De métis à Métis, il y a peu. Fille d’Océan et de Téthys, Métis, première épouse de Zeus, personnifie la prudence, la sagesse, la ruse. Autant séduite par sa beauté que par sa couleur et le symbole dont elle était porteuse, une de mes amies a d’abord débordé de tendresse pour Barack Obama. Elle voyait en son élection l’avènement d’Etats-Unis nouveaux, et avec elle, de nombreux hommes de toutes couleurs. J’exprimais ma circonspection. L’esprit d’Obama n’est pas moins nuancé que la couleur de sa peau, chère Claire. Il lui fallut du talent mais aussi de la ruse pour parvenir à sa fonction. Avec Guantanamo, Israël, les drones, PRISM et autres dérobades inhérentes à la raison d’Etat d’un empire, l’ange serait devenu démon.
Quand bien même Obama serait animé de la plus extrême intelligence et de la plus grande bonté, dépourvu de la moindre rouerie, il est pris par le pouvoir au moins et plus qu’il ne l’a pris. L’homme est lié par l’appareil d’Etat et les lobbys qui font la loi. Sa conquête, de haute lutte, de l’assurance maladie au rabais, est menacée. La vulgate nous fait prendre la vessie du pouvoir politique pour la lanterne des personnalités. Les méchants Saddam Hussein ou Bachar el-Assad dispensent d’une analyse de l’Irak et de la Syrie qui appelle nuances et contradictions, le gentil Barack exonère d’une réflexion sur la place de son pays dans le monde. La propagande veut la simplicité, la caricature, l’outrance.
Obama est métis, le monde est multicolore, la réalité est complexe. Notre vision mentale est trop souvent plus binaire que binoculaire. Les yeux procurent la vue, le cerveau permet la vision.
Voilà, chère Claire, pourquoi Obama n’est, à parler rigoureusement, ni noir ni blanc, ni ange ni démon. Si l’Afrique est notre berceau commun, nous sommes tous un peu marrons, non ?
Quant à moi, j’aime le noir et blanc, mais surtout au cinéma.