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Régulation, dit Soros

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Dimanche 22/06/2008 • 0 commentaires  • Lu 1785 fois • Version imprimable


Chaque campagne électorale nord-américaine voit revenir le même scénario : George Soros proposant comme alternative au capitalisme... le capitalisme. En 2004 ce fut « Pour l’Amérique contre Bush » et cette fois nous attendons avec impatience la sortie en version française de « La vérité sur la crise financière ».

Le livre s’inscrit dans un réajustement des milieux économiques nord-américains qui découvrent les vertus de la régulation du capitalisme par le politique. Inutile de préciser que le débat commence à traverser l’Atlantique sans inquiéter outre mesure, ceux que Soros appelle lui-même « les fondamentalistes du marché ».

C’est un article déjà ancien du Financial Times (22 janvier 2008) qui avait annoncé la bonne nouvelle : « Les fondamentalistes croient que les marchés tendent vers l’équilibre et que l’intérêt commun se voit le mieux servi lorsque l’on autorise les participants à poursuivre leurs propres intérêts. C’est d’évidence une conception erronée, car ce sont les interventions des autorités qui ont empêché les marchés financiers de s’effondrer, non les marchés eux-mêmes ». Cette version du « capitalisme régulé » est au cœur du nouveau livre de Soros et sera-t-elle peut-être reprise par Obama s’il gagne. Assisterons-nous alors à un retour du keynésianisme ?

La conclusion de l’article est claire : « Bien qu’une récession dans le monde développé soit maintenant plus ou moins inévitable, la Chine, l’Inde et certains pays producteurs de pétrole sont au contraire dans une tendance de forte croissance. La crise financière actuelle pourrait donc se traduire moins par une récession globale que par un réalignement de l’économie mondiale, accompagnée d’un déclin relatif des USA et l’essor de la Chine et des pays en développement ». Certains voient avec intérêt la création d’un monde multipolaire avec le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) comme source du déclin des USA. La planète devrait s’en porter mieux !

La régulation de l’Etat ne serait donc pas la mise en place d’un nouveau compromis entre forces du capital et forces du travail (comme avec Keynes), mais la mise en place d’un nouveau rapport de force au sein même d’un capitalisme soucieux de reconstruire son rapport à l’Etat. L’Etat comme institution ayant d’abord permis d’assurer le passage d’une économie « locale » à une économie « mondiale », puis l’Etat comme institution ayant permis ce passage en neutralisant l’adversaire de classe, par quelques compromis, on arriverait enfin à un Etat comme institution du « capitalisme patriotique ».

La force du BRIC c’est sa diversité politique malgré une même orientation économique. Entre le cas de Lula et celui de Poutine, on a tout un éventail qui peut inclure les dirigeants de l’Iran (une recomposition se prépare) tout comme les maîtres de la Chine. Dans tous les cas, l’accroissement des inégalités est au programme, tout comme le recul de la démocratie (même formelle), et l’avancée des mafias diverses.

Les travaux de George Soros enthousiasment souvent des forces de gauche qui ne lisent que la critique des néo-libéraux du Mont Pèlerin Society (MPS) sans se pencher sur les solutions qu’il préconise. Or Karl Popper est l’idole de l’un comme des autres.

L’URSS, les forces syndicales, le capitalisme instable autant de phénomènes qui n’existeront plus donc le keynésianisme reste sans avenir. Chacun espère bien sûr que les pays du BRIC, passant par l’histoire sociale européenne, auront bientôt une classe ouvrière capable de défendre ses droits, et que dans cette nouvelle configuration le capitalisme n’aura plus de lieu pour se délocaliser. Une fois de plus, le cas du Brésil infirme cet espoir. C’est un syndicaliste qui est au pouvoir et à ce jour, dans les milieux paysans, le Mouvement des sans terre est emblématique de l’organisation sociale, avec, comme seuls résultats, une avancée de la charité publique. N’essayons pas de croire que quelques hirondelles feront le printemps.

Sommes-nous pour autant condamner à subir ? L’histoire des hommes nous apprend qu’une révolution se profile toujours par des portes inattendues. Cessons donc de rêver d’alliances impossibles (comme avec Soros par exemple) pour nous appuyer sur une nouvelle forme à créer de socialisme du désir. Dans cette perspective Soros et d’autres apporter des outils pour une contre-attaque.

27-06-2008 Jean-Paul Damaggio


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