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Les vieillards, au boulot !

Lorsque Nicolas Sarkozy s’occupe des séniors, ça revient à : « Un CDD sinon RIEN » !

Par Jacques Cotta • Actualités • Mardi 20/03/2012 • 0 commentaires  • Lu 2125 fois • Version imprimable


C'est en reprenant une série de recettes mises en pratique depuis les années 1986 que le président candidat prétend remettre les plus de 55 ans au boulot… Mais quid du statut du travail, du salaire, de la protection sociale, des acquis… De quel type de boulot s’agit-il exactement ? D’emplois pérennes ? D’embauches respectant les qualifications ? Ou, à la mode japonaise remise au gout du jour après chaque grande crise économique, d’activités au rabais pour tenter d’échapper à la misère ? Après avoir attaqué les retraites, prolongé le temps de travail nécessaire pour avoir droit à sa pension, le président de la République, Nicolas Sarkozy, endossant le costume du candidat a proposé « pour toute personne au chômage de plus de 55 ans qui serait embauchée avec un CDI ou un CDD d’au moins six mois, l’exonération permanente à 100% des charges sociales ». Nicolas Sarkozy désire ainsi s’attaquer au « faible taux d’activité des séniors ». En France au mois de janvier en effet on dénombrait 594 000 demandeurs d’emplois de plus de 50 ans qui représentent officiellement plus de 20% des inscrits à pôle emploi sans aucune activité. Une augmentation de 15% sur la dernière année.

La nature du travail…

Ainsi, le président candidat met sur le même pied le CDI et le CDD d’une durée minimale de six mois pour permettre aux employeurs d’obtenir les avantages proposés.
Il y a là un appel d’air à la précarisation, d’autant que la crise du capitalisme qui sévit depuis 2007 avec la crise financière est loin d’être enrayée… La remontée des bourses ces derniers jours, qui réjouissent les commentateurs et défenseurs du système, ne repose que sur le déversement de plus de 1000 milliards d’euros par la banque centrale européenne dans les caisses des banques privées qui s’enrichissent en proposant à des taux élevés ces sommes qui leurs sont allouées pratiquement gratuitement. Et cela aura inévitablement une fin…
En attendant donc, pourquoi donc les employeurs proposeraient-ils massivement des CDI lorsqu’un CDD permet d’obtenir les mêmes cadeaux de la part de l’état ?
La proposition du président candidat entérine en fait une tendance lourde qui voit le CDI –théoriquement le contrat légal reconnu par la loi- être très minoritaire dans les emplois proposés, au profit du CDD de quelques mois, et sous sa forme la plus flexible, de l’intérim… Cela au détriment des salariés, des travailleurs, mais il serait presque grossier de le souligner…
En un mot commençant, la parole de Nicolas Sarkozy, peu attaquée pour le moment par les ténors du parti socialiste, revient en fait à proposer aux séniors « Un CDD sinon RIEN » !

Les charges sociales, c’est le salaire !

Les mots ont un sens et leur dénaturation n’est jamais innocente. Lorsque le président de la république, à l’instar des organisations patronales, évoque les charges sociales qui pèsent sur les entreprises, il distille l’idée qu’il serait bon et légitime de se décharger…
Mais que sont ces fameuses charges ?
Il s’agit en réalité du salaire différé des salariés. A l’époque du conseil national de la résistance, au lendemain de seconde guerre mondiale et des grandes grèves de 1947, des négociations ont en effet abouti à ce que le travail soit rémunéré d’une part par le salaire direct –qui se retrouve sur la feuille de paie- et par un salaire indirect, ou différé, qui sert à financer la protection sociale, les retraites, la santé, les allocations familiales, etc…
Ainsi, lorsque le candidat président suggère d’exempter les employeurs du paiement des charges, il leur propose juste de ne plus honorer le salaire différé.
Le résultat d’une telle politique est prévisible :

>soit les cotisations sociales, appelées charges pour l’occasion, ne sont pas payées, et ce sont les comptes des organismes sociaux qui se trouvent en déficit. On aboutit donc à faire reporter sur toute la collectivité les effets d’une telle politique : plus de remboursement de médicaments, plus de retraite, plus….

