Quotidien genevois, Le Temps du 2 novembre titre en première page sur le congrès du Parti socialiste suisse « Le virage dangereux du Parti socialiste. Le programme adopté marque un virage à gauche. Mais pour un parti qui doit aussi séduire les classes moyennes en vue des élections fédérales de 2011, le pari est très risqué. A droite, on qualifie ce retour à un socialisme pur et dur de populisme. »
En France, des dirigeants du PS fustigent le « populisme » de Jean-Luc Mélenchon. Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds Monétaire International, lui, est évidemment de gauche puisque « keynésien », selon son ami Moscovici. Parce que Keynes était de gauche ? Parce qu’écouter la voix du peuple, c’est populiste ? La démocratie est-elle concevable sans le peuple ou contre lui ?
La dévalorisation des mots participe de la dégradation de la pensée. Mieux vaudrait faire l’histoire du mot populisme, un peu de sociologie électorale et de réflexion politique. Le terme « démagogue » serait moins équivoque. La sociologie électorale fait apparaître que les milieux populaires ont largement déserté une gauche qui les a abandonnés, en Suisse, en France et ailleurs. La réflexion politique doit savoir si le rôle des dirigeants est d’imposer des souffrances à leurs peuples ou de s’efforcer de satisfaire leurs besoins et attentes. Dans un article intitulé « Le FMI fait plus de mal que de bien », traduit dans Le Monde du 15 octobre 1998, le peu gauchiste Henry Kissinger écrivait : « A la différence de l’économie, la politique divise la planète en unités nationales. Si les dirigeants politiques peuvent infliger à leurs populations un certain degré de souffrances pour stabiliser les économies nationales, ils ne sauraient survivre s’ils se font les avocats d’une austérité quasi éternelle sur la base de directives édictées par l’étranger ». On peut dire mieux mais on dit souvent pire, dans nos sphères dirigeantes. Dans leurs livres Le peuple inattendu, et Un totalitarisme tranquille, André Bellon et Anne-Cécile Robert font justice de cet abus de l’emploi du terme « populiste » qui vise à discréditer l’idée et la réalité de peuple. « Il ne suffit pas de s’intituler soi-même « élite », encore faut-il en avoir les qualités, et en particulier, l’éthique. Lorsqu’une élite est rejetée par le peuple, il ne suffit pas de crier au populisme ; il faut aussi se demander si le peuple n’a pas quelques raisons : ce qui est le cas lorsque le rôle de ladite élite est essentiellement de justifier ce qui existe et, en particulier, les injustices. » (Un totalitarisme tranquille, p.44) « Populisme », « marché », « classes moyennes », et « mondialisation » sont parmi les slogans de la propagande quotidienne, journalistique et politicienne. Notions qui tirent leur efficacité de leur imprécision, de leur confusionnisme (« Le Pen, Blocher, Mélenchon, Chavez : mêmes populistes ! »), de leur vacuité. Les parlementaires français qui mitonnent une réforme des retraites sur le dos des salariés s’exonèrent du régime général qu’ils imposent à leurs électeurs et concitoyens, pantouflent volontiers, peaufinent leurs pensions maison et se ménagent une vieillesse confortable.
Opposer le « populisme » aux « classes moyennes » (Quelles sont les autres classes ?) revient à faire l’impasse sur cette chose dérangeante qu’est le peuple comme réalité sociale, force politique et concept théorique. En Suisse comme ailleurs (moins qu’ailleurs), ledit peuple souffre et s’inquiète. En 2011 en Suisse, en 2012 en France, nous verrons à quelle sauce il sera assaisonné par les oligarchies autopromues « élites ».
Comment sortir des slogans, des impasses ? Par une conjonction entre des élites soucieuses du bien public et des peuples se saisissant de leur destin, faisant l’histoire. En France, on célèbre ce jour le 40ème anniversaire de la mort du Général de Gaulle, en Allemagne la chute du mur de Berlin. Les manifestants de la République Démocratique Allemande finissante clamaient « Wir sind das Volk » (Nous sommes le peuple), puis : « Wir sind ein Volk » (nous sommes un (seul) peuple (allemand))Gabriel Galice – 9 novembre 2010
Comment ne pas partager l'article de Gabriel Galice. Populisme et gauchisme des termes utilisés pour disqualifier. Ils sont utilisés par tous les totalitarismes et les régimes autoritaires. En démocratie, les élus confondent souvent délégation de pouvoir et pleins pouvoirs, autrement dit "carte blanche". Quiconque remet en cause leurs actions leurs décisions ou leurs pratiques sont traités de "populistes", comme hier souvenez vous de "gauchiste" sous l'ère stalinienne. Les mots ont un sens et le propre de l'idéologie dominante , c'est d'en modifier à des fins idéologique, la signification. Des termes courants deviennent ainsi, péjoratifs. Tout est dans l'imprécision , comme l'illustre la notion de "classe moyenne". Cela donne une certaine contenance, comme ce reportage sur les restaurants du coeur , dans lequel une brave dame qui venait chercher de quoi manger et qui affirmait au journaliste et face à la caméra, qu'elle était des classes moyennes et qu'elle n'y arrivait plus. Tout salarié, même au salaire minimum peut se réclamer de cette nébuleuse, "les classes moyennes". Ce n'est pas innocent de distiller cette notion. Il en est de même avec celle "d'élite" . En sport l'élite est identifiable, les meilleurs, ils gagnent. On peut considérer que chacun est une élite dans son genre, puisque chacun est unique. Il y a même des Partis politiques dont chaque adhérent se considère comme une élite et chacun se considérant comme ce qu'il y a de meilleur. Dans un système élitiste, chacun se considère comme parmi les meilleurs et devant être à ce titre favorisé, y compris souvent , au détriment de la masse . Les décisions et les action de l'élite, ne se discutent pas, puisqu'ils sont les meilleurs, il faut les approuver, c'est l'élite. C'est aussi ainsi que la classe ouvrière est sous tutelle et plus particulièrement depuis que ces deux termes "classes moyennes et élites" sont rentrés dans la conscience et ont articulé une nouvelle idéologie, de la soumission et du renoncement. Il y a bien sur des accidents, comme pour la réforme des retraites. Ceux qui s'opposent et qui osent s'opposer, sont tournés en dérision ou traités de populistes selon leur degré de resistance et leur capacité à démonter le raisonnement officiel.