Je pense l’avoir déjà écrit, l’Union européenne a signé des traités de libre échange avec la face pacifique de l’Amérique latine dans le plus grand silence (l’Equateur de Correa a tardé un peu à s’aligner mais a signé).
Voilà qu’à présent, le traité depuis longtemps en négociation avec le Mercosur (la face atlantique de l’Amérique latine) sort de l’ombre sous pression des dirigeants agricoles paysans.
J’étais en Argentine au moment où, Macri, le président de ce pays, rencontrait Macron à Paris. Les journaux argentins ont donné deux versions de la rencontre : en public Macron a refusé de plier devant les exigences de Macri, au nom de la défense des agriculteurs français, mais en privé il aurait donné des gages.
Il se trouve que les politiques des deux présidents se ressemblent comme deux gouttes d’eau : attaque contre les droits des travailleurs (ce qui a causé une manif monstre le 21 février), attaque en règle contre les retraites, attaque en règle contre les salaires donc un pays où l’inflation a été de 26% l’an dernier. Janvier et Février sont les mois des vacances scolaires d’été aussi les enseignants ont promis une rentrée chaude.
La question agricole comporte deux volets : la viande et les céréales. Les conditions techniques font que dès 1900 l’Argentine est devenu un pays puissant financièrement en fournissant ces deux denrées surtout à la Grande Bretagne (il faut y ajouter la laine). La crise de 1929 a diminué la demande et l’Argentine a connu une première récession considérable. Mais les moyens techniques restaient en place pour alimenter les marchés dès qu’ils deviendraient solvables. Et aujourd'hui l'agriculture argentine représente 8,3% du PIB tandis qu'en France c'est 1,7% (sauf que la France exporte deux fois plus que l'Argentine).
Pour comprendre voici quelques données : à l’échelle du pays, la taille moyenne est passée de 470 hectares en 1988, à 587 en 2002, et à 634 hectares par exploitation en 2008. Pour aujourd’hui je ne sais mais nous savons qu’elle a dû fortement augmenter.
Ceci étant, par rapport au Brésil, cette agriculture est fragile quant à l’accès à l’eau. Il suffit d’une sècheresse s’ajoutant aux habitudes climatiques, pour provoquer une crise agricole.
Et ce climat joue des mauvais tours à l’agriculture OGM. La région de Neuquén (Rio negro) est une des plus affectés par l’avancée de la désertification (mais c’est vrai aussi dans toute la Pampa et la région de Mendoza). Donc il s’agit de replanter en arbres pour au moins limiter l’avancée du désert sur une zone de plus d’un million d’hectares. Il avance de 650 000 hectares par an. Après des cultures OGM qui tuent la terre, le vent enlève le reste d’éléments utiles, et le désert devient irréversible.
A cause des OGMs il y aurait entre 500 000 et 600 000 hectares qui seraient devenues incultivables. Ailleurs comme à Mendoza le développement massif de la culture de la vigne a nécessité des piquets donc une déforestation d’algarrobos. En Patagonie au moment de l’explosion du commerce de la viande avec l’Angleterre il y a eu jusqu’à 22 millions de moutons qui ont provoqué des destructions qui font qu’aujourd’hui, le troupeau a été réduit de moitié.
La course à l’exploitation du bois n’est pas le moindre danger d’un équilibre fragile.
Tout comme les produits agricoles français déversés en Afrique tuent l’agriculture locale, les produits du Brésil et de l’Argentine vont tuer l’agriculture française au détriment de la vie locale de ces deux pays car on ne compte plus les victimes humaines des principes utilisés. Pour tout savoir sur les effets du glyphosate rien de tel que de regarder en Argentine (sur internet il y a plusieurs reportages). Ceci étant le soja transgénique produit dans les immenses plaines de ce pays servent à faire de la viande ailleurs que chez eux car pour la viande (je ne parle pas des poulets et porcs) les vastes espaces qu’ils possèdent les dispensent d’en servir à leurs bovins qui de ce fait sont plus bios que ceux de France.
Les vignerons ne semblent pas réagir or eux aussi risquent gros.
J-P Damaggio