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Catalogne : l’embrouille de l’indépendance

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Dimanche 15/12/2013 • 0 commentaires  • Lu 2538 fois • Version imprimable


Il a fallu que le jour même où je passais les Pyrénées le président centriste de la Généralité de Catalogne, Arturo Mas, avec l’appui de la Gauche Républicaine catalane (ERC) mais aussi d’Iniciativa et de la CUP (deux autres forces de gauche) fasse faire un pas de plus à son discours indépendantiste en annonçant la tenue d’un référendum le 9 novembre 2014 avec cette double question : « Voulez-vous que Catalogne soit un Etat ? Voulez-vous qu’il soit indépendant ? » Autant dire que les journaux, les infos télés et même la rue se sont tous lancés dans les commentaires les plus divers.

L’écran de fumée ?

Dans le monde d’aujourd’hui, ce qui se passe à Barcelone est un élément de ce qui se passe dans le vaste monde, à savoir la mutation d’un capitalisme cherchant à s’auto-dépasser pour mieux se survivre. Dans un tel contexte de régressions multiples (ce capitalisme féodal veut effacer tous les acquis sociaux), pour éviter les vraies révoltes les divers pouvoirs pratiquent sans cesse la fabrication d’écrans de fumée. Et cette situation s’appelle à Barcelone, pour des raisons historiques et sociales, le drapeau de l’indépendance. Attention, je ne viens pas d’écrire que ce drapeau est seulement le moyen d’une manipulation : il existe de sincères motivations pour croire aux bienfaits sociaux d’une future indépendance, d’ailleurs sans cette toile de fond, ce ne serait pas un tel écran de fumée qui serait brandi car, faut-il le rappeler, la classe au pouvoir possède des moyens immenses pour agir avec intelligence.

Pousser le bouchon trop loin ?

Dans la population le sentiment indépendantiste progresse fortement aussi Arturo Mas veut surfer sur cette vague pour conserver le pouvoir, car il ne peut rien espérer de la défense de son bilan social qui a mis en berne les vraies revendications populaires. Sauf que, comme partout, les citoyens préfèrent « l’original » à « la copie » et en matière « d’original » c’est le parti de gauche ERC qui détient le label. En conséquence à vouloir pousser le bouchon trop loin, le parti centriste (Convergencia i Union) risque de faire le jeu de son allié-adversaire.

Le pouvoir est à Madrid ?

Le référendum sur l’indépendance a déjà été évoqué sans succès par les Basques car l’Espagne a une Constitution et, aussi bien la droite du PP que le PSOE, tient à son application qui rend illégal tout référendum avec la question proposée par Mas et ses alliés. Ce à quoi Mas a déjà répondu qu’il n’a pas l’intention de choisir l’illégalité, espérant seulement que le bon sens du Parlement permettra un tel vote sinon la menace est simple : élections anticipées. Elections anticipées qui en effet apporteront un soutien clair et net aux partis indépendantistes dont ERC qui devient un favori, ERC qui pas plus que Mas ne pourra ensuite sortir de l’impasse.

Beaucoup d’agitation pour rien ?

Mas a été débordé par la pression civique qu’il a créée. Dans l’accord avec ERC il a déjà dû s’incliner face aux exigences de ce parti qui tenait absolument à ce que la question de l’indépendance soit dans le référendum. A force de conduire les mouvements citoyens vers des impasses, de telles forces politiques ne vont-elles pas être, à leur tour, dépassées ? Comme je l’ai indiqué, l’écran de fumée n’existe pas en dehors des réalités (celles qu’il veut cacher et celles qui peuvent lui échapper) et ces réalités risquent de revenir en pleine figure de ceux qui pensent rester maîtres du jeu. Mais, et c’est là toute la difficulté du projet progressiste actuel, l’éventuel succès de Mas et ses alliés tout comme leur échec, sont de nature à faire reculer la quête d’une alternative sociale ! L’adversaire de classe peut perdre ou gagner… de toute façon il gagne ! Tel est le monde dans lequel nous évoluons !

La position d’Izquierda Unida (IU)

Après le PP et le PSOE, la Gauche Unie est le troisième parti du pays et son embarras témoigne parfaitement de l’embrouille que je viens de pointer. En Catalogne l’allié d’IU est Iniciativa dirigée à présent par Joan Herrera qui était sur la photo de présentation du projet de Mas qu’il appuie. Sauf que la question catalane dans IU a été résolue ainsi : « Défendre un Etat fédéral solidaire et républicain mais pas un Etat indépendant en Catalogne ». En conséquence Iniciativa vote OUI sans problème à la première question : créer un Etat mais devrait dépondre NON à la deuxième question sauf que le parti de Herrera se refuse de répondre pour le moment ! Notons que la référence à la République me paraît plus une formule de principe car jusqu’à présent IU n’a rien fait de sérieux pour condamner la monarchie. Comme est une simple formule « le droit à l’autodétermination » qui devrait être « naturel » mais qui n’est pas souhaité par IU qui préfère un Etat fédéral.
Ce simple exemple montre que le débat catalan n’est pas aussi évident que l’affiche les titres des journaux et d’ailleurs les sondages démontrent qu’entre le souhait d’indépendance et la volonté d’indépendance il y a dans la société un écart considérable ! Le journal El pais qui veut jouer la conciliation a donc proposé un sondage en trois question :
Indépendance : 31%
Statut actuel : 17%
Un Etat avec de nouvelles compétences : 40%.

La marche vers la démocratie

La démocratie est par principe inachevée : elle n’est rien d’autre que la marche vers plus de démocratie et vers des conditions nouvelles de la démocratie. Une avancée démocratique dans la constitution espagnole est nécessaire mais focaliser sur la question territoriale quand la question sociale est celle de millions d’habitants en détresse, ça risque d’aggraver la colère des couches délaissées par la politique sans permettre la moindre avancée progressiste. Telle est ma crainte qui est bien sûr discutable.
Jean-Paul Damaggio

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