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Aperçus (dijonnais) sur les années 1966-1968

Notes établies par Alain Chicouard, responsable du groupe « Révoltes » et du CLER, puis de la FER en 66-68, élu président de la Section Lettres de l'UNEF (dite Corpo Lettres) de Dijon en novembre 67.

Par Alain Chicouard • Histoire • Vendredi 09/03/2018 • 0 commentaires  • Lu 2383 fois • Version imprimable


                                                Souvenances...

     On me demande ce que j'ai fait en 1968 (et aussi avant et après)... 

 

     N'ayant pas eu le souci d'entretenir des souvenirs, il est sans doute vain et en tout cas périlleux de rassembler au mieux des bribes sur des années maintenant anciennes de plusieurs décennies. Il n'y aura donc pas de « récit » d'ordre personnel. Ce qui va suivre ne sera pas non plus l'amorce d' une « histoire de mai-juin 68 à Dijon », même fragmentaire. On se limitera à la mention de quelques épisodes en s'appuyant sur des documents personnels

[1]. Donc  bien évidemment  rien  d' exhaustif, ni d' ''objectif'', même si la démarche veut être aussi rigoureuse que possible[2]. Les documents seront largement ou intégralement cités, ce qui risque de rendre parfois la lecture quelque peu fastidieuse ; mais ainsi le lecteur pourra analyser et juger sur pièces.

 

      Il y aura bientôt 50 ans qu'en mai-juin a déferlé dans le pays tout entier un mouvement social d'une puissance inégalée avec la grève générale et les manifestations de masse ébranlant jusqu'à leurs fondations régime politique et structures sociales...

 

     Rien d'exceptionnel à avoir été de ceux qui se sont engagés ''corps et âme'' dans les combats de 68 ( et d'avant 68!), dans  la grève et les manifestations, dans la participation à mille et une initiatives (élaboration et diffusion de tracts, prises de paroles, organisation de réunions syndicales et politiques....).

 

      Etudiant à Dijon à partir de septembre 1965,  des contacts sont établis  avec le noyau trotskyste dijonnais, par l'intermédiaire de lettres de Pierre Broué,  à cette date professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble[3]. La participation à un GER [4] (Groupe d'Etudes Révolutionnaires) aboutit à devenir membre de l'OCI[5]

 

     Comment expliquer qu'un étudiant de 19 ans s'engage dans une telle organisation ? Certainement pas en raison de son poids numérique[6] , ni de son renom médiatique (absolument nul, sauf occasionnellement de manière négative). Qu'est-ce qui était déterminant ?  le programme politique, les perspectives historiques, les propositions immédiates d'actions militantes concrètes...

 

     Etait-ce là  « romans de chevalerie''  portant à briser tant de lances contre bien des moulins? Ou bien  les raisons d'un engagement amenant à consacrer une (très grande!) partie de son temps à ''militer'' pour construire un parti révolutionnaire et la IVe Internationale étaient-elles ainsi fondées :

 

« Les bavardages de toutes sortes, selon lesquels les conditions historiques ne seraient pas encore « mûres » pour le socialisme, ne sont que le produit de l'ignorance ou d'une tromperie consciente. Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne  ne sont pas seulement mûres, mais ont même commencé à pourrir. Sans révolution sociale, et, cela dans la prochaine période historique, toute la civilisation de l'humanité est menacée d'être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, cest-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire[7] ».

 

      Dès lors, face à l'alternative « Socialisme ou Barbarie », nulle tâche ne pouvait être plus impérative que le combat pour construire « l'avant-garde révolutionnaire »...

 

                                                          °°°°°°°°°°°°

 

                                                         Année 1966

 

      Durant l'année 1966, diverses intitiatives sont engagées. Par ex., le 26 février 1966 se tient la première réunion publique organisée à Dijon par les « Amis d'Informations Ouvrières », avec la participation d'un responsable national, Pierre Bossut, rassemblant 30 participants. Le tract appelant à cette réunion aborde la crise de l'impérialisme ainsi que le rôle de la social-démocratie et du stalinisme . Il souligne l'enjeu que représente la « nouvelle génération :

 

    Une nouvelle génération ouvrière arrive à la vie politique. Elle n'a pas subi les défaites de sa classe. Son potentiel est intact. Elle se méfie instinctivement de toute organisation.

 

    La lutte pour la conquête de cette génération est une lutte décisive. Il s'agit d'assurer la continuité historique du mouvement ouvrier, de renouer avec les traditions et les expériences du passé, de tirer les leçons, de préparer la victoire.

Cette génération ira au combat. Avec quelle direction, quel programme, sous quel drapeau? [8]

 

 

      D'autres réunions, centrées sur « l'actualité du programme de la IVe internationale » et sur les positions de l'OCI concernant le moment présent  se tiennent  le 12 mars avec Stéphane Just, le 14 mai  avec Pierre Broué, le 4 juin avec Gérard Bloch, avec une participation allant de 22 à 40 présents.

 

     Le 17 mai  a lieu une «  journée d'action » CGT-CFDT. Comment la caractériser ? Une résolution l'analyse en ces termes :

 

 Elle fut l'aboutissement de mois de grèves tournantes, de la campagne de Mitterrand et de l'écartement de la classe ouvrière de la scène politique, de l'accord CGT-CFDT sur le programme quasi corporatiste de la CFDT .  […]

 

 La réalisation du Front Unique, passant par les mots d'ordre : comités interprofessionnels et intersyndicaux, comités de grève, élaboration des décisions par les travailleurs eux-mêmes, reste donc à l'ordre du jour .[9]

 

 

      L' OCI en septembre 1966 publie le « Manifeste de la Conférence Internationale[10] » . On peut notamment y lire :

 

 La IVe Internationale combat

                                                                                                                                      inconditionnellement pour la victoire des ouvriers et des paysans vietnamiens et pour la défaite de l'impérialisme américain

                                                                                                                                      pour la défense inconditionnelle des conquêtes de la révolution chinoise

                                                                                                                                      pour l'indépendance des syndicats par rapport à l'Etat

                                                                                                                                      pour le Front Unique de classe

                                                                                                                                      pour les Etats-Unis socialistes d'Europe

                                                                                                                                      contre la calomnie et la répression .

 

      L'intervention au sein de la jeunesse compte parmi les priorités de l'OCI. Une tâche m' est notamment donnée : érablir la liaison avec le secrétariat national du  groupe ''Révoltes'' et le CLER[11]. La participation aux réunions nationales des délégués permet de suivre l'élaboration des axes politiques d'intervention et, sur le plan pratique, de revenir avec tracts, bulletins, affiches.  Parmi les axes politiques, figurent en particulier la lutte contre le Plan Fouchet[12] et contre l'intervention américaine au Vietnam.

 

      Ainsi, en septembre – octobre 1966, c'est l'engagement dans la préparation de  la manifestation internationale de Liège du 15 octobre. Une réunion publique est organisée à Dijon  le jeudi 29 septembre. Concernant la lutte contre le plan Fouchet est définie la position suivante  :

 

 Contre la réforme Fouchet, « Révoltes » fut la première organisation à lutter, et la seule, en septembre et octobre 1965. « Révoltes » intervient aussi à l'UNEF, par l'intermédiaire du C.L.E.R.. Le CLER, par ses bulletins et son action, s'est efforcé sans cesse de montrer l'interdépendance du Ve Plan et de la Réforme Fouchet, de montrer que les problèmes étudiants ne sont qu'un aspect particulier des problèmes généraux et qu'en conséquence, les étudiants devaient sortir de leur isolement et lutter aux côtés de la classe ouvrière. Le CLER a maintenant une audience à l'UNEF, malgré les manoeuvres et les calomnies des apprentis-bureaucrates. 

 

      A propos de la mobilisation contre l'intervention américaine au Vietnam, un tract de ''Révoltes'' déclare :

 

« Le 15 octobre 1966, aura lieu à Liège une Marche Internationale de mouvements de jeunesse d' Europe. Sur l'initiative des Jeunes-Gardes Socialistes de Belgique, cette manifestation doit être une protestation contre l'intervention impérialiste américaine au Vietnam, et contre tous les préparatifs de guerre de l'impérialisme. (...) Il faut défendre la révolution vietnamienne contre tout nouveau marchandage du type « Accords de Genève[13] » (...).

 

      Le bilan de Liège permet au groupe « Révoltes » de Dijon de s'afffirmer:  la réunion publique du 22 octobre rassemble 31 participants,

 

                                                  Janvier - Avril 1967

 

      Progressivement, suite aux interventions et aux réunions publiques, le groupe ''Révoltes'' se construit. Dans sa réunion du 7 janvier, est établi un bilan : l'effectif est passé de 5 militants en septembre 66 à 18 et les ventes  du journal devant les restaurants universitaires et devant la gare sont passées de 57 n° en septembre à 125 n°.

 

      En milieu universitaire, le CLER  combat pour la mobilisation contre le Plan Fouchet et pour la défense de l'UNEF comme syndicat. Dans un rapport au secrétariat national  du CLER daté du 12 février 1967, on lit :

    

    C'est au début de cette année que nous sommes intervenus pour la première fois de manière organisée à l'UNEF.[...] Nous avons obtenu en Droit 1/4 des voix et en Lettres 1/3. Nous sommes fortement représentés aux C.A. de ces deux Corpos[14], ainsi qu'au C.A. de Sciences. A l'AG de l'AGED qui a suivi, nous nous sommes  de nouveau battus autour d'une motion d'orientation […] contre la politique liquidatrice des tenants de la ligne dite ''universitaire''. (les « Universitaires » ont [pour]  ossature politique [...] les ESU  avec le soutien de l'UEC[15]  […]

 

 Nous avons voulu donner la plus large publicité possible sur le CA et l'attitude des « Universitaires » [...]. En conséquence, nous avons tiré à 2500 exemplaires un « Bulletin de la tendance anticorporatiste de l'AGED-UNEF », distribué au Restaurant Universitaire, et qui eut un assez grand retentissement. D'autre part, chez les « Universitaires », il y eut un certain affolement qui ira, en un CA très mouvementé de la Corpo Lettres, jusqu'à des menaces d' exclusion; mais les diverses manoeuvres des « Universitaires » ont échoué. Ils n'ont pu revenir sur la reconnaissance du droit de tendance, reconnaissance que nous avions obtenue dès le début de l'année. D'autre part, dans l'ensemble, le bulletin a été lu, et il a suscité des réactions intéressantes et positives.

