Cependant, je souhaite apporter quelques compléments, me semble-t-il, nécessaires pour éveiller la réflexion populaire. L’âge de la retraite est un des critères auquel il faut impérativement ajouter les modes de calcul pour le secteur privé, la Fonction Publique et la durée de cotisation exigée.
Tout d’abord il faut préciser que la retraite à taux plein à 60 ans (décision d’un gouvernement de François Mitterrand) n’a été qu’un droit pour ceux qui disposaient à l’époque de 37,5 ans de cotisations. L’âge de la retraite était resté à 65 ans.
C’est ainsi que sont apparues les deux notions :
1 - celle ouvrant droit à partir à la retraite avec des conditions exigées,
2 - la mise à la retraite quasi d’office au 65ième anniversaire de la personne.
La situation s’est progressivement dégradée avec les mesures Balladur de 1993, le glissement progressif de 37,5 annuités à 40 puis 41 et le déplacement progressif du calcul sur les 10 meilleures années aux 25.
La Fonction Publique fut alignée en 2003 sur le régime général avec deux éléments à ne pas négliger :1 - l’affaiblissement du coefficient 2 à 1,8 pour le calcul du montant de la pension (l’incidence n’est pas mineure),
2 - l’introduction d’un bonus et surtout d’un malus appliqué à la durée de cotisation.
Compte tenu de ces éléments, je partage l’objectif d’une retraite à taux plein dès le 60ième anniversaire de l’individu, qui cependant ne doit pas être une obligation.En effet, même s’il faut être prudent avec l’augmentation de l’espérance de vie, il n’en est pas moins vrai que des salariés, je précise bien des salariés, sont très réticents à cesser leur activité professionnelle à leur 60ième anniversaire, même avec un revenu de remplacement confortable.
C’est un phénomène nouveau que nous aurions tord de négliger.
Ainsi, pour être cohérent et compris, la retraite possible dès le 60ième anniversaire n’est crédible qu’avec le retour aux 37,5 ans de cotisations, le calcul sur les 10 meilleures années pour le privé, l’abrogation de la loi Fillon de 2003 pour la Fonction Publique et les mesures spécifiques prises pour les régimes spéciaux.
Concernant l’allongement de la durée de vie, les statistiques sont globales et concernent l’ensemble de la population. Or, ces mêmes statistiques informent que l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de près de 10 ans à celle d’un cadre ou d’un individu de profession libérale. Par ailleurs, qui peut assurer que la quasi généralisation du travail posté : 3/8 – 4/8 -5/8 (due aux lois Aubry de 1998 et 2000) dont on connaît les effets négatifs sur la santé, sera sans influence sur l’espérance de vie ? Pour les milieux médicaux spécialisés de la santé au travail les effets de l’amiante sont devant nous, avec des dégâts prévisibles très importants. Même si comparaison n’est pas raison, en Russie, la dégradation de l’espérance de vie est significative, moins 10 ans sur les 25 dernières années.
Alors les prophéties à 2040 doivent être analysées avec prudence et circonspection.
La revendication présentée, il faut maintenant la financer.
Je connaissais les propositions du C.O.R. de 2000, malheureusement celles-ci ont évolué défavorablement depuis. Il n’en reste pas moins qu’elles existent et qu’il y a lieu de les utiliser. Ceci dit, il faut, me semble t’il, profiter de cette occasion pour réhabiliter certains fondamentaux.
1 - Pas un centime d’euro versé en relation avec un travail accompli (salaire – participation – intéressement – stock-option – retraire chapeau…) ne doit échapper au prélèvement social complet (cotisation de base – C.S.G – C.R.D.S. etc…)
2 - La répartition des richesses produites ne devant pas se limiter au salaire différé pour le financement de la protection sociale, il faut s’intéresser aux dividendes perçus par les actionnaires. Je propose une indexation sociale des dividendes en rapport avec les niveaux d’intérêt de l’épargne populaire. Ainsi, par exemple, au-delà du revenu des dividendes de 2 ou 3 fois supérieur au taux moyen de l’épargne populaire, je propose qu’un prélèvement spécifique soit imposé pour alimenter les régimes de Sécurité Sociale dont, au cas particulier, les retraites.
Quant à la question de la pénibilité, qui à toute son importance, il faut éviter de se faire berner. Depuis de nombreuses années, le patronat et les gouvernements refusent de négocier réellement et de conclure sur ce dossier.
De plus, sur quels critères peut-on juger l’existence de la pénibilité ?
Par exemple, considère t’on qu’une femme sur un emploi d’aides aux personnes âgées, avec des cas d’impotence, pratique un emploi pénible ?
Considère t’on que les salariés des plates-formes téléphoniques occupent des emplois pénibles compte tenu de l’importance stress qui règne dans ces services ?
Ce débat est interminable et malheureusement, je le crains, sans issue.
Pour le contourner, il faut réhabiliter le système des préretraites, à négocier par branche ou interprofessionnellement.
On pourrait considérer qu’un salarié qui n’a pas atteint son 60ième anniversaire et qui ne cumule pas 37,5 ans de cotisations pourrait cesser son activité professionnelle à un âge fixé par les négociateurs (syndicats de salariés et organisations patronales), le revenu de remplacement qui ne serait pas la retraite pourrait être assuré par la caisse de retraite, et ou, l’UNEDIC…
Cependant, pour exercer une sorte de solidarité, serait-il déplacé de demander un effort compensatoire aux bénéficiaires d’autant que moult associations manquent de bénévoles ?
Ainsi dans l’attente de ses 60 ans, il lui serait demandé d’assurer un quota d’heures (exemple 5 ou 6 heures par semaine) au bénéfice d’un secteur associatif de son choix : sportif, culturel social (visite aux malades, aux enfants hospitalisés) syndical, politique etc…
Ce régime de préretraite se limiterait au strict volontariat du salarié quel que soit l’emploi occupé. On peut penser que les salariés fatigués en profiteraient.
Enfin, il est impératif de repousser farouchement la généralisation du système par point qui s’affranchit de la nécessaire solidarité. Ce système serait préjudiciable en particulier pour les femmes car les congés de maternité seraient exclus du calcul des retraites de même que les périodes de chômage, de formations…, pour l’ensemble des salariés.
Il en serait terminé du principe des années cotisées et des années validées.
Il est également impératif de résister au dangereux discours d’unification du régime général et des pensions de la Fonction Publique. La comparaison des modes de calcul du privé et du public est particulièrement malhonnête car c’est le statut même de la Fonction Publique qui s’en trouverait très affaibli.
Ce ne sont pas les modes de calcul qu’il faut comparer, mais les revenus de remplacement. A ce titre, malheureusement il y a autant de retraités pauvres dans le public que sans le privé.
Par ailleurs, on ne doit pas perdre de vue le rapatriement des sommes versées aux assurances commerciales par les individus sous forme de complément de retraite dans les caisses gérées sur le principe de la répartition.
Cependant pour arracher cela au capital, il faudra aller au-delà des pétitions en ligne.