>soit c’est l’état qui paie à la place des employeurs. C'est-à-dire la collectivité qui est appelée à la rescousse pendant que les profits des grosses entreprises explosent comme les dividendes versés aux actionnaires… C’est une version particulière de la fameuse « réduction du coût du travail ». Avec comme corolaire un serrage de vis général au nom de la fameuse « chasse aux déficits » qui ne peuvent manquer de s’accroitre.

Ca vient de loin

En fait Nicolas Sarkozy n’a pas inventé grand-chose… Sa proposition n’est que le « pompage » d’un mauvais élève sur les candidats qui l’ont précédé et qui ont mis en pratique cette politique. Tous y sont passés, pour un motif ou un autre, mais toujours au nom de l’emploi, avec le succès que l’on connait :
Entre 1986 et 1988, jacques Chirac procède à 13 milliards de francs d’exonération de cotisations sociales. Entre 1992 et 1993, Pierre Bérégovoy exonère pour 10 milliards. Edouard Balladur entre 1993 et 1995 pour 17 milliards. Alain Juppé pour 9,4 milliards entre 1995 et 1997 puis Lionel Jospin pour 31 milliards, Dominique de Villepin et Jean Pierre Raffarin pour 100 milliards… Nicolas Sarkozy s’est aligné, aggravant une situation déjà bien installée.
Derrière la question de l’emploi et la façon de l’appréhender se trouvent des intérêts souvent opposés. D’une part ceux du capital qui ne jure que par l’économie réalisée sur le dos des salaires, de la protection sociale, des acquis qui datent de décennies, qui fait du travail la principal variable d’ajustement à la crise… De l’autre les intérêts du travail qui se trouve aujourd’hui particulièrement spolié, fragilisé, précarisé…
Voila pourquoi cette discussion est centrale… Si Place de la bastille Jean Luc Mélenchon a dégagé les antagonismes, défini les intérêts, rappelé « le cri du peuple qui monte du fond de la société », ni François Hollande, ni à fortiori Nicolas Sarkozy ne se sont pour le moment engagés dans cette discussion qui pourtant s’imposera par la force des évènements.
On voudrait convaincre les citoyens qu’il n’y aurait d’autre solution que d’accepter, se résoudre, se résigner à la précarité, la destruction des relations sociales, et la pauvreté qui en découle. Mais il n’en n’est rien. Tout n’est qu’affaire de choix politiques.
Là où les entreprises ferment parce que des actionnaires trouvent plus juteux pour eux de délocaliser, le droit de réquisition, vital pour préserver la production et le travail, doit s’imposer…
Là où les actionnaires se sont déjà à de multiples reprises « gavés », le droit d’expropriation sans rachat devrait pouvoir s’appliquer…
Là où la surexploitation permet une production que nous ne pouvons concurrencer, des barrières douanières intelligentes doivent pouvoir être posées…
Là où la finance manque pour produire et créer, la nationalisation des banques doit pouvoir financer…
Là où…
L’ensemble de ces sujets et leur rhétorique nous ramènent à la question centrale de la souveraineté nationale, de notre capacité à dire que nous sommes maitres chez nous et à prendre les décisions qui s’imposent, contre les diktats que madame Merkel, les institutions européennes, et la troïka comme en Grèce veulent imposer.
Contrairement aux discours bien confus souvent tenus à « la gauche de la gauche » sur « l’Europe sociale » qu’il s’agirait d’opposer à « l’Europe libérale », c’est l’Europe des nations libres et souveraines, coopérant dans un respect mutuel, mais agissant conformément aux intérêts de leur peuple, qui se trouve posée…  
C’est la défense de l’industrie, c’est la réindustrialisation qui s’impose, face à quoi le prêche pour le maintien de l’euro est fort peu convaincant…
Toutes ces questions sont développées dans « Un CDD sinon RIEN », « quand intérêts financiers riment avec précarité des salariés ». A nous d’en débattre, parce qu’il s’agit d’une question centrale de société, voire de civilisation qui est en train de se jouer…

Jacques Cotta
Le 20 mars 2012

 

 

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