    Les résultats de cette diffusion ont ouvert comme perspective l'organisation de la tendance anticorporatiste. En Février, se tiendra une réunion de la tendance, et on sortira un bulletin. (...)[16]

 

      Le 11 mars ,  une réunion publique du groupe ''Révoltes'' et du CLER, pour « organiser la lutte contre le Plan Fouchet et le Ve Plan », avec Charles Berg, du comité directeur, regroupe 44 participants.

 

      Concernant l'UNEF,  une lettre du 6 avril adressée au secrétariat du CLER donne les informations suivantes :

 

L'UNEF a connu sur le plan local une nouvelle crise avant les vacances de Pâques. (...) Le bureau de l'AGED démissionnait, car, après 3 ans d'exercice, ils en sont arrivés à la conclusion suivante : impossible de militer dans l'UNEF, car il n'y a pas de parti révolutionnaire!! ( et ils ont pondu un texte délirant [...]). Il s'est trouvé d'autres « marxistes » (sic) du même acabit pour modifier du même coup les statuts ... pour faciliter la liquidation de l'AGED. (...) Nous nous sommes battus comme de beaux diables [...] Nous avions amené quelques contacts ... Ce fut tout à fait formateur, si l'on en juge par leurs réactions. Nous étions évidemment les seuls à parler de l'organisation de la lutte contre le Plan Fouchet et à ouvrir la perspective d'une manifestation centrale. [17]

 

      A la réunion du 15 avril, il est décidé d'organiser un nouveau meeting à l'appel de ''Révoltes'' et de l'OCI sur l'axe suivant :

 

Nous avons à combattre dans nos secteurs d'activité, dans les entreprises, dans le milieu étudiant, dans nos syndicats UNEF, CGT, FEN pour qu' [ils décident] l'organisation [...] d' Assises nationales d'unité pour la défense du pouvoir d'achat, pour la garantie de l'emploi, contre la déqualification, contre la déchéance de la jeunesse. (...)  . [18]

 

      Le meeting le 30 avril est préparé avec un tract déclarant:

 

(...)

350 000 chômeurs aujourd'hui, 600 000 dans trois ans.

Oui, nous DEVONS lutter pour notre avenir. Luttons:

- pour le droit à l'instruction et à la culture

- pour une véritable formation professionnelle

- pour l'amélioration de nos conditions de vie et de travailler.

Tous les jeunes sont concernés. C'est tous ensemble que nous devons chercher les voies et les moyens de lutter. (...)[19]. 

   

      Ce meeting du 30 avril réunira 52 participants. En mai, le groupe « Révoltes », qui compte, à cette date,  24 membres, organise une campagne sur l'axe  « contre la déchéance de la jeunesse,  contre les pleins pouvoirs, la lutte continue » et convoque une « Assemblée des Jeunes et des Travailleurs » pour samedi 10 juin qui réunit 48 personnes. Le journal « Révoltes » à Dijon est vendu pour le n°6-7 à 186 exemplaires.

 

                                          Octobre – Novembre 1967

 

      Fin octobre 1967, dans les facultés, le  CLER intervient pendant la « Session pré-universitaire » : distribution d'un tract centré sur la « défense de l'UNEF » et la préparation de la « manifestation centrale »,  vente du journal et de brochures, prises de parole, notamment à l'entrée de la séance gratuite de cinéma le soir, interventions au cours des réunions.

 

      Le 23 novembre 1967 se tient l'Assemblée Générale de la Corpo Lettres de l'AGED-UNEF.

 

      Cette assemblée rassemble 110 personnes ayant le droit de vote. La motion présentée par la direction sortante conduite par Jacques Sauvageot est mise en minorité, ainsi que la motion présentée par des militants de l'UEC. C'est la motion d'orientation présentée par les militants du CLER qui obtient la majorité.

 

      Cette motion, après avoir souligné que « c'est en fonction des buts du Ve Plan que le gouvernement a élaboré et appliqué le Plan Fouchet », définit « deux positions fondamentales »:

 

                                                                                                                                      soit se situer dans le cadre du Plan Fouchet (c'est-à-dire en accepter les objectifs fondamentaux) pour  essayer de l'aménager;

                                                                                                                                      soit refuser radicalement le Plan Fouchet dont les conséquences sont la déqualification et la déchéance.

 

      Quant aux « mots d'ordre et formes de lutte », ce texte condamne « la ligne universitaire »,  définie au  congrès de Dijon en 1963 qui met l'accent sur « la réflexion sur le contenu pédagogique des études » et refuse d'organiser la lutte contre les conséquences du Plan Fouchet et du Ve Plan, en jonction avec les travailleurs et les syndicats ouvriers.

 

      Il défend l'orientation du « front unique ouvrier », avec le souci de « partir de ce qui touche directement l'étudiant » en lançant « tout mot d'ordre traduisant une revendication immédiate pour, à partir de là, élargir la lutte ». Il affirme:

 

La défense des étudiants et de l'ensemble de la jeunesse passe par la défense de l'ensemble des travailleurs et des acquis de la classe ouvrière. Les luttes des étudiants ne peuvent aboutir que si l'UNEF est capable de réaliser leur jonction avec celles des travailleurs.

 

C'est pourquoi l' UNEF doit être partie prenante dans la construction du Front Unique Ouvrier, c'est-à-dire pour la réalisation de l'unité des organisations de la classe ouvrière et de la jeunesse sur un programme de défense des intérêts des ouvriers et des jeunes, et donc se battre pour la tenue d'Assises Nationales d'Unité d'Action dans la perspective du Front Unique Ouvrier.

 

      Sur cette base, la motion demande que les décisions pour une manifestation centrale à Paris et d'une Conférence nationale étudiante, votées par le 57e congrès de l'UNEF tenu en juillet 67 à Lyon, soient appliquées.

 

      Suite à l'adoption de cette motion, est formé un nouveau comité directeur de 12 membres (qui sont adhérents ou sympathisants du CLER), et  je suis élu président de la Corpo Lettres.

 

      L'audience grandissante au sein de l'AGED-UNEF et le succès au sein de la Corpo Lettres des militants du CLER, dans un contexte national marqué par l'essor des manifestations étudiantes et ouvrières, s'expliquent à la fois par le discrédit croissant des dirigeants liés au PSU et par l'investissement des militants du CLER assurant dans les amphis et à l'échelle du campus une intervention soutenue.

 

      Concernant les dirigeants de l'UNEF  liés au PSU, une lettre[20] d' un membre démissionnaire du bureau de l'AGED est révélatrice :

 

 Le pouvoir et les tâches de direction à l'UNEF sont aujourd'hui synonymes de magouillages de politicards qui s'essaient à voiler leurs sales petites combines et complots de couloir derrière les voiles de l'autogestion et de la non directivité. (...) Nul n'ignore que la Corpo Lettres est actuellement investie par des militants de « Révoltes » qui n'ont eu aucun mal à s'installer sur le vide laissé par Sauvageot et par une présidente disparue dans la nature .

 

      Ayant obtenu la majorité au sein de la Corpo Lettres, les militants du CLER ont de « nouvelles tâches » qui, dans une note interne, sont ainsi définies:

 

- mettre sur pied le bureau de la Corpo, en sachant nous attacher les militants de base ESU et UEC dans notre travail;

 

- défendre la Corpo par un travail syndical  régulier dans  la Fac et les amphis et par une gestion sérieuse;

 

- organiser une campagne d'information et de propagande (journal et tracts) pour la préparation de la Manifestation centrale

 

- consolider cet acquis pour en faire une base solide pour notre travail intersyndical, pour la lutte pour les Assises et le FUO[21].

 

      Le nouveau comité directeur de la Corpo Lettres sort le 8 décembre  Dijon-Lettres, journal ronéoté de 12 p. En  préambule, est cité un extrait de la résolution adoptée lors de l'AG  du 23 novembre:

 

 Il est fondamental aujourd'hui qu'au delà des débats de tendances et de fractions, et des oppositions qui peuvent exister entre les différents courants politiques, soit réalisée l'unité d'action pour l'application de la ligne de défense de l'UNEF et de résistance à  l'offensive du pouvoir, définie au congrès de Lyon .

 

      L'éditorial est axé sur la nécessité de « défendre l' UNEF »:

 

Pour défendre leurs intérêts, pour aller au combat, les étudiants ont besoin d'une organisation syndicale. C'est pourquoi aujourd'hui il est essentiel de défendre l'UNEF, comme organisation de combat des étudiants. Que tous ceux qui ont compris la nécessité d'une organisation syndicale pour la défense des intérêts des étudiants concrétisent cette tâche primordiale par le renforcement de la Corpo.

 

      Le but de ce journal est surtout d'appeler au meeting étudiant du 12 décembre, à 13h, devant le restaurant universitaire Montmuzard, et à la manifestation du 13 décembre, Place St Michel à 18h. Il proclame :

 

Il faut élargir la lutte. En avant vers l' action générale unie . […] La journée du 13 décembre ne peut, ne doit en aucun cas revêtir le même caractère que le 17 mai: une action sans lendemain, donc sans réelle efficacité; ce doit être l'occasion d'imposer la préparation d'une action générale unie contre le Plan Fouchet et contre les ordonnances[...]              

 

                                   Le 13 décembre 1967

 

      Ce 13 décembre, à Dijon, comme dans toutes les principales villes du pays, se déroule une manifestation à l'appel de la CGT, de la CFDT, de la FEN et de l'UNEF. A la fin de la manifestation, se produit un fait significatif : une partie importante des manifestants se met en mouvement vers la Préfecture...

 

      La manifestation est ainsi décrite par le quotidien dijonnais  Les Dépêches  :

 

La journée de revendications de mercredi s'est terminée à Dijon par un défilé en ville et un meeting place Darcy suivi d'une marche vers la Préfecture (...). Un millier de manifestants, dont la moitié d'étudiants, ont traversé Dijon entre 18h30 et 19h30. (...) MM. Chapotet, secrétaire de l'UL-CGT et Galland, président de l'AGED, dans de courtes allocutions, rappelèrent les revendications (...). Après le meeting Place Darcy (...), un mot d'ordre fut donné de terminer la manifestation dans la dignité.

Mais un grand nombre d'étudiants, aux cris de « A la Préfecture » se reformèrent en cortège pour se rendre vers cet édifice par la rue de la Liberté et la rue des Forges.

Mais, à proximité de la Préfecture, il y eut un flottement. A cent mètres de là, les gardiens de la paix s'apprêtaient, sans grand enthousiasme, à interdire le passage devant les bureaux vides.

Et une bonne partie des manifestants, dont de nombreuses jeunes filles, ne voyaient pas l'intérêt de provoquer une bagarre gratuite.

