La crise n’est bien sûr pas simplement une crise financière, c’est une crise systémique du capitalisme qui nous oblige à élaborer une critique de fond du système et des croyances économiques sur lesquelles il repose. Le Médef, la droite et les sociaux-libéraux aimeraient que ce que l’on retienne est qu’il s’agit simplement d’une crise du capitalisme financier car ça leur permet de sauver le système par un fabuleux miroir aux alouettes : la moralisation du capitalisme. Mais le capitalisme n’est pas plus moralisable qu’il n’est amendable. Qu’il soit financier, familial ou mondial, le capitalisme reste le même système qui ne varie que par degré : la nature de ce système est par définition anti-sociale et fondée sur l’accumulation du profit au détriment du plus grand nombre. Les solutions apportées dernièrement par le G20 sont donc totalement inadéquates, sauf pour ceux qui trouvent un intérêt à la préservation du système et de ses inégalités intrinsèques. La lutte des classes, on le voit, a encore de beaux jours devant elle. Et le slogan « il faut rompre avec le capitalisme » est plus que jamais un slogan d’avenir pour toute la gauche de transformation sociale. Ce qui en revanche a changé en raison de cette crise, c’est que désormais nous sommes de plus en plus nombreux à pouvoir dire que le capitalisme n’est pas la fin de l’histoire.
2) La récession est terrible. Plusieurs dirigeants de gauche proposent qu’on interdise les licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices. Faut-il donc accepter les licenciements dans l’automobile qui est en profonde crise … ou ailleurs ? De même, au nom des déficits, on nous indique que les services publics doivent être réduits. Cela est-il discutable ? Cela vous paraît-il acceptable ?
C’est une véritable interrogation politique que celle qui concerne les licenciements. Faut-il interdire les licenciements pour les seules entreprises qui font des bénéfices ? Je suis d’accord avec le fait que cette réduction du problème ne le résout guère, car effectivement il y a des licenciements inacceptables ailleurs, comme par exemple dans l’automobile. Mon parti, le Parti de Gauche, revendique actuellement l’interdiction des licenciements boursiers, comme le fait également le PCF, mais y ajoute, car il a vocation à gouverner, un certain nombre de mesures destinées à combattre les licenciements : notamment le droit de veto suspensif pour les représentants des salariés qui permet d’examiner la situation de l'entreprise et les alternatives économiques possibles, ou encore le droit de reprise par les salariés, avec l'aide du secteur public bancaire à constituer, des entreprises qui voudraient délocaliser ou déposer leur bilan. Le combat contre les licenciements est donc incontestablement une avancée vers la solution du problème.
On peut probablement aller plus loin, sans pour autant, me semble-t-il, s’en tenir à l’autre revendication réductrice, celle du POI ou du NPA, qui disent sans autre explication : « interdiction des licenciements ». Je crois que ce qu’il faut surtout progressivement mettre en valeur, c’est que le capitalisme n’est ni amendable, ni régulable, et qu’il implique par définition l’injustice des licenciements. Remettre en cause le capitalisme, ce n’est donc pas se contenter de demander l’interdiction des licenciements, mais c’est montrer que cette injustice est consubstantielle au capitalisme et qu’elle contredit le principal des droits du travailleur ! Comme on le disait en 2005, je suis pour le droit au travail, et non simplement pour le droit de travailler, et il faut tirer toutes les conséquences de ce principe constitutionnel, et en premier lieu souligner sa contradiction avec le capitalisme et mettre en évidence que le droit à l’emploi est par définition supérieur au droit de propriété. C’est donc avec cet objectif en vue que les mesures du Parti de Gauche pour combattre les licenciements peuvent constituer un bon programme de transition.
De la même manière, il n’est ni discutable, ni acceptable de réduire les services publics. Les services publics ne sont absolument pas négociables ni marchandisables, et par définition, ils incarnent le bien commun de la nation. Toute ouverture de leur capital au privé, même très minoritaire, change leur nature en introduisant des critères inacceptables comme celui de la rentabilité, et les fait ainsi s’éloigner de leur mission première. Les services publics n’ont pas à être rentables, ils n’ont qu’à servir l’intérêt général. On voit là à quel point nous avons collectivement une bataille idéologique à mener pour faire changer les mentalités sur cette question comme sur beaucoup d’autres, et le Parti de Gauche, de ce point de vue préconise tout particulièrement un mode d’action, que la plupart des autres partis ont depuis longtemps laissé tomber : l’éducation populaire. C’est à nous d’expliquer et d’expliquer encore pourquoi les mots ont un sens et recouvrent une réalité qui ne peut absolument pas être soumise aux conditions du marché et de la concurrence.
