Une lecture hâtive à la fin des années 80 pouvait laisser entendre que cette forme d’organisation sociale touchait à sa fin. Cela se combinait alors avec des considérations fréquentes mais propre à la formation sociale française que la nation était menacée à la fois par en-haut avec l’Europe en cours de renforcement ( Acte unique européen date de 1986) et par en-bas avec les régions qui s’affirmaient . En 1988, Michel Rocard lance la Réforme de l’Etat, ce qui inaugure une déconstruction multiforme et progressive de l’organisation de l’Etat-nation. Mais ce sera la mondialisation de l’économie qui peu à peu viendra menacer plus encore l’organisation de la forme nation. En 1985 Charles-Albert MICHALET reprend in extenso son ouvrage "Le capitalisme mondial" (PUF) :
"Cet essai se veut une contribution à un projet iconoclaste. Il s’agit de renverser le vieux paradigme de l’économie internationale pour lui substituer celui de l’économie mondiale" Et il entreprend d’étudier le phénomène de multinationalisation et ses impacts sur les espaces nationaux. Le vecteur en est les firmes multinationales (FMN) et non plus.les sociétés transnationales (STN). Quoique l’on pense de la théorie au plan économique, une chose est sûre : la mondialisation économique qui n’est pas nouvelle se renforce.
Mais il arrive qu’il y ait des exceptions. Les peuples peuvent protester derrière la nation, notamment avec les derniers référendums européens.
Et tout n’est pas à brader dans la nation - notamment les nationalisations - du moins tant que l’Europe n’est pas fondée sur des bases plus progressiste ou/et tant que, contrairement à ce que dit Christophe Aguiton (2 ), le monde ne nous appartient pas ! Ainsi à ce propos, Philippe Zarifian, celui de L’échelle du monde" (3), défenseur de la mondialité remarque avec pertinence qu’" à la différence des sociétés nationales, la société-monde ne bénéficie pas d’un Etat, d’institutions démocratique, de normes sociales et de mécanismes de régulation, de processus d’intégration et de socialisation (p21).
En somme *le monde ne forme pas société*, il n’y a pour les dominés, pour les exclus du monde des affaires que l’humanité qui fasse sens pour la solidarité internationale entre les peuples (avec une composante "ouvrière" et une composante "genre") et la planète qui fasse sens pour sa préservation écologique. La cosmopolitique est une utopie. Une belle utopie mais nécessaire tout autant que le néosocialisme (4) qu’il faut faire advenir mais sans doute par des processus historiques qui laissent place aux formations nationales et continentales. L’essentiel serait alors d’articuler ces différents niveaux d’organisation sans nationalisme ou européanocentrisme mais avec le sentiment d’appartenance à l’humanité (via le genre ou la classe sociale) et à la planète. Ce serait un gage de démarche constructive.
* Ce n’est pas l’ordre qu’il faut rétablir mais le sens du droit.
Du droit pour tous au lieu du droit pour ceux-d’en-haut ! Voilà l’exigence internationale portée par le mouvement altermondialiste contre l’irrespect institutionnalisé par les grandes institutions mondiales - OMC, FMI, BM et continentales mais aussi par le nationalisme guerrier ou sécuritaire et policier, contre la forme "xénophobie d’Etat" qui se métamorphose en Europe forteresse. Le droit peut passer par la construction de services publics dans un cadre national ou par des réseaux publics continentaux.
La nation n’est pas morte mais elle n’est plus un fétiche. Le mouvement populaire doit la reprendre à la bourgeoisie nationale. Le mouvement alter doit aussi éviter que l’Europe ne soit que la patrie des élites "hors sol". La nation doit donc être ouverte sur le monde. A défaut elle ne sera qu’une bêtise immonde !
Christian DELARUE
ATTAC France
(1) cf p96 in "Le capitalisme financier" de Laurent Batsch qui se place du point de vue de l’entreprise et non sur le plan macro-économique
2) Le monde nous appartient (Plon 2001) de Christophe Aguiton fut un des premiers ouvrages portant sur l’altermondialisation
3) Philippe Zarifian, L’échelle du monde, La Dispute 2004
De la nécessité de sortir d'une conception fermée de l'Etat-nation - C Delaru : "3) Relire « La Nation » de Pierre FOUGEYROLLAS 20 ans après ! Il y a une part de la nation française liée à la colonisation qui est sur le déclin. Il faut enterrer cette part et faire vivre l’autre part porteuse d’émancipation. La symbolique Travail, Famille, Patrie et ce qui lui est associé doit être marginalisé. Ce qu"