On se dispersa donc avec la consigne «  de revenir plus nombreux la prochaine fois » (...)[22]

 

      Tonalité différente dans le compte-rendu publié par l'autre quotidien dijonnais  Le Bien Public , connu pour son orientation réactionnaire:

 

(...) La manifestation aurait pu se dérouler dans la dignité si quelques éléments incontrôlés et sûrement irresponsables n'étaient venus jeter le trouble en lançant des slogans grossiers puisés au répertoire éculé de la démagogie de boulevard.

Le malheur voulut aussi qu'ils soient proférés par quelques-uns de ceux-là même que l'on considère comme étant la future élite de la nation..(...)

Mercredi soir l'on vit, tandis que les travailleurs s'en étaient allés, un petit groupe se reformer et se mettre en route aux cris de « A la préfecture ».

La vue de quelques gardiens de la paix devait d'ailleurs suffire, à proximité de Notre-Dame, à dégonfler l'ardeur et l'enthousiasme de commande de ce groupuscule qui se dispersa enfin.[23]

 

      De son côté, l'UEC-Dijon, dans son bulletin Fac Nouvelle, tire le bilan suivant:

 

A Dijon, les travailleurs et les étudiants formant un imposant défilé, partant de la Bouse du Travail pour aboutir Place Darcy, ont montré puissamment leur opposition déterminée à la politique du pouvoir.

Pourtant, quelques étudiants restèrent sur leur faim; confondant probablement le 13 décembre avec le « grand soir », ils ont tenté par tous les moyens de faire dégénérer une manifestation réussie en aventure absurde et dangereuse, ne pouvant profiter qu'aux forces de répression et porter préjudice à la valeur et à la portée des mouvements revendicatifs. (...)

Méprisant toute discipline, les groupuscules gauchistes entraînèrent un groupe d'étudiants, et lorsque, vers 8h du soir, ils se retrouvaient dans la rue de la Préfecture, où les attendaient les forces de police, ils ne purent cacher leur rage de n'avoir pu duper les travailleurs et la masse des étudiants, et ne trouvèrent alors rien de mieux que de s'en prendre aux ouvriers. (...)

Cet incident met en lumière la signification que donnent ces gens à leur mot d'ordre « Front Unique Ouvrier »: il ne s'agit ni plus, ni moins que de lutter contre les syndicats ouvriers, que ces gens, n'ayant aucune connaissance de la réalité ouvrière, se permettent de qualifier de bureaucratie, en particulier contre la CGT (...)

Le rôle exact que veulent jouer les groupuscules gauchistes au sein de l'UNEF [est] de se servir de notre syndicat pour faire passer leurs conceptions erronées et aventuristes, obtenir par ce truchement une audience chez les étudiants qu'ils dupent.

Ils ont prouvé que leur indiscipline, leur mépris de leurs responsabilités syndicales au niveau de la Corpo de Lettres, leur mépris des étudiants, qu'ils sont censés représenter. (...)

Nous nous élevons contre l'utilisation du syndicat par les phraséologues gauchistes irresponsables.[24]

 

      Quant au « groupe des Jeunes Révolutionnaires de Dijon», il publie dès le 14 décembre un supplément au journal Révoltes  où il écrit:

 

Ce qui s'est passé hier soir à Dijon, au cours de la manifestation des étudiants et des travailleurs, est extrêmement important.

 

Marcredi 13, à 18h: rassemblement des étudiants sur la Place Wilson à l'appel de leur organisation syndicale: l'AGED-UNEF, 600 à 700 étudiants environ sont regroupés sous des banderoles sur lesquelles on peut lire:

 

Non aux barrages (signée Aged, SneSup, SgenSup),

Etudiants solidaires des travailleurs

Front Unique Ouvrier pour l'Unité d'Action,

Pour la défense de la Sécurité Sociale.

 

Ensuite, jonction avec les travailleurs devant la Bourse du Travail. C'est ensemble que les travailleurs et les étudiants ont descendu la rue Chabot-Charny et la rue de la Liberté en scandant: « A bas le Ve Plan,Non au Plan Fouchet, Non au chômage, Unité d'Action ». L' Internationale fut entonnée plusieurs fois.

 

Arrêt devant  le Bien Public . (...)

Jeunes et travailleurs (...) s'interrogeaient tous : allait-on en rester là? Allait-on se disperser devant Le Bien Public  après une petite promenade tranquille? Les jeunes et les travailleurs veulent se battre : spontanément des travailleurs et des étudiants ont lancé le mot d'ordre « A la Préfecture », repris par la majeure partie des travailleurs et des jeunes.

 

Les responsables syndicaux ont-ils répondu alors à la volonté de combat des manifestants? A leur manière, en faisant plier les banderoles de la CGT et de la CFDT, en essayant de disperser les manifestants. (...)

 

500 étudiants et travailleurs, au coude à coude, ont (...) affirmé leur volonté de combat en se dirigeant vers la Préfecture, en descendant la rue de la Liberté et la rue des Forges, aux cris de « Université aux travailleurs, A bas les Ordonnances, Unité d'Action! ». (...)

 

Les dirigeants de l'UEC ont choisi. Dans la lutte, les masques tombent : pour les grèves tournantes démobilisatrices, contre le front unique garant de la victoire ; avec les bureaucrates, contre les manifestants. Aux militants de cette organisation de réfléchir et de choisir.

 

Approuvent-ils le propos d'un des responsables de la CGT, militant du PCF: «  Qu'ils aillent donc se faire casser la gueule » ( à propos des manifestants qui se dirigeaient vers la Préfecture)? Approuvent-ils, avec les propos calomnieux de L'Humanité, l'attitude stalinienne d'un responsable de l'UEC envers les militants révolutionnaires: « Quand vous serez à l'hosto, nous serons enfin tranquilles »? Il faut répondre à ces questions.

 

Contre l'aventure! Pour la Grève générale!

 

Il importait que la manifestation soit un succès. A 100m de la Préfecture, des cris: attention! Les flics et les CRS sont en force aux alentours de la Préfecture: en aucun cas, il ne fallait prendre le risque d'aller au massacre. Les manifestants l'ont compris, comme ils ont compris qu'il fallait poursuivre et élargir la lutte: A bas les actions d'avertissement sans portée! L'aventure, ce sont les grèves tournantes démoralisatrices! En avant vers la grève générale! (...)

 

Les jeunes révolutionnaires regroupés autour du journal Révoltes  ont pu imposer la marche vers la préfecture qui répondait à la volonté de lutte des manifestants, en empêchant l'aventure dans l'affrontement avec les CRS, le rapport de forces n'étant pas favorable.

 

C'est avec des forces intactes, riches d'une expérience, sachant à quoi s'en tenir sur les bureaucrates, que la préparation de la grève générale et de la manifestation centrale peut se faire. (...)[25]

 

 

                 Commémoration de la Révolution de 1917 en novembre 1967

 

     En novembre 67, l'OCI et les groupes « Révoltes » ont engagé, à l'échelle nationale, une campagne pour la commémoration de la Révolution d'Octobre 1917, avec des meetings à Paris et en province. A Dijon, le meeting du 17 novembre réunira 85 personnes.

 

     Le tract  préparant le meeting du 17 novembre déclare:

 

Il y a 50 ans, l'alliance des paysans pauvres et du prolétariat russe jetait à bas l'immonde pouvoir tsariste. (...)

Il y a 50 ans, un « groupuscule », le parti bolchevique, à la « théorie sectaire », le marxisme, jetant à bas les bavardages sur le passage par les voies parlementaires au socialisme, ouvrait à l'humanité tout entière le chemin de son émancipation! (...)

Le capitalisme ne produit que misère, chômage et barbarie. (...)

Il faut combattre!

En Indonésie, 500 000 communistes ont été massacrés!

Au Vietnam, les bombes, tous les jours un peu plus, écrasent la révolution!

En Grèce, la bourgeoisie se montre sous son véritable jour : la dictature! (...)

Commémorer la grande révolution bolchévique, c'est construire dans chaque pays l'Organisation Révolutionnaire de la Jeunesse!

800 jeunes de 13 pays, réunis cet été en Angleterre, reprenant l'enseignement des bolcheviques, ont affirmé: l'ennemi est dans notre propre pays! (...)[26]

 

                                                        Janvier 68

 

     Concernant l'intervention en milieu étudiant, un rapport interne à l'OCI note:

 

 Le milieu étudiant est le seul où, pour l'instant, nous avons un certain « poids ». Il faut bannir désormais toute tendance à l'activisme dans ce secteur, et réorienter notre travail en fonction d'une implantation réelle dans les amphis. La mobilisation des étudiants passe par un travail de propagande et d'organisation dans chaque amphi (comités d'amphi). (…)

 

Désormais, l'objectif qui doit être le nôtre dans le secteur étudiant, c'est la prise de l'AGED avant le congrès de l'UNEF, en raison de la base et des possibilités qui sont les nôtres dans ce secteur, et en raison des conséquences politiques sur les plans local et national qu'aurait ce fait.

 

La prise de l'AGED ne doit – en ce qui nous concerne – nullement résulter d'une manoeuvre ou d'un coup d'Etat en AG, mais d'un travail militant au sein de chaque amphi des 3 Facs.[27]

 

      En janvier, sort un nouveau n° de  Dijon-Lettres, journal de la Corporation des Etudiants en Lettres . L'article sur « La leçon de Nanterre. Les étudiants de Nanterre ont raison » dit notamment:

 

(...) La Corpo de lettres affirme qu'il est urgent de briser l'isolement des secteurs en lutte, que la radicalisation de ces luttes nécessite un élargissement du front, dépassant le cadre étudiant: élargissement que traduit la perspective d'une conférence nationale de la jeunesse contre le chômage, la déqualification et la déchéance. (…)

 

Déjà les étudiants de Nanterre, en grève pendant huit jours, se sont prononcés pour une telle conférence préparée par des comités d'amphis et chargée d'élaborer une charte de défense des étudiants. (…)

 

Pourquoi alors le B.N. n'a-t-il pas repris l'appel de Nanterre sur la conférence nationale de la jeunesse? (…)

 

Pourquoi le B.N. ne s'adresse-t-il pas publiquement aux centrales syndicales ouvrières et enseignantes pour l'organisation de la Manifestation Centrale devant le Ministère du Travail, définie par le Congrès de Lyon?

 

La réponse, on la trouve dans le rapport du B.N.: « nous ne croyons pas à l'instauration d'une sélection brutale » (p.9) – curieuse similitude avec les paroles de l'an dernier du même B.N., sur la « réformette » et l' « amuse-gueule » qu'aurait été le Plan Fouchet! (…)

 

L'UNEF doit retrouver le sens de la responsabilité. Notre organisation peut et doit jouer un grand rôle dans la lutte pour la défense de la Jeunesse (....).[28]

 

      Un CEM (Cercle d' Etudes Marxistes) - créé à l'initiative de l'OCI – se tient le 26 janvier sur le thème : Marxisme et Existentialisme, avec une introduction de Guy Jouvet ; il réunit 50 participants.