Que le système capitalisme par le biais de l’Union européenne souhaite démanteler les services publics par leur mise en concurrence, cela se comprend, mais ne peut donc absolument pas se défendre pour un républicain comme moi. Cela montre une fois encore les contradictions du système capitaliste avec toute idée de société politique basée sur la justice sociale. Mais j’irais plus loin (et il faut mettre de ce point de vue sur le même plan la destruction de l’hôpital public, les attaques contre l’Ecole républicaine de la maternelle à l’université, le rapport Balladur qui détruit à terme les communes et les départements hérités de la Révolution française, etc.), cela montre à quel point la République est en danger ! Sarkozy n’est pas un républicain contrairement à ce que la campagne présidentielle orchestrée par Guaino avait voulu faire croire. Et il fera tout pour détruire la République de manière idéologique et méthodique en s’appuyant sur le Médef, les directives de Bruxelles et l’OMC. Je le dis donc sans ambiguïté, mais de manière ferme et solennelle : l’heure est grave, il faut défendre la République !
Le Parti de Gauche propose un plan d’urgence de 29 mesures qui répondraient immédiatement à la crise, satisferaient les attentes des classes populaires, et ouvriraient une alternative à gauche. On les trouve sur son site auquel vous pouvez vous reporter (www.lepartidegauche.fr). Cela peut clairement être conçu comme un programme de transition. Mais s’il fallait en retenir immédiatement 3, je retiendrais 3 types de mesures immédiates et symboliques qui démontreraient d’emblée qu’un autre cap politique peut être pris et dont je précise qu’on les retrouve, pour l’essentiel, dans le cadre d’une proposition de loi qu’ont présentée les députés et sénateurs du Parti de Gauche le 18 mars dernier concernant l’instauration d’« un bouclier social face à la crise, portant diverses mesures économiques et sociales d’urgence » :
- - abrogation immédiate de toutes contre-réformes de régression sociale établies par Sarkozy et la droite depuis 2002, de la loi Bachelot à la loi Pécresse en passant bien sûr par le bouclier fiscal, la loi sur les retraites, l’assurance-maladie, les droits des chômeurs, etc.
- . augmentation du SMIC pour atteindre 1500 euros net et revalorisation de l’ensemble des salaires par accord salarial majoritaire sous peine de sanction pour les entreprises contrevenantes, en vue de progressivement restituer aux travailleurs les 10% de la valeur ajoutée détournés vers la rémunération du capital au cours des années précédentes.
- . affirmation du droit à un logement pour tous, par des mesures d'urgences (recours aux logements vacants, suppression du dépôt de garantie pour les locataires, moratoire sur les prêts-relais), blocage des loyers pour deux ans, et baisse de 10% dans les zones ayant enregistré les plus fortes hausses depuis cinq ans.
4) 4) Pensez-vous que s’impose une nationalisation complète du système bancaire pour réorganiser l’économie ?
Je pense surtout qu’il faut faire entendre haut et fort que ce n’est pas aux peuples de payer la crise, mais à ceux qui en sont responsables, et en tout premier lieu aux financiers. Je pense également que des milliards ont pu être injectés pour sauver le système capitaliste en crise et que de manière très franche on assiste à une justification de ce qu’on pourrait appeler une nationalisation des pertes. On peut sérieusement penser, telle est justement la logique du système, que dès que les profits reviendront, l’Etat sera convié à se retirer. C’est tout le sens du concept de nationalisation temporaire dont parlait le directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn… et c’est bien sûr absolument inacceptable.
Quant à une nationalisation complète, c’est un peu comme la question de l’interdiction des licenciements, en parler ainsi, c’est une manière de contredire de manière très proclamatoire le système, mais ça ne permet en rien de se donner les moyens de le remettre en question. Dans l’immédiat, puisque comme je l’indiquais, c’est dans le contexte actuel un programme de transition qu’il faudrait mettre en place, je pense que l’on pourrait commencer par faire exister un pôle bancaire public. Une maîtrise publique du système financier s’impose pour pouvoir remettre en cause rapidement la spéculation financière et maîtriser le développement national. Il est d’abord nécessaire de disposer d’un instrument d’investissement au service des emplois, du logement social, des services publics, et c’est à cette fin que le Parti de Gauche propose un pôle financier public élargi pour les entreprises autour de la Caisse des Dépôts et Consignation. Un service public bancaire pour les particuliers pourrait également se créer rapidement autour de la Banque postale et des Caisses d’épargne. Quant aux banques qui demeureraient privées, l’Etat devra participer aux CA, et disposer d’un contrôle public pour favoriser une politique du crédit destinée à des secteurs prioritaires (services publics, recherche, rénovation écologique, etc.)
