S'identifier - S'inscrire - Contact

Municipales 2008: le PCF dans le brouillard

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Dimanche 27/01/2008 • 0 commentaires  • Lu 1476 fois • Version imprimable


L’historique communisme municipal a été un point de référence dans le paysage politique français. Sous la Cinquième république il fut le lieu d’expérimentation de la stratégie d’union de la gauche mise au point en 1963, contre le PS et les radicaux, et qui finira par l’emporter massivement en 1977. La présidentielle de 1981 aura le double privilège de donner raison au PCF (la stratégie d’union de la gauche permet enfin d’en finir avec le gaullisme) et de donner raison au PS de François Mitterrand (cette union conduit le PCF vers sa fin). Bien sûr, dès la signature du Programme commun en 1972, au sein du PCF des forces avaient conscience que la stratégie d’union de la gauche pouvait être à la fois le pire et le meilleur pour ce parti et les idées qu’il défendait. On parla alors d’union du peuple de France, d’union à la base avant celle du sommet etc. Mais même après 1984, quand les ministres communistes quittent le gouvernement sur un nouveau constat d’échec (les élections européennes), aucune stratégie globale de remplacement n’est mise en place (tout comme en 1976 le PCF abandonna le centralisme démocratique sans le remplacer !). Les conséquences de cette erreur ne touchent pas que le PCF. Alors que la stratégie d’union de la gauche avait aidé la gauche du PS à faire évoluer favorablement ce parti, l’incapacité du PCF à renouveler son positionnement ne pouvait que faciliter les dérives du PS et la montée du FN. J’ai bien écrit « faciliter » et non pas « créer ». Dans le développement du FN, la responsabilité du PS est nettement plus importante que celle du PCF.

 

Le communisme municipal, force de développement du PCF, jouera aussi le rôle de force de blocage. Toutes les municipales qui suivront 1984 répèteront ce slogan communiste : « sauvons les maires sortants ». Résultat pratique : union de la gauche dès le premier tour, alors que le mode de scrutin depuis 1983, permettait de sortir du piège.

Pierre Juquin fut le seul dirigeant politique à proposer le remplacement de la stratégie d’union de la gauche par une union autour des nouveaux mouvements sociaux. Mais il s’agissait d’une réponse bricolée et imposée par la pratique, et non d’une réponse travaillée théoriquement. Henri Lefebvre aurait pu l’aider sur ce point, mais ni l’un ni l’autre ne savaient comment procéder. Les Mémoires de Pierre Juquin sont instructives : elles sont surtout les mémoires de son combat avec le PCF et très peu celles de son échec de 1988 et ses suites. Or, les leçons de la candidature Juquin à la présidentielle de 1988 auraient été précieuses pour la candidature de Bové en 2007 : aucune stratégie alternative ne peut s’ébaucher par le haut, sans d’abord en passer par la construction d’une force politique. Sur ce point comme sur d’autres, l’histoire s’est répétée de la tragédie à la comédie : après la présidentielle, Juquin a refusé le cadeau du PS qui lui offrait une circonscription, quand Bové s’est précipité sur le cadeau de Royal lui offrant une mission.

C’est cette absence de stratégie de remplacement qui empêchera au début de 1990 une jonction entre Chevènement et Fiterman avec le paradoxe qui s’en suivra : Fiterman rejoindra le PS qu’a quitté Chevènement pendant que Chevènement s’égarera dans le ni droite ni gauche qui avait été si cher à Waechter pour les Verts !

En 2001 l’échec du communisme municipal annonçait l’échec à la présidentielle. Avec l’arrivée de Marie-George Buffet à la tête du PCF certains ont pu penser que cette fois, la situation allait imposer enfin une actualisation du combat communiste. C’était sous-estimer la profondeur de la crise politique générale à laquelle la gauche se refuse à faire face ! La crise du PCF s’est révélée être plus un symptôme général, que la simple crise du communisme mondial. Au moment où le politique passait sous la coupe de l’économisme, le mouvement social pourtant important se retrouvait en manque de traduction politique. Faute de mieux, il permit l’élection de Jospin en 1997 mais les militants de la gauche authentique comprirent très vite que le système était seulement rapiécée. La crise du politique, c’est bien sûr le désengagement concret de milliers de militants qui, tout en sachant que l’enjeu crucial c’est le politique, préfèrent agir dans le mouvement associatif où ils se sentent plus utiles.

Dans ce contexte, les municipales de 2008 auraient dû servir de terrain d’expérimentation d’une nouvelle reconstruction stratégique par le bas. Or, tous les indicateurs actuels annoncent, indépendamment des résultats, un nouvel effondrement militant du communisme municipal qui fait suite à nouvel échec de M-G Buffet laissé sa analyse. Entre des maires prêts à toutes les manœuvres pour sauver leur poste, et des militants découragés par le manque de clarté globale, le PCF, non seulement est dans le brouillard, mais fabrique le brouillard où il pense pouvoir survivre. Comment reprocher à la LCR de se crisper sur une démarche anti union de la gauche quand globalement le PCF reste unitaire à gauche dans les pires conditions (vu les propositions du PS actuel) ? Comment reprocher à la LCR un manque d’adaptation aux réalités locales quand le politique requiert une vision nationale ? Comment reprocher au PS ses déchirements face au féodalisme sarkozyste quand des déchirements spécifiques traversent le PCF, faute de débats internes clairs ? De Hue à Gayssot, en passant par Braouezec et Guerin combien de lignes politiques traversent aujourd’hui le PCF ? Or, la France politique a radicalement changé par rapport aux années 60 car le statut du politique en France a radicalement changé, et ne pas prendre à bras le corps cette donnée, pour tenter de s’en sortir par des bricolages (le concept qui fait fortune c’est : que chacun se débrouille) relève de l’opportunisme dont nous savons historiquement qu’au sein du PCF il alimente en retour le sectarisme. A ce jeu, la nouvelle force politique à naître, fera sourire longtemps des milliers de personnes qui préfèrent regarder passer le train (ou voter PS qui s’en sort mieux qu’on ne le croit), plutôt que de chercher à y monter. Comme moi, ces personnes alimenteront des chroniques, rempliront des colonnes dans les journaux, et pendant ce temps, la caravane du capitalisme féodal détruira méthodiquement l’infâme végétation invendable qui pollue encore la planète, les alternatifs de tout poils. Il nous reste donc ce mot d’ordre : endurcissons-nous !

27-1-2008 Jean-Paul Damaggio


Partager cet article


Archives par mois


La Sociale

Il Quarto Stato