 

                                             Février – mars 1966

 

     A partir de la fin février, se développe, à l'échelle nationale, un mouvement dans les cités universitaires pour la « liberté de circulation ». A Dijon comme ailleurs, il ne cessera de prendre de l'ampleur durant les semaines qui vont suivre et il constitue l'un des préludes à l'explosion de mai. Les militants du CLER en seront partie prenante.

 

      Le 27, une réunion est organisée par l'AERUD[29] pour la constitution d'un comité de coordination et, le lendemain, se tient un meeting à l'appel de l'AERUD et de l'AGED (20h30, Fac de Sciences).

 

      Par ailleurs, le groupe ''Révoltes'' et l'OCI invitent, le 6 mars, à un CEM sur « Luttes des Jeunes et Luttes des Classes » (75 participants) et appellent à une réunion, fixée au 9 mars, du « comité d'initiative pour préparer une assemblée de 3500 jeunes à Paris les 29 et 30 juin »[30]

                       

                            La manifestation du 14 mars  1968

 

      Début mars, la mobilisation étudiante s'amplifie. Dans plusieurs villes, des heurts se produisent entre étudiants et forces policières. L'UNEF et la FRUF[31] décident d'appeler à des manifestations le 14 mars. Ce jour, à Dijon, l'AGED appelle donc à manifester.

    

      Sur la préparation de cette manifestation à Dijon et sur l'engagement des militants du CLER, une note interne de l'OCI donne les précisions suivantes :

 

« La manifestation partira de la place St-Michel à 16h45 pour se diriger vers le Rectorat. La préparation repose presque uniquement sur nos épaules.

Partout où nous le pouvons, réunions d'amphi, constitution de comités de préparation.

Collage d'affiches dans les Pavillons des Cités et sur le Campus. Distribution de tracts devant les Restos et dans les Amphis.

Réunion inter-pavillons mardi soir.

Réunion lundi à 13h des responsables de l'AGED, des Corpos et de l'AERUD.

Allons imposer création d'un Collectif de préparation rassemblant, outre les responsables des sections syndicales, les délégués des comités de préparation.

Réunion de ce collectif mercredi 18h, pavillon Lamartine

Meeting étudiant mercredi 13h, amphi Proudhon, objectif : 500 personnes. Appel à la lutte et à la manifestation du 14. Appel au fric.

Appel aux autres syndicats pour participation à la manif.[32]

 

      Sur le déroulement de la manifestation, une autre note précise:

 

 500 participants environ, participation assez faible donc, mais 500 participants combatifs, constituant une réelle avant-garde combattante en milieu étudiant. Les militants du CLER ont été les organisateurs de cette manifestation. Ils ont été les seuls à la préparer. Et c'était eux qui l'encadraient.

Devant le Rectorat, nous avons exercé une forte pression, sans courir l'aventure. Les manifestants désiraient rentrer dans le Rectorat, mais 7 cars de CRS étaient juste derrière.

En sachant par contre maintenir le portail ouvert, malgré la pression des responsables du SGEN et du SNES, et malgré l'intervention des concierges, nous avons obligé, en maintenant la menace, le Recteur à recevoir la délégation – d'abord rejetée.

Les manifestants, tant pendant le défilé dans la rue de St-Michel jusqu' au rectorat par la rue Bossuet que devant le rectorat, ont repris nos mots d'ordre ( Non au Plan Fouchet! Non au Ve Plan! Ve Plan-chômage! Non au régime policier! Liberté sur la campus! Etc...)

En reprenant avec vigueur, au moment de la dislocation, le slogan: « les travailleurs avec nous », les manifestants traduisaient leur volonté d'élargir la lutte et de préparer l'action générale unie.[33]

 

      Après la manifestation, la Corpo Lettres écrit: 

 

(...) Au rectorat, les délégués syndicaux ont été reçus par le Recteur: celui-ci, avouant son impuissance, n'a pu donner les garanties que demandaient les étudiants au sujet des débouchés (...).

Il nous faut obtenir des garanties pour notre avenir. Pour cela, ce n'est pas à 500 qu'il faut manifester. Ce n'est qu'en organisant une manifestation unitaire avec tous les secteurs de la jeunesse et avec les travailleurs, regroupant des milliers et des milliers de personnes que nous obtiendrons l'abolition des mesures gouvernementales concernant l'enseignement et la santé.

Prendre contact avec toutes les organisations syndicales pour leur proposer de préparer dans l'unité un combat d'ensemble, telle est la tâche aujourd'hui des militants responsables de notre syndicat. (...)[34]

 

      Le 15 mars, se tient une Assemblée Générale de  l'AGED. Une note interne dit:

 

Nous avons repris la motion adoptée à l'unanimité à une AG de novembre sur la nécessité d'une action générale unie.

Nous n'avons pas réussi à faire adopter les motions que nous avons présentées. Bloc contre nous. Et même attaque violente d'un dirigeant de l'UEC qui a clairement déclaré que les trotskystes devaient être rejetés du mouvement ouvrier.

A cette AG, ne participaient pas seulement des délégués, mais aussi des militants. Et le débat nous a permis de marquer des points à cet égard[35].

 

                L' Assemblée de l'UNEF du 17 mars à Colombes et ses suites.

 

      Le 17 mars, le BN de l'UNEF a convoqué une Assemblée Générale de l'UNEF à Colombes. Dans un contexte national marqué par de fortes luttes ouvrières et par l'essor du mouvement étudiant, cette Assemblée revêt une importance particulière : l'UNEF comme syndicat jouera-t-elle pleinement son rôle pour l'intensification et la centralisation de la mobilisation contre le Plan Fouchet. Le Bureau national de l'UNEF tergiverse et s'oppose à la préparation d'une « manifestation centrale » proposée par plusieurs AG dirigées par des militants du CLER.

 

      Cette AG de Colombes ( qui a été et  qui demeure l'objet de vives contreverses)  témoigne en tout cas des fortes tensions existant au sein de l'UNEF au sujet des responsabilités que ce syndicat doit assumer. On se limitera ici au communiqué de presse du Bureau de la Corpo Lettres du 20 mars:

 

Considérant qu' aujourd'hui, en raison des attaques sans cesse plus fortes du gouvernement contre les étudiants (« il y a trop d'étudiants », a déclaré M. Peyrefitte), il est nécessaire de réaliser au sein de l'UNEF – au-delà des tendances et des courants de penssée – l'unité de tous les militants et adhérents pour la défense des étudiants et pour la défense de l'UNEF,

 

Considérant que des militants de l'UNEF, en raison de leur appartenance politique, sont l'objet d'une campagne d'une rare intensité de la part du Bureau National de l'UNEF sur le plan national, de la part du bureau de l'AGED sur le plan local,

 

Considérant que ces militants de l'UNEF sont ceux-là mêmes qui luttent pour la défense de l'UNEF et pour la défense des étudiants et de leurs acquis (MNEF, IPES[36], ...),

 

Considérant que c'est sur leur initiative que le 56e congrès de l'UNEF a décidé à l'unanimité, toutes tendances réunies, de proposer aux syndicats ouvriers une manifestation devant le Ministère du Travail,

 

Considérant que, lors de la dernière Assemblée Générale de l'UNEF du 17 mars, ( où le bureau de la Corpo avait délégué quatre de ses membres), le B.N. les a empêchés de rentrer pour, soi-disant, se défendre, a convoqué, sans être ensuite capable de le contrôler, le service d'ordre central du PCF qui, armé de barres de fer, a exercé une pression inadmissible sur cette AG,

 

Considérant que « le BN a failli à sa mission qui est de préserver l'indépendance du syndicat à l'égard des partis politiques et de l'Etat, en acceptant de continuer la séance dans ces conditions »

 (communiqué des Associations de Besançon, Clermont, Nanterre, Reims, Sorbonne-Lettres, qui ont quitté cette AG),

 

Considérant que le texte adopté par les délégués des Associations qui ont accepté de sanctionner l'attitude du BN, déclare entre autres phrases: «  Nous appelons démagogie poujadiste la mise en avant de thèmes comme défense des acquis des étudiants, même si elle est fortement teintée d'ouvriérisme »,

 

Considérant que le bureau de l'AGED, après avoir annulé une conférence-débat sur la Sécurité Sociale adoptée en Assemblée Générale, après avoir accepté à l'AG de l'AGED du 15 mars des propos appelant ouvertement à l'exclusion des militants révolutionnaires trotskystes du mouvement syndical, cautionne les paroles de son secrétaire général, se prononçant délibérement pour l'exclusion de l'UNEF d'un membre du bureau de la Corpo de Lettres sans autre justification que son appartenance à un courant politique,

 

le Bureau de la Corporation des Etudiants en Lettres (AGED-UNEF)

 

souligne le lien qui existe entre la campagne appelant ouvertement à la répression contre des militants de l'UNEF et le refus du BN et du bureau de l'AGED d'élargir les luttes après le 14 mars, comme le veulent les étudiants (« les travailleurs avec nous », ont scandé les manifestants du 14 lars à Dijon),

 

condamne les méthodes utilisées à l'égard des militants de notre syndicat, ainsi que la campagne du BN de l'UNEF d'une part, du PSU et du PCF d'autre part, reprenant, contre les mêmes militants et dans les mêmes termes,  les attaques de la FNEF[37] dans un des premiers numéros de son journal dijonnais, campagne qui ne peut qu'affaiblir le syndicat,

 

déclare que tout militant luttant pour la défense des jeunes et des travailleurs – quelles que soient ses opinions politiques – a droit de cité dans le mouvement syndical,

 

déclare que l'UNEF ne doit pas être le champ clos de manoeuvres politiques, mais doit, dans l'indépendance totale des partis politiques et de l'Etat, être l'organisation de défense et de combat des étudiants,

 

appelle les militants de toutes tendances à s'unir pour la défense de l'UNEF, malgré la campagne qui vise à l'éclatement du syndicat, à se constituer en comités de préparation à la lutte, et à lever les fonds nécessaires pour l'organisation du combat.

                                                                                    Le Bureau.[38]

 

      Le 21 mars, le CLER et le groupe « Révoltes » de Dijon sortent un appel pour un meeting étudiant lundi 25 mars, à 20h30, au Pavillon Lamartine. Ce tract titré « Unité malgré tout » déclare notamment:

 

Les attaques du gouvernement contre les étudiants se multiplient!