5 5) Le système de Maastricht est moribond. Tous les critères sont oubliés. Dans ces conditions quel sens donnez-vous aux prochaines européennes ? Y a-t-il un sens à participer à des élections pour un pseudo parlement quand l’UE a montré qu’elle méprisait le suffrage des peuples ?
Les gouvernements, et en premier lieu celui de Sarkozy, ont en effet montré qu’ils pouvaient sans difficulté mépriser le suffrage des peuples : les pressions sur les Irlandais suite à leur refus de ratifier le Traité de Lisbonne sont édifiantes à cet égard. Et bien sûr l’adoption en congrès, à Versailles, du même traité alors que le Traité constitutionnel européen, son frère jumeau, avait été refusé par près de 55% des Français relève du même déni manifeste de démocratie. Ce n’est pas pour autant une raison d’appeler au boycott des élections européennes. Je crois au contraire que le contexte n’a jamais été aussi favorable à ce que les peuples se réapproprient leur destin et imposent une réorientation radicale de leur association en Europe. La gravité de la crise, le nombre terrifiant de chômeurs qui jour après jour est annoncé, la souffrance sociale qui s’accentue, la colère qui monte partout dans le pays jusqu’à voir le retour de formes d’action qu’on n’avait pas vu depuis longtemps comme la séquestration des patrons, l’ensemble des mouvements de lutte qui se mettent en place pour défendre les emplois, les salaires et les services publics, tout cela témoigne du fait que l’unité des travailleurs en vue de l’émancipation collective est aujourd’hui possible. Mais cette révolution ne peut exister sans la démocratie, dont de nombreux pays d’Amérique latine, et en premier lieu la Bolivie, nous montrent le chemin. C’est dans la rue et dans les urnes que nous devons nous unifier pour gagner. Les prochaines élections européennes doivent être dans cette perspective un moment politique refondateur qui offre à nos concitoyens une nouvelle donne politique.
C’est tout le sens que nous donnons au Front de Gauche. Héritiers du 29 mai 2005, identifiés par ce Non victorieux et symbole de la résistance du peuple français à l’Europe de la concurrence libre et non faussée, les partis de ce Front, c’est-à-dire à l’heure actuelle le Parti de Gauche, le Parti communiste, la Gauche unitaire (issue du NPA) et République et Socialisme (issu du MRC) ont uni leur force pour réorienter radicalement le cours de la construction européenne, et en faire autre chose que ce qu’elle est aujourd’hui, à savoir le cheval de Troie du capitalisme. Le Front de Gauche est destiné à être durable, a vocation gouvernementale et n’aspire qu’à une chose : devenir un Front populaire. Nous lançons donc partout en France des comités populaires de soutien du Front de Gauche composés de tous les citoyens qui comme nous voient dans la période actuelle l’heure du renouveau politique. On sait que les situations de crise, comme ce fut le cas en 1929, peuvent produire les pires dérèglements politiques. Le fascisme s’en est nourri. Il faut très clairement avoir ce risque à l’esprit pour mieux s’en prémunir. Mais on sait aussi qu’elles sont le moment par excellence où de nouvelles solutions politiques sont conçues et proposées. Le Front de Gauche s’inscrit dans cette perspective, il est une offre politique inédite que le peuple français doit s’approprier, et si nous parvenons à véritablement créer une dynamique populaire qui se traduise dans les urnes le 7 juin, le paysage de la politique française en sera nécessairement bouleversé.
6) Vous avez signé un appel qui se prononce pour l’unité pour une grande marche sur l’assemblée nationale pour poser les exigences populaires dont l’interdiction des licenciements, l’abrogation des lois réactionnaires telles la loi Bachelot, la sauvegarde des services publics… Comment comptez vous œuvrer pour qu’une telle marche ait lieu ? Pensez-vous par exemple que des délégations aux groupes parlementaires pour poser nos exigences, recueillir leur position, et la publier serait une bonne initiative ? De même auprès des organisations syndicales, politiques ou associatives pour recueillir leur point de vue sur l’unité pour une grande marche vers l’assemblée nationale ?
