple les massacres du Rwanda, où ce genre de mesures devient légitime en raison de la gravité des faits, ce n'est pas à tel ou tel pays de « geler » les avoirs du pays concerné, mais à l'Assemblée Générales des Nations-Unies d'en prendre la responsabilité par la création d'un compte-séquestre.

À moins que vous vous vouliez revoir ce qui s'est passé en Irak où les fonds « gelés » du régime de Saddam Hussein comme la presse les a appelés, alors qu'il agissait aussi des fonds du peuple irakien ont servi à améliorer la balance commerciale des États-Unis par l'exclusivité qu'avait ce pays dans les contrats de reconstruction.  Bechtel, Halliburton sont peut être des mots qui vous rappellent quelque chose.

cf l'ouvrage de Noami Klein : « La stratégie du choc - La montée d'un capitalisme du désastre »





Vous avez raison de vous poser la question : « Le panafricanisme de l'équipe Kadhafi n'est-il pas (aussi ? d'abord ?) au service des dirigeants libyens ? »

Bien sûr que oui, mais je pense que l'on peut considérer à raison que ce genre d'accord panafricains a un contenu un peu plus émancipateur et « gagnant-gagnant » que le néo-colonialisme des dirigeants occidentaux orchestré entre autres par le FMI et ses mécanismes d'ajustement structurel. Il faudrait le souligner.




Pour continuer sur le néo-colonialisme de cette guerre : La fiction selon laquelle les raisons de la guerre a été la protection des civils libyens ne tient pas : la guerre soutient des rebelles armés et ignore les civils libyens.

Dépêche d'un média camerounais qui reprend les informations du « Guardian » britannique :

LONDRES - Le navire français le Charles-de-Gaulle, qui était en opération en mer Méditérranée au compte de l’OTAN a laissé mourir au large des côtes Libyennes des 63 migrants africains, selon un article publié lundi dans le quotidien britanique « Guardian ». Selon le Guardian, le bateau transportait soixante-douze passagers, parmi eux des femmes, des enfants en bas âge et des réfugiés politiques. Il aurait quitté Tripoli pour l’île italienne de Lampedusa le 25 mars avant d’échouer sur les côtes libyennes, près de Misrata le 10 avril. En difficulté, les migrants auraient d’abord contacté une association de défense des droits des réfugiés à Rome, qui aurait à son tour alerté les gardes-côtes italiens. Un hélicoptère militaire aurait ensuite survolé l’embarcation. « Les pilotes, qui portaient des uniformes militaires, ont lâché des bouteilles d’eau et des paquets de biscuits, ils ont fait signe aux passagers de maintenir leur position avant qu’un bateau de sauvetage ne les rejoigne. L’hélicoptère est parti et aucune aide n’est arrivée »détaille le Guardian, qui a reconstitué le récit du naufrage à l’aide de témoignages de survivants et de personnes contactées par les passagers.


Source : http://www.guardian.co.uk/world/2011/may/09/refugees-libya







Re: L'émancipation des Africains de la tutelle néo-coloniale par gilles le Mercredi 11/05/2011 à 11:17

Le lien précédent du Guardian est celui de la réaction des autorités à l'annonce de la nouvelle.   Le lien est http://www.guardian.co.uk/world/2011/may/08/nato-ship-libyan-migrants



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