 

L'unité, au-delà des tendances et des courants politiques, de tous les militants pour la défense de l'UNEF et plour la défense des étudiants est plus que jamais nécessaire.

Que fait le BN de l'UNEF?

Que font le PSU et le PCF?

 

Calomnies et appels à la violence.

 

Tract distribué par l'UEC à la veille des élections à la MNEF  : « Des individus du CLER, groupuscule où se trouve un ramassis d'aventuriers, d'aigris, qui se signalent à la faculté par leurs vociférations irresponsables, leur violence, les voies de faits (...) »

Circulaire du Président de l'AGED aux militants de l'AGED : Les sections d'assaut du CLER (...) dont on sait les méthodes fascistes voulaient empêcher que tienne l'AG de l'UNEF ».

Humanité du 19/3/68 : « Les trotskystes du CLER ont rassemblé plusieurs dizaines de membres de leurs   troupes d'assaut devant le local de la réunion » (...)

Humanité du 20/3/68 : « Nombreux? Sûrement pas. Mais bruyants, tapageurs (...). Révolutionnaires en paroles, le trotskysme se range en fait au côté des exploiteurs (...) »

Appel aux étudiants voté par les délégués de l'AGED à l'AG de l'UNEF du 17 mars : « Nous appelons démagogie poujadiste la mise en avant de thèmes comme « défense des acquis des étudiants », même si elle est fortement teintée d'ouvriérisme (...) »

 

 Pourquoi cette campagne de calomnies?

 

(...) Parce que les dirigeants du PCF ne veulent pas que les étudiants se mobilisent contre les plans du pouvoir, ils ne reculent devant aucune méhode pour « combattre avec fermeté » les révolutionnaires qui sont à la pointe du combat. Au moment où les étudiants, conscients que leurs problèmes particuliers ne peuvent trouver de solution que dans la liaison avec la classe ouvrière et relient leurs luttes à celles des travailleurs, l'appareil stalinien du PCF se doit de contrôler le syndicat des étudiants. Par tous les moyens. Telle est la signification de l'appel à la violence contre les militants du CLER.

 

Construire l'unité pour l'action.

Nous appelons les militants de toutes tendances, organisés et non organisés, qui, malgré le terrorisme diviseur, luttent pour défendre les étudiants à se constituer en comité de préparation à la lutte, à se fédérer, à lever les fonds nécessaires au combat; (...)

Contre la déqualification et le chômage, luttons pour préparer, pour imposer le Front Unique des organisations politiques et syndicales,

meeting étudiant, lundi 25 mars[39]

 

      

                   Mobilisation des résidents en Cité universitaire

 

      Mercredi 20/ Jeudi 21 mars : action chez les résidents en Cité Universitaire. Un rapport interne la décrit ainsi:

 

En bref: mobilisation par l'AERUD en pleine nuit de 300 manifestants pour invasion des pavillons de filles – suite à mesures répressives de l'administration (dans la nuit de mercredi à jeudi).

Distribution d'un tract pendant la nuit.

Le lendemain, jeudi 21: rassemblement devant les bureaux de la Cité pour obtenir des garanties. Invasion des bureaux du directeur de la Cité.

A souligner que, là encore, le CLER a dirigé la lutte – et que les responsables de l'AGED ont tenté d'empêcher l'invasion des bureaux (sans succès).

Articles dans la presse locale – et même dans Le Monde.[40]

 

         1er et 2 avril : combat pour la solidarité avec les étudiants de Nanterre.

 

      Le 1er avril,  les responsables de la Corpo Lettres demandent au bureau de l'AGED d'appeler à un meeting dès le 2 pour affirmer  la solidarité des étudiants de Dijon  avec les étudiants de Nanterre, pour développer l'action contre le Plan Fouchet et contre les mesures policières.[41]

 

       Les principales péripéties résultant des tensions au sein de l'AGED-UEF au sujet de la solidarité avec les étudiants de Nanterre sont ainsi présentées dans une note interne au CLER :

 

La Corpo de Lettres avait décidé d'organiser une conférence-débat profs-étudiants sur la formation professionnelle, les débouchés et les moyens d'action le 2 avril. Après le lock-out de Nanterre, nous avons proposé à l'AGED de transformer cette réunion en meeting de soutien aux étudiants de Nanterre, contre les mesures policières. Nous avons aussi présenté à l'AGED un tract pour appeler à cette réunion.

 

Le nouveau président d'AG a refusé d'organiser la solidarité avec les étudiants de Nanterre, sous prétexte qu'il n'avait pas assez d'informations et  qu'il semblait - d'après son peu d'informations – que les dits étudiants avaient provoqué de la « casse » et qu'il était contre de tels actes de « vandalisme ».

 

Au lieu d'organiser la solidarité avec les étudiants de Nanterre frappés par la répression policière, le président de l'AGED a convoqué le mardi 2 avril une conférence de presse - à laquelle participait le SNES, le SGEN, et que soutenait la FGDS et le PCF - , sur la secondarisation du premier cycle de l'enseignement supérieur et « les problèmes de l'enseignement ».

 

(...) Après avoir refusé de soutenir les étudiants de Nanterre - malgré la pression des camarades du CLER et du Comité d'initiative étudiant qui, pendant près de 2h. ont mis le siège au bureau de l'AGED pour obtenir satisfaction – le PSU a été plus loin encore, se prononçant ouvertement, au cours de la conférence [de presse] du 2 avril pour le matraquage de ces étudiants enragés et irresponsables qui cassaient les meubles.[42]

 

     Le lundi 22 avril, l' Assemblée générale du CLER / Dijon adopte une résolution disant notamment:

 

(...) L'entrée dans la lutte des étudiants à l'avant-garde de la jeunesse brise le cadre de la coexistence pacifique et met à l'ordre du jour le problème de la construction de la direction révolutionnaire de la classe ouvrière et de la jeunesse. (…)

 

L'Assemblée (..) s'associe à l'initiative de l'assemblée parisienne du CLER qui a décidé de convoquer pour les 27 et 28 avril à Paris une Assemblée nationale constitutive de la Fédérations des Etudiants Révolutionnaires. (...)[43]

                                                

 

     Le 27 avril, est édité, à l'initiative du groupe « Révoltes »,  un appel de « jeunes travailleurs de toutes tendances, syndiqués et non syndiqués, réunis en comité d'initiative pour une manifestation centrale de la jeunesse » pour  « participer à l'Assemblée ouvrière du 1er mai, à 15h, au Pavillon Lamartine, au campus universitaire »[44]  

                          

                                       La FER en  Mai - Juin 1968 à Dijon

 

                                                                     « FER en enfer », tel fut le slogan du groupe

                                                                      ''Occident''  écrit sur des murs dijonnais[45]...

 

Suite à la proclamation de la FER à Paris le 28 avril, se constitue, dans la continuité du CLER, un comité dijonnais de la FER qui diffusera, à partir du 29 avril, le manifeste national déclarant notamment :

 

Nous appelons tous les étudiants à rejoindre la FER pour lutter

                         -   contre la sélection

                         -   contre l'élimination massive des étudiants de la Faculté

                         -   contre le contrôle policier à l'université

                         -   contre les mouvements dispersés,

                                                                démoralisateurs et sans  lendemain

                         -   contre les grèves tournantes

                         -   pour la manifestation centrale et unie

                                                                des jeunes travailleurs et étudiants

 

 

      Le 4 mai, la FER et le groupe « Révoltes » publient un tract ayant pour titre: « La répression est engagée ».

 

Hier, vendredi 3 mai, la police a frappé sauvagement les étudiants du Quartier Latin: matraquages violents et sanglants, Arrestations nombreuses.

 

Les cercles de Dijon de la FER approuvent et soutiennent l'initiative du bureau de l'AGED:

tous au meeting aujourd'hui à 13h devant le Restau U. Montmuzard

pour affirmer notre solidarité avec les étudiants de Paris en lutte. (....)

 

Le BN de l'UNEF doit reprendre le mot d'ordre du SNESup: grève générale de tous les étudiants et de tous les professeurs, dès lundi 6.

 

Localement, le Bureau de l'AGED doit appeler toutes les organisations syndicales et toutes les organisations politiques se réclamant de la classe ouvrière à tenir en commun un grand meeting pour la défense des libertés démocratiques (...)[46]

 

      Le 5 mai, la FER et ''Révoltes'' sortent  un autre tract :

 

Pour la première fois depuis 1940, un Recteur a osé appeler la police à l'intérieur de l'Université. (...) Les franchises universitaires sont partie intégrante des libertés démocratiques et ouvrières.

(..) Nos libertés sont les vôtres.

Le combat des étudiants est votre combat.

Dans l'unité, étudiants, professeurs, travailleurs, parents d 'élèves, jeunes, toutes organisations réunies, peuvent faire reculer le gouvernement.

Nous, étudiants de la FER, approuvons et soutenons totalement l'initiative de notre organisation syndicale, l'UNEF:

Grève générale des étudiants et des enseignants dès le lundi 6 mai.

Manifestation de tous les jeunes et de tous les travailleurs à Dijon Place Wilson à 18h30.

(...)

Tous au meeting de la FER mercredi 15 mai, à 20h30, Palais des Congrès.[47]

 

      Le 6 mai, à l'appel de l'AGED, meeting au campus et défilé en ville. Des piquets de grève sont mis en place devant les facultés de sciences et de lettres.

 

      La Fédération de Côte-d'Or du Parti communiste déclare dans un communiqué qu'elle « n'apportera en aucun cas et sous quelque forme que ce soit, un appui aux agissements des groupuscules d'étudiants, dont les formes d'action visent à empêcher le fonctionnement normal des facultés. (...) »[48]

 

      Le 7 mai, un nouveau tract de la FER titre : « Solidarité avec les militants étudiants emprisonnés et condamnés » et déclare notamment:

 

« Ceux qui disent qu'il s'agit d'une poignée d' « enragés » mentent. Les étudiants en lutte, c'est toute une partie de la jeunesse qui, avec un courage exemplaire, défend le droit à un avenir décent. Ce combat préfigure ceux que tous les jeunes et tous les travailleurs devront engager s'ils ne veulent pas faire les frais de la crise qui secoue l'économie capitaliste.

 

(...) Il faut réaliser l'Unité d'action. Il faut frapper ensemble.

Les directions des syndicats ouvriers ne peuvent pas rester muets plus longtemps.