J’ai en effet signé, à titre individuel, cet appel, car je crois que toutes les initiatives sont sans doute bonnes à prendre pour défendre les services publics et les emplois dans le contexte actuel, et la mise en place de délégations peut en effet être une bonne solution. Puisqu’elle est une initiative citoyenne, la mise en œuvre de cette action collective ne peut pas selon moi être déconnectée de l’urgence démocratique, et en particulier de la nécessité, dont je parlais à l’instant, de populariser le Front de Gauche en vue des élections européennes du 7 juin. Nous menons dans cette perspective, et depuis plusieurs mois déjà, une campagne de proximité, inspirée de la campagne citoyenne que nous avions mené contre le Traité constitutionnel européen. Au-delà des indispensables grands meetings, nous sommes présents partout en France, dans les marchés et dans les boites aux lettres, à l’entrée des usines et auprès de ceux qui luttent. Nous tenons, canton après canton, des réunions publiques dans lesquelles nous sentons de plus en plus un attrait grandissant pour notre démarche. Un événement de très grande ampleur dans le pays ne pourrait que confirmer cette dynamique. Cette marche n’a pas de sens abstraction faite du contexte et du calendrier politique. Elle ne prendra tout son sens qu’articulé au Front de Gauche dont elle peut constituer le véritable lancement populaire.
Christophe Miqueu, membre du Conseil national du Parti de Gauche
C'est tout le mérite du Camarade Miqueu que d'oser poser la question politique entre toutes du pouvoir du peuple en réponse à des questions de forme plus économique...mais de fond politique. Pourtant, sa réponse est moins satisfaisante que celle, par exemple, d'une Hélène Franco, tête de liste régionale de notre même Parti de Gauche qui s'interroge sur la nature de notre constitution et évoque la perspective d'une assemblée constituante.
Cette perspective - évoquée avec combien de retenue et de prudence dans cette campagne - est d'autant plus fondée, qu'au train où vont les contre-réformes, il ne restera plus grand chose des conquètes de la Libération au terme normal des legislatives et présidentielles de 2012. Le peuple français ne nous a pas habitué à une telle passivité. La moindre des choses pour un parti de gauche serait de se déclarer prêt à appliquer au plus vite son programme contre la crise et pour protéger le peuple de France. Et donc de réclamer des élections generales.
Prétendre qu'elles ne sauraient être que perdues car convoquées par Sarkozy est d'une hypocrisie sans nom car il en serait ainsi de toute élection et dans tous les pays, sauf en cas de coup d'état et de "gouvernement provisoire"...et ce serait avouer une incapacité à proposer un programme et des candidats aptes à convaincre la majorité des électeurs.
Je souscris sans réserve aux 3 mesures d'urgence proposées par Miqueu, d'autant que seule une batterie d'abrogations pourrait être mise rapidement en oeuvre sur la base d'une jurisprudence et d'une règlementation éprouvée par le retour aux lois sociales antérieures...et la sortie des principes issus du "droit du plus fort" européen.
Mais pour n'être pas symboliques, ces mesures supposent la réembauche et la formation de dizaines de milliers de salariés du secteur public ou administré et la reprise de controle immédiat par l'état du crédit à court terme et de proximité envers les entreprises, les particuliers et les communes.
Elles supposent la fin de l'escompte et du "crédit fournisseur" des plus petits en faveur des plus gros, le retour des tribunaux de commerce dans le régime général, la possibilité de moratoire pour les crédit au logement...(et pas que pour les crédits-relais!!!!).Le retour à l'état du monopole de la création monétaire, de la séparation banque d'affaires - banque de depot, le déblocage des programmes de logements sociaux et d'urgence, etc. En somme que l'état injecte du crédit "en bas" de l'économie au lieu "d'en haut" dans les grandes banques et assurances privées.
Enfin, amalgamer la question de l'interdiction des licenciements avec la nationalisation complète est indigne! La soumettre aux profits distribués est enfantin, car toute la comptabilité est faite pour réduire l'impot sur les benefices avoués et donc les bénéfices visibles. Le profit est soustrait de l'entreprise via les couts d'achats, les frais financiers, les crédits, les amortissements, les loyers et autres prestations récupérées par les actionnaires.
Par ailleurs, la masse salariale n'est qu'une partie minoritaire du chiffre d'affaires et qui decroit avec la taille des entreprises ( jusqu'à 5%! ). Enfin, pour une pme, les licenciements sont souvent l'antichambre de la faillite et exigés par les banques pour consentir un pret.
Le cout direct du maintien dans l'emploi est sans commune mesure avec les montants prêtés aux banques souvent hors comptabilité nationale - dans un rapport de 1 à 20 - sans compter le recyclage des salaires et prestations dans toute l'economie. La question est politique et pas financiere: reprendre 10 points de valeur ajoutée au profit des salaires est-il du bluff ou une volonté réelle de récupérer le profit pour la collectivité?