Nous demandons à tous les étudiants, à tous les jeunes, à tous les travailleurs d'exiger de leurs responsables syndicaux l'organisation de la Manifestation centrale unitaire des travailleurs, jeunes et étudiants jeudi 9 mai, à 18h30, devant la Préfecture. (...)[49]

 

      Du jeudi 9 mai au lundi 13 mai : on se limitera ici à la citation de la chronologie établie par Le Bien Public (faute de documents dans mes archives personnelles) :

 

Jeudi 9 mai : Un très grand cortège unissant étudiants, professeurs et syndicalistes traverse la ville pour se rendre à la Bourse du Travail. (...) Prise de parole à l'issue de la manifestation par Michel Guyot pour le SNESup et JL Charvolin pour l'UNEF.

 

Samedi 11 mai : Après la nuit des barricades au quartier Latin, nouvelle manifestation à Dijon sous la pluie. Plusieurs milliers de personnes participent au défilé parti du campus. Les UD CGT, CFDT et FO appellent à une grève de 24 h pour lundi 13 mai.  

 

            Lundi 13 mai : Grève générale. Très importante manifestation dans les rues de Dijon:

            7 à 8000  personnes défilent pendant 2h30 à l'appel de l'UNEF, CGT, CFDT, FO,FEN,

            SNESup, SGEN, PCF, PSU, FGDS, SNI, FCPE. On n'avait jamais vu « ça » à Dijon. (…)

 

Deux incidents (mineurs) au cours du défilé, l'un rue Pasteur et l'autre rue du Pont des Tanneries et pour le même motif d'ailleurs: le drapeau rouge hissé par les étudiants trotkistes de la FER qui devait être arraché et déchiré. (…)

 

      Sur ces ''incidents mineurs », voici le témoignage, à chaud, d'une militante de la FER :

 

Nous avons levé une 1ère fois un gigantesque drapeau alors que la manif avait fait 500 m. Aussitôt, ruée des staliniens qui l'ont brisé, déchiré et qui ont généreusement distribué coups de poing et injures. Nous avons réussi à nous remettre dans le rang.

 

Quelque 50 m plus loin, nous levons un second drapeau rouge après avoir regroupé autour tous nos militants étudiants, travailleurs, lycéens. A nouveau, le service d'ordre de la CGT, du PC et de l'AGED-UNEF se ruent sur nous. Ils brisent la hampe, mais nous sauvons le drapeau, et, cette fois, nous l'imposons pour le reste du parcours. (...)

Pour nous, militants révolutionnaires, ce fut une victoire, même si nous n'avons pas pu imposer aux directions syndicales d'aller à la préfecture.

 

C'était la 4e fois que nous descendions dans la rue depuis le début des évènements. Il y avait des milliers de manifestants dont la majorité, j'en suis sûre, était décidée à aller jusqu'au bout. Nous nous sommes battus à mort la veille et même jusqu'au matin dans une assemblée extraordinaire de l'AGED pour expliquer que la manif avait un sens seulement si nous allions demander des comptes à la préfecture. [50]

 

      Dans un rapport un peu postérieur, écrit en octobre, on peut lire :

 

Mai-Juin, ce fut un moment expérimental, et il n'y a pas de meilleur baromètre. Véritable loupe pour analyser les qualités et défauts (…) . Nous n'avons pas su éviter le danger mortel qu'est la tendance à se dissoudre dans le mouvement. Tendance à vouloir être et courir partout. D'où une grande dispersion, une mauvaise coordination, une absence de centralisation. Mais, malgré tout, malgré la coupure avec la direction [nationale], se sont révélées des capacités pour redresser une situation, pour prendre des initiatives, pour organiser des interventions dont l'impact fut certain ( par ex., pendant les manifestations de Mai, regroupement par le groupe de Jeunes Révolutionnaires et la FER de 250 militants environ pour défendre contre le SO des staliniens (et du PSU!) le drapeau rouge que nous brandissions).[51]

 

     Le mercredi 15 mai, se tient le meeting de la FER et du groupe ''Révoltes'', salle des conférences, au Palais des Congrès. Une seule banderole: « pour l'unité combattante des étudiants, jeunes et travailleurs ». 170 participants[52]. Ce meeting connaît donc un certain succès. (Mais, dans ma documentation, ne figure aucun compte rendu...)

 

     Assurément les militants de la FER, du groupe ''Révoltes'' et de l'OCI se sont, en mai-juin, ''démenés en tous sens comme de beaux diables'', avant tout sur l'axe du maintien de l'unité de la grève générale pour faire échec au pouvoir gaulliste. Mais concernant les activités à Dijon, faute d'avoir pris des notes et d'avoir collecté tracts et publications  dans cette période très mouvementée de la mi-mai à la mi-juin, je ne dispose que de fort peu de documents. (Recherche historique à entreprendre...)

 

      Le 11 juin, l'OCI et la FER édite un tract[53] pour appeler à un meeting le 15 juin à Dijon qui déclare :

 

Un ouvrier de chez Peugeot a été tué par balle à Montbéliard !

Après Renault-Flins, le gouvernement envoie partout ses CRS contre les ouvriers et les étudiants en lutte.

 

Hier, c'était à Flins, aujourd'hui à Sochaux.

Demain, ce sera partout et à Dijon.

 

Le gouvernement veut écraser physiquement, dans le sang, les derniers secteurs en lutte, les secteurs les plus combatifs.

 

Laisserons-nous seuls les métallos et les étudiants, face à l'Etat policier ?

Il faut briser l'isolement.

 

Les directions actuelles de la classe ouvrière doivent choisir :

                  -  ou faire le jeu de De Gaulle, en se situant entièrement sur le terrain électoral pour chercher l'alliance de politiciens bourgeois tels que les Mitterrand, Mendès, Deferre, Gaillard qui ont utilisé naguère les CRS contre les travailleurs

                  -  ou défendre la classe ouvrière en réalisant l' unité d'action par la Grève générale.

 

L'Humanité du 10 juin a publié un communiqué du Bureau confédéral de la CGT où on peut lire :

« Tout appel à la reprise de la grève générale, qui n'a dans les circonstances présentes aucune justification, doit être considéré comme une provocation dangereuse ne pouvant servir que les ennemis de la classe ouvrière et de la démocratie »

 

C'est un scandale ! C'est une trahison !

 

Est-ce une ''provocation dangereuse'' que de refuser l'isolement, puis l'écrasement des métallos et dfes étudiants,

 

Le 13 mai, 1 million de travailleurs à Paris, 15 000 à Dijon ; les CRS n'ont pas bougé.

 

Travailleurs !

Il faut reconstituer le Front Uni de la classe ouvrière.

Seule la riposte unie de la classe ouvrière peut faire reculer le gouvernement.

 

Pour la grève générale de tous les travailleurs et pour de grandes manifstations unitaires jusqu'à la satisfaction complète des revendications (les 40 h., la garantie de l'emploi, l'échelle mobile des salaires, l'abrogation des ordonnances [sur la SS],

les Unions Départementales doivent immédiatement préparer une grande manifestation à Dijon : 20 000 travailleurs dans la rue, devant la préfecture.

 

Pour le renforcement et l'unité des syndicats,

Pour le changement des directions actuelles qui laissent seuls les métallos et qui condamnent les étudiants,

Pour le Front unique ouvrier,

Pour la constitution de groupes d'unité pour un parti ouvrier qui lutte pour le socialisme,

 

Tous au meeting ….

 

       Le 12 juin, à un moment où l'entreprise de dislocation de la grève générale arrive presque à ses fins, je me rends, avec d'autres militants, devant l'usine Peugeot qui était encore en grève jusqu'à ce jour, et j'y interviens en tant que président de la Corpo Lettres de l'UNEF. Je n'ai pas de traces sur le contenu de cette intervention. Mais il reste une copie de la lettre ouverte adressée à ce sujet  au Bien Public et aux Dépêches.[54]                   

 

Messieurs les Rédacteurs en Chef,

 

     Une nouvelle fois, au lieu de rapporter, sinon avec objectivité, du moins avec honnêteté, l'information, vos « spécialistes » des questions universitaires et sociales n'ont pu s'empêcher de déformer les faits pour satisfaire leurs préjugés politiques.

 

     Je me sens donc obligé de vous envoyer une rapide mise au point au sujet de mon intervention du mercredi 12 juin devant l'usine Peugeot.

 

     1/ J'ai jugé qu'il était de mon devoir d'intervenir après le discours du camarade Peretti: les circonstances exigent de la part de tous les responsables syndicaux une prise de position nette et ferme; face aux mesures policières prises par le gouvernement de De Gaulle interdisant toutes les organisations se réclamant du trotskysme ou du maoïsme, il faut réagir, car il ne s'agit pas seulement du sort des révolutionnaires, mais du sort de toute la classe ouvrière, comme l'a souligné le camade Peretti. Demain toutes les organisations et tous les militants de la classe ouvrière seront frappés si, dès maintenant, n'est pas organisée la riposte pour la défense des libertés démocratiques, c'est-à-dire la grève générale illimitée jusqu'à la levée de l'interdiction des organisations révolutionnaires.

 

     2/ J'estime de plus que c'était aussi mon droit. Je pense en effet qu'il faut renouer avec les méthodes de la démocratie ouvrière, en finir avec la pratique systématique des meetings sans débat, pour organiser des meetings démocratiques où, dans une discussion fraternelle, mais sans détour, tous les avis peuvent être émis

 

      3/ Je tiens à vous faire remarquer que, contrairement aux affirmations de vos journalistes, j'ai pu intervenir; je vous précise aussi que j'ai été écouté et applaudi par la majorité de l'assistance. Il est vrai que quelques travailleurs, responsables de la CGT, ont voulu m'empêcher d'intervenir, mais en aucun cas « la plupart des ouvriers »: preuve en est que le camarade Chapotet, secrétaire de l'UL-CGT, quand il a voulu condamner mon intervention, n'a pas été approuvé par la grande majorité des participants, puisqu'il fut hué.

 

       Au contraire, nombreux ont été les travailleurs de chez Peugeot (malgré l'empressement de leurs responsables à les faire rentrer dans l'usine) et d'ailleurs à dire qu'ils étaient scandalisés par le fait qu'on ait voulu m'empêcher de parler et qu'ils étaient d'accord avec les perspectives de lutte dans l'Unité d'Action proposées aux U.D. par la Corpo de Lettres.

 

     4/ Il est faux de dire que « les étudiants se sont attaqués aux centrales syndicales ». Le Bureau de la Corpo de Lettres a été élu sur un texte d'orientation qui affirme clairement qu'il est nécessaire de défendre les syndicats ( ce qui n'est absolument pas contradictoire avec la critique de l'attitude ou des propositions de tel ou tel syndicat ). Renforcer et unir tous les syndicats, telle est la tâche première de tout militant. Nous pensons même qu'aujourd'hui se pose avec acuité le problème de la réunification syndicale.

 

     5/ La Corpo de Lettres continuera à oeuvrer, comme elle l'a fait durant toute cette année, à la réalisation de l'unité combattante des travailleurs et des étudiants, de l'unité d'action de l'UNEF et de tous les travailleurs, à la construction du Front Unique Ouvrier.

 

     6/ A une époque où toute une campagne de mensonges et calomnies est organisée pour salir (et détruire) la Corpo en particulier et l'UNEF en général, j'espère que vous tiendrez personnellement à rétablir la vérité pour informer comme il convient vos lecteurs par la publication de cette mise au point.

 

     Recevez, Messieurs les Rédecteurs en Chef, mes salutations distinguées.

 

                                      Le Président de la Corporation des Etudiants en Lettres,

 

                                                                                             Alain Chicouard                                        

 

      Le 12 juin, la FER et l'OCI, ainsi que 10 autres organisations, sont dissoutes par le gouvernement. Le meeting convoqué le 15 juin est donc annulé.

 

      Le 14 juin, la Corpo Lettres – UNEF lance un appel pour une réunion le 17 juin, qui déclare notamment :

 

[….] Après avoir fait assassiner par ses CRS deux ouvriers de chez Peugeot et un lycéen à Moulan, De Gaulle, avec ses ministres, a décidé mercredi 12 juin d'interdire toutes les organisations se réclamant du trotskisme et de maoïsme – ainsi que toute manifestation . […]

Face aux mesures policières du gouvernement, une riposte immédiate est nécessaire. […]

 

C'est pourquoi la Corpo Lettres prend l'initiative d'appeler tous les militants, toutes les sections syndicales et toutes les UD, toutes les organisations politiques et démocratiques, d'accord pour défendre la classe ouvrière face aux mesures du gouvernement, d'accord pour coordonner l'action de toutes les organisations pour la défense des libertés démocratiques, à participer à une réunion pour discuter démocratiquement de ce qu'il faut faire lundi 17 juin, à 18h30, à la Faculté fes Lettres.[55]

 

      Pas de notes sur la tenue de cette réunion, sur les participants, sur les décisions.

 

      Le 16 juin, j'ai écrit une lettre[56] que je reproduis ci-dessous comme document, car elle dresse sur le champ un premier bilan des combats menés en mai-juin :

 

Dimanche soir.

 

[....] Nous parlerons (...) de la décision de De Gaulle d'interdire toutes les organisations se réclamant du trotskysme et du maoïsme – et aussi de l'attitude dans cette affaire des staliniens.

 

Certes, il n'y avait pas la moindre illusion à se faire sur la position que prendrait le PCF qui a montré une nouvelle fois dans cette période qu'il était un allié sûr pour la bourgeoisie, qu'il était le soutien le plus efficace à De Gaulle.

 

Mais on aurait pu s'attendre au silence, ou au moins à une mise en sourdine contre les « groupuscules ». Non, la campagne de calomnies continue, et de plus belle!

 

Au lendemain de l'interdiction, l'Huma du jeudi 13 [juin] publiait un discours de W. Rochet où on lisait: « les groupuscules ultra-gauchistes font le jeu du pouvoir gaullliste ».

 

Aujourd'hui, après l'arrestation d'une vingtaine de dirigeants ou militants des organisations dissoutes (je n'ai pas de précision à ce sujet), le même W. Rochet a fait une tirade sur ce thème à Montreuil (citée à la radio).

 

Quotidiennement, dans l'Huma, on peut lire les appels à « l'ordre social pour que les élections se déroulent normalement ». C'est un écho fidèle aux demandes répétées de Pompidou. Rien de surprenant de la part de ceux qui se sont montrés les meilleurs défenseurs de l'ordre établi. (Ils le reconnaissent d'ailleurs cyniquement: nous ne sommes pas un parti de subversion, mais un parti d'ordre. Il est vrai qu'un « succès parlementaire » a ses exigences!).

 

Des milliers de militants viennent de faire l'expérience concrète du stalinisme et cherchent maintenant les moyens qui permettront la prochaine fois d'aller jusqu'au bout.

 

On a dit que nous avions vécu notre 1905. Ce fut assurément une répétition générale. C'est pourquoi il importe d'en tirer toutes les leçons dans les semaines et mois qui viennent.

 

On a vu s'écrouler en quelques jours toutes les idéologies qui voulaient nous faire croire que « la classe ouvrière n'existait plus » et que « la révolution socialiste, il fallait la laisser aux romantiques ». Une nouvelle fois, l'utopie réactionnaire des « voies pacifiques » a été réduite en cendres par la lutte des classes.

 

On a vu que 10 millions de travailleurs en grève et occupant les usines faisaient chanceler le pouvoir et pouvaient le détruire. La victoire est possible, et seul le combat paie,voilà ce qui restera dans la conscience des travailleurs.

 

Mais pour vaincre, il faut à la classe ouvrière une direction révolutionnaire. Et le pire ennemi de la révolution, c'est le PCF. Ces dernières semaines ont confirmé pleinement ces 2 points. On approfondira tout cela jeudi. [...]

                       

                                     Septembre – Novembre 1968                       

      

      En septembre-octobre 68, à l'échelle nationale et à Dijon, se constituent l'Alliance des Jeunes pour le Socialisme (AJS) et les Comités d'Alliance Ouvrière (CAO). Ainsi, le  7 septembre 1968,   se tient la réunion constitutive  du comité de coordination de l'Alliance Ouvrière de Dijon.

 

    Une  résolution y est adoptée, déclarant notamment :

 

A Dijon comme ailleurs, nombreux sont les militants qui n'ont pas compris la trahison de la grève par les dirigeants, nombreux sont ceux qui n'ont pas admis la capitulation. Ces militants aujourd'hui se posent le problème de l'organisation, de l'instrument qui a fait défaut à la victoire de la grève générale: le regroupement militant de l'avant-garde ouvrière. (...)

 

Les participants à la réunion du 7 septembre, travailleurs de la métallurgie, de la Sécurité Sociale, de l'Enseignement secondaire et technique, du Trésor, militants de la CGT, de FO, de la FEN, qui ont combattu pour imposer le front unique des travailleurs et qui luttent pour construire l'organisation militante de l'avant-garde ouvrière décident d'appeler à la constitution de Comités d'Alliance Ouvrière dans toutes les entreprises de la région dijonnaise. Ils décident d'ores et déjà de coordonner leurs activités en se regroupant en un comité de coordination composé d'un représentant de chaque Cao constitué (...) [57].

 

          [Pas de précisions sur le nombre de participants et sur la composition du comité de coordination.

           Le premier numéro imprimé d' Informations Ouvrières est vendu à 140 exemplaires, dont 80 en milieu étudiant]

 

      Le 19 novembre, un meeting étudiant pour le droit au logement est organisé, à l'initiative de la Corpo Lettres UNEF. Un rapport donne les précisions suivantres :

 

 Le meeting du 19 marquait la première étape de la campagne sur le logement lancée le 12 novembre par l'appel de la Corpo de Lettres. 250 participants environ. (...) Première réunion de cette importance depuis mai.

 

Débat important. Malgré la multiplication des tentatives du bureau de l'AGED (PSU) et du Comité d'Action (PSU-Rouge) pour couper court, puis dévier le débat, avons réussi à imposer une discussion sur la situation et la méthode de lutte, et sommes apparus comme facteur d'ordre. Face aux propositions totalement aventuristes du C.A. (descente à la gare improvisée avec sacs de couchage...), avons proposé l'organisation d'une délégation massive à l'appel des Corpos UNEF, de l'AGED et de l'AERUD chez le directeur du CROUS pour obtenir des garanties sur la construction de nouvelles cités et sur l'indemnité logement.

 

Cette proposition intégrée dans une résolution soulignant la nécessité d'organiser une manifestation à la mairie avec les UD et d'appeler les BN de l'UNEF et de la FRUF à engager une campagne nationale sur ces problèmes a été largement adoptée (environ 130 contre 70). Publiée intégralement dans la presse locale, elle a été complètement « oubliée » par le « correspondant » du Monde . (...)

 

Lundi à 18h30 : à l'appel de la Corpo Lettres, réunion de tous les responsables des Corpos, de l'AGED et de l'AERUD pour l'application de la motion adoptée le 19, et dans l'immédiat pour la préparation de la délégation massive chez le directeur du CROUS mercredi ou jeudi.

 

Jeudi soir se tient l'AG de la Corpo de Lettres. Si nous sommes capables de capitaliser tout ce travail, d'intervenir concrètement et systématiquement dans les amphis, nous devrions avoir toute chance de déjouer l'objectif central du PSU et du CA: nous reprendre la Corpo. Il est évident que c'est une étape décisive pour la prise de l'AGED. [58]

 

     A cette AG de la Corpo Lettres, les militants et sympathisants de l'AJS resteront majoritaires et garderont la direction de la Corpo. Un peu plus tard, ils deviendront aussi majoritaires au sein de l'AGED et en prendront donc la direction.

 

      Le 30 novembre 1968 : meeting AJS / AO. Le tract y appelant a pour titre :

 

                    Rien n'est réglé: plus que jamais, il faut s'organiser

                     pour imposer la résistance dans l'unité ouvrière.[59]

 

[ ni documents, ni notes sur le nombre de participants, les interventions et le déroulement de ce meeting]

 

 

                                                      °°°°°°°°°°°°°°°°°

 

                                             En guise de conclusion

 

      Le lecteur – méritant, sinon téméraire ! – qui aura lu (ou au moins parcouru …) les pages précédentes pourra légitimement les estimer trop lacunaires, et aussi trop unilatérales. D'entrée, il a été précisé qu'il ne s'agissait que d'établir, à partir de ma documentation personnelle (et donc forcément très incomplète), les principaux événements qui se sont produits à Dijon durant les années 66-68 et, en particulier, de mentionner les activités des militants du groupe Révoltes, du CLER (puis de la FER) et de l'OCI.

 

      Les textes reproduits, livrés tels que rédigés au moment même des événements, permettent-ils d'appréhender au moins quelques-uns des enjeux essentiels de cette période ? Par exemple, éclairent-ils les tensions et les conflits au sein de l'UNEF en établissant qu'il s'agissait du rôle de l'UNEF en tant que syndicat ? Montrent-ils comment un groupe de jeunes révolutionnaires, au départ en 65/66 très peu nombreux, s'est progressivement affirmé et développé au point d' assumer des responsabilités notables au sein de l'UNEF et de l'AERUD ?

 

      Sans doute de doctes commentateurs ne manqueront pas d'estimer que les combats menés en 66/68 par une organisation trotskyste, l'OCI, restée très minoritaire globalement au sein du mouvement ouvrier et de la société pris dans leur ensemble, rélèvent d'une histoire marginale et caduque.

 

      A chacun d'établir son point de vue, à partir des faits et des documents...

 

      Ces quelques pages sont avant tout une invitation à développer la recherche documentaire et l'élaboration historique, à confronter les observations et les analyses, à ouvrir un débat rigoureux, en relation avec les grands enjeux sociaux et politiques du monde d'aujourd'hui.

 

 

                                                                                         Le 1er mars 2018 – Alain Chicouard

 

                                                                                             alain.chicouard182@orange.fr



[1]- Seule ressource fiable : les documents. Les documents sont puisés dans mes archives personnelles.  (S'ils ont l'avantage d'avoir été écrits  au moment même des événements, ces documents, comme tous autres, doivent être soumis à l'analyse historique critique). Tous ces documents ont été déposés pour les uns (locaux et régionaux) aux A.D.Y. (Archives Départementales de l'Yonne), pour les autres (d'ordre national ou international) au M.H.V. (Musée de l'Histoire Vivante de Montreuil). Un recensement complet de ces documents a été établi. Une partie des documents a été rassemblée en novembre 2009 dans une brochure de 260 p. : « Quelques repères et documents sur les activités en Bourgogne des militants de l'OCI/PCI/CCI du PT de 1965 à 2006 ».

[2]  - Démarche : exposer les faits aussi précisément et honnêtement que possible, en s'appuyant sur des sources et  des documents vérifiables... Avant tout, il s'agira  ici de rappeler engagements et campagnes auxquels on a été mêlé...

[3]  - J'ai connu Pierre Broué à Montereau, où, au lycée, il était professeur d'histoire et de géographie. Par ex., pour préparer un exposé sur le « socialisme utopique », je lui avais emprunté plusieurs ouvrages...

[4]   - Ce GER à cheval sur 65-66 regroupait 4 participants : Bernard Perrières, Bernard Meurgues, René Carruge, Alain Chicouard.

[5]  - L' OCI – Organisation Communiste Internationaliste – est fondée en décembre 1965 par le groupe éditant la revue La Vérité et le bulletin Informations Ouvrières (dont l'un des principaux dirigeants est Pierre Lambert, d'où le nom de ''lambertiste'' donné à cette organisation trotskyste).

[6]  - Poids extrêmement faible : à Dijon, en 65, restent quatre militants : Lucien et Françoise Perron, François et Monette Goudet ; en octobre 66 : 9 militants...

[7]- Ce pararaphe conclut le premier chapitre du programme de la IVe Internationale, adopté en 1938: « L'agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale » (dit « programme de transition »).

[8]- Tract ronéoté, édité en février 1966.

[9]-  Résolution adoptée lors d'un camp de formation de l'OCI organisé du 28 août au 3 septembre au Mans, sous la presponsabilité de Pierre Roy. Principaux sujets : le marxisme, l'histoire du mouvement ouvrier, les développements récents de la lutte des classes à l'échelle internationale, la situation politique en France...

[10]- Cette conférence qui se tient durant l'été 1966 pour la reconstruction de la IVe  Internationale rassemble des organisations trotskystes condamnant le ''pablisme'', c-à-d. l'orientation définie en 1952-53 par Michel Pablo pour entrer dans les partis staliniens, compte tenu de la menace d'une troisième guerre mondiale avec la guerre Corée...

[11]- « Révoltes » est le nom du bulletin (puis du journal) autour duquel se constituent, au milieu des années soixante, des groupes de jeunes révolutionnaires, à l'initative de militants du groupe ''La Vérité''. Le Comité de Liaison des Etudiants Révolutionnaires (CLER) a été créé en 1963, notamment pour la ''défense de l'UNEF''.

[12]- Fouchet a été ministre de l'Education Nationale de novembre 1962 à avril 1967 ; puis ministre de l' Intérieur d'avril 67 au 31 mai 68. Le ''Plan Fouchet'' concernant l'Education Nationale prévoyait en particulier une sélection pour l'entrée à l'Université. Le CLER fera de la lutte contre le Plan Fouchet un axe essentiel.

[13]- Les accords de Genève ont mis fin en 1954 à l'intervention militaire française au Vietnam ; ils ont établi une partition du Vietnam, le nord étant sous le contrôle du Parti stalinien (PC du Vietnam), le sud passant de fait sous tutelle des Etats-Unis.

[14]- C.A. de Corpo : Conseil d'Administration, organe délibératif élu en assemblée générale  par les adhérents d'une Corpo. Une ''Corpo'' est le nom donné à cette époque à une section de base de l'UNEF. L'AGED (Association Générale des Etudiants Dijonnais) est la fédération dijonnaise des différentes Corpos. Les principales Corpos sont celles de Lettres, de Droit et de Sciences. Le bureau de l'AGED est élu par les délégués des différentes Corpos sur la base des mandats définis par chacune d'entre elles.

[15]- ESU : Etudiants Socialistes Unifiés, organisation liée au PSU – UEC : Union des Etudiants Communistes, organisation liée au PCF .

[16]-  Lettre manuscrite d' Al. Ch. du 12 avril 1967.

[17]-  Lettre manuscrite au secrétariat du CLER d' Al. Ch. du 6 avril 1967.

[18]-  Correspondance avec Paris – Lettre d'Al. Ch. du 22/4/67.

[19]  - Tract ronéoté pour meeting du 30 avril.

[20]- Lettre aux membres du C.A. de la Corpo Droit ;  texte manuscrit de Claude Harmelle, élu en décembre 66 dans le bureau de l'AGED comme « vice-président universitaire », démissionnaire - lettre non datée, probablement écrite en novembre 67.

[21]- Rapport d' Al. Ch. sur ''le travail étudiant'' – note interne OCI du 27/11/67.

[22]-  Les Dépêches , 15 décembre 1967.

[23]-  Le Bien Public , 15 décembre 1967.

[24]-  Fac Nouvelle , Union des Etudiants Communistes, décembre 1967. Bulletin ronéoté, 9 p.

[25] - Tract titré:  « Le combat est engagé, tout est possible... », signé «  le groupe des Jeunes Révolutionnaires de Dijon », supplément au journal ''Révoltes'', daté du 14 décembre 67.  Tract ronéoté, 4 p.

[26] - Tract appelant au meeting de Dijon du 17 novembre.

[27]- Note interne OCI – Rapport au secrétariat national  d' Al. Ch. - mi-janvier 68 – texte manuscrit.

[28]-  Dijon Lettres , janvier 1968, bulletin ronéoté, 18 p. - texte cité: p. 4 & 5.

[29]- AERUD : Association des Etudiants en Résidence Universitaire de Dijon.

[30] - Tract ronéoté : « appel à tous les jeunes, lycéens, ouvriers, apprentis, étudiants, militants ».

[31]- FRUF : Fédération des Résidents universitaires de France – à laquelle appartient l'AERUD.

[32]- Note interne OCI - Rapport d' Al. Ch. du 9/3/68

[33]-  Note interne OCI - Rapport au secrétariat national d' Al. Ch . du 24/3/68

[34]  - « Dijon-Lettres », n°4, mars 68, p.9.

[35] - Note interne OCI – id. que note 33.

[36] - MNEF : Mutuelle Nationale des Etudiants de France [sécurité sociale des étudiants] – IPES : Instituts de Préparation à l'Enseignement Secondaire [le succès au concours des IPES permettait de devenir « élève-professeur », et donc d'être étudiant salarié]

[37]- FNEF : Fédération Nationale de France - organisation syndicale de droite, pro-gouvernementale, opposée à toute mobilisation contre le plan Fouchet, concurrente de l'UNEF, mais peu représentative et très minoritaire à Dijon.

[38] -  Communiqué reproduit dans « Dijon-Lettres », n°4, mars 68.

[39]- Tract CLER – Révoltes: « Unité malgré tout » pour meeting du 25 mars -

[40]- Rapport dactylographié au secrétariat national du 21/4/68, p.3.

[41]-  Plusieurs tracts de la Corpo Lettres et du Bureau de l'AGED donnant leur position sont édités les 1er et 2 avril.

[42] - Note interne du 21/4/68 – texte dactylographié.

[43] - Résolution de l'AG de Dijon du CLER du 22 avril – Texte ronéoté sur papier jaune.

[44] - Appel du 27 avril pour l'Assemblée ouvrière du 1er mai.[pas de compte rendu de cette assemblée dans mes archives]

[45]-  Le groupe d'extrême droite ''Occident'' (dont Madelin, Longuet, Devedjian sont membres à l'époque – plus tard tous promus ministres de la Ve République...) a échoué dans ses tentatives de constitution de commandos  pour essayer de casser les piquets de grève et de perturber les rassemblements et manifestations. Il lui restait à badigeonner les murs ici et là pour vilipender la FER (mais lui donnant ainsi, par effet de boomerang, publicité...)

[46] - Tract FER – Révoltes : « la répression est engagée » - 4 mai 68.

[47] - Tract FER – Révoltes  du 5 mai pour appel à grève et manifestation du 6 mai.

[48] - cité par Le Bien Public – chronologie publiée le 3/5/68

[49] - Tract FER-Révoltes  : « solidarité avec les militants .... »

[50]- Lettre manuscrite, écrite le 14 mai 1968, à sa famille de Nicole Chicouard, étudiante en Lettres, militante de l'UNEF sur le plan syndical et de la FER  sur le plan politique.

[51]- extrait d'un rapport d' Al. Ch. au secrétariat national  du 12/10/68, sur la situation à Dijon.

[52]- chiffre donné par Le Bien Public – qui ne risque pas de le gonfler ....

[53]- tract ronéoté, 2 p. en recto-verso.

[54]  - Lettre ouverte tirée en tract  ronéoté recto verso. - non datée, mais très certainement écrite et publiée dès le 13 juin.

[55]-  « Appel de la Corporation des Etudiants en Lettres (AGED-UNEF) à tous les travailleurs, à toutes les sections syndicales, à toutes les organisations démocratiques » - tract ronéoté 21/27 – non daté – très certainement rédigé et tiré le 14 juin.

[56]- Lettre manuscrite du 16/06/ 68 d' Al. Ch. à ses parents et frères. (retrouvée dans les archives familiales en octobre 09 ) . -

          

[57]- Résolution du CAO de Dijon du 7/9/68 – reproduite en tract ronéoté.

[58]- Rapport au secrétariat national du 24-11-68 – texte manuscrit

[59]- Tract ronéoté édité à la mi-novembre


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