Non, il ne s’agit pas de la « défaillance d’un homme » mais de la marque d’un système. Non, il ne s’agit pas de la « faillite de la politique », mais de la corruption d’une classe politique : celle du capital et de la V° République.
Ce gouvernement ne nous représente pas, il est indigne de la majorité qui a chassé Sarkozy l’an dernier, il tente par tous les moyens de poursuivre sa politique. Au moment où l’on ne parle plus que de « l’affaire », il intime l’ordre, avec l’aide de l’UMP, aux parlementaires de gauche de voter une loi faisant passer le pouvoir patronal et l’accord d’entreprise par-dessus la loi, la convention collective et le contrat de travail du salarié. Et il prépare la mise en tutelle de l’enseignement secondaire public par les Régions, celle des écoles par les groupements intercommunaux, et la dislocation du tissu des départements et des communes garant d’une certaine égalité devant la loi, l’impôt, et le service public. Au nom du remboursement de la dette publique, il prépare la destruction des allocations familiales égalitaires et la ponction du salariat moyen, traité de privilégié pendant que ses hommes ont des comptes aux îles Caïman .
L’indignation d’un Gérard Filoche en direct sur les turpitudes d’un Cahuzac a été saluée à juste titre, elle doit maintenant, avec l'indignation de tous les socialistes qui veulent le demeurer, se tourner vers ce qui devrait être son vrai sujet : l’indignité absolue d’un gouvernement qui ne nous représente pas et celle d’un régime antidémocratique.
Il est en effet totalement impossible et irrationnel, maintenant qu’il s’étale que son ministre du Budget était un grand fraudeur fiscal qui avait dés sa jeunesse un plan de carrière combiné avec des amis d’extrême-droite et qui passait par l’adhésion au PS à un moment donné, de prétendre que ce gouvernement serait l’expression même déformée du peuple, du monde du travail, de la jeunesse qui ont voulu se débarrasser de Sarkozy. Il représente le même monde et il était parfaitement cohérent avec sa politique de nommer au ministère du Budget un individu représentant de sa classe, celle des grands fraudeurs fiscaux !
Ne laissons pas à la droite et à l’extrême-droite, qui représentent la même classe eux-aussi et furent les complices d'un Cahuzac, le monopole de cette dénonciation. Mm. Le Pen, elle-même mouillée dans l’affaire Cahuzac via son conseiller qui fut aussi un ami de jeunesse du triste sire comme spécialiste financier et fiscal, demande la démission du gouvernement et la dissolution de l’assemblée. D’ores et déjà, la politique de droite du gouvernement Hollande-Ayrault a permis le regroupement, sous la bannière de la défense de la « famille » et dans le cadre de l’Eglise catholique notamment, de couches réactionnaires qui veulent en découdre, de bonnes familles qui applaudissent les nervis néo-nazis qui étaient leur avant-garde le 24 mars dernier. Ces nostalgiques de 1934 ont maintenant leur affaire Stavisky et ils sont bien décidés à en profiter au maximum. Merci qui ?
Le moment est venu de dire : la démocratie, c’est un autre régime, c’est un autre gouvernement.
Mm. Le Pen veut dissoudre le parlement élu contre Sarkozy et l’UMP en juin 2012. C’est au contraire un vrai parlement, une vraie assemblée, au pouvoir constituant, qu’il nous faut, pas des godillots qui se soumettent au « remboursement des déficits ». Il nous faut un gouvernement de gauche bâti sur la réponse aux urgences, ce qui est très simple :
-on arrête le « remboursement des déficits »,
-on bloque les plans de licenciements par la réquisition des usines et entreprises qui les mettent en œuvre avec l’argent public,
-on rétablit les postes dans les écoles et les hôpitaux.
Des élus non corrompus, ce sont des élus qui font de la politique, pas des gestionnaires qui font ce que le pouvoir en place leur dit de faire. Dotés d’un vrai pouvoir, législatif et politique, ils doivent du même coup en assumer toute la responsabilité et être mandatés et révocables par les assemblées d’électeurs. C’est là la vraie démocratie, celle de la tradition révolutionnaire, celle de la Commune de Paris, issue du suffrage universel et renversée par les armes, rappelons-le. La V° République, c’est le contraire.
Telle est l’urgence, tel est le cap, sur lequel toutes les forces qui veulent une issue, dans la populations, dans les syndicats, dans le Front de Gauche et jusque dans le Parti socialiste, peuvent et doivent maintenant se regrouper et en discuter sérieusement.
La condition nécessaire pour engager ce regroupement, la condition de l’unité : cesser tout soutien à ce gouvernement indigne, ce gouvernement de la honte, ce gouvernement du capital.
Vite !
Ils ont tous dit à un moment ou un autre qu'ils étaient plus à gauche que.. ou "vraiment de gauche".. Hollande, Cahuzac ou tant d'autres. Et nous avons vu avec tous les Français ce qu'ils faisaient, ce qu'ils font ces "fils putatifs" de Jaurès. Alors, après nous être bien indignés comme nous l'a conseillé un diplomate récemment décédé, l'alternative est-elle de proposer à nos concitoyens d'être encore plus "à gauche" que les "vraiment de gauche" ? Et si la vérité était ailleurs comme disaient Mulder & Scully ?
Effectivement, l'affaire Cahuzac est la résultante d'un système dont François Hollande ne s'est jamais réellement démarqué. Il suffisait de lire son programme de politique sociale pour s'en convaincre. Comme tous les autres, il reprenait à son compte les principes de la "sécurité sociale professionnelle", de la "flexisécurité", autrement dit : le partage du travail et surtout de la misère, la gestion de la précarité à vie. C'est pourquoi je pense que ce président est le fossoyeur ultime (après Mitterrand et Jospin) de la Gauche française et, accessoirement du PS. L'arrivisme et l'impéritie des dirigeants du Parti Socialiste et de leurs alliés (écologistes, PC, PG et autres) ont accéléré la crise économique et politique de la France. Ils sont aujourd'hui face aux Français dans la nudité de leurs turpitudes et de leurs responsabilités. Au sein de ces partis (qui incluent, part ailleurs, d'honnêtes et estimables personnes), apparatchiks et notables se sont dissociés de la société réelle, surtout à partir des années 80 qui les ont vus, grisés par l'accès au pouvoir, s'associer au monde des affaires et du spectacle, inventant une pensée émoliente qui a donné les "bobos" lecteurs de Libé et spectateurs des "Guignols" de Canal +. C'est pourquoi je ne pense pas que l'alternative à la crise actuelle soit un retour aux "fondamentaux de la Gauche". Ce qu'il pouvait y avoir de bon dans "la Gauche", ces gens là l'ont défitivement déconsidéré aux yeux de nos concitoyens. Qui, aujourd'hui, entraînera les masses à la conquête de la Sociale derrière un drapeau rouge ? C'est fini et je dirai tant mieux. Les peuples ont suffisamment payé de sang et de larmes la promesse du Grand Soir. Alors, oui, soyons concrets. Que devrait faire un gouvernement du peuple ? Arrêter le remboursement des déficits, bloquer les plans de licenciements par la réquisition, rétablir les postes dans les écoles et les hôpitaux ? Ce sont des voeux que l'on peut partager dans l'absolu. Après quoi, il faut s'interroger un minimum sur la pertinence des énoncés et leur faisabilité. L'immense majorité de nos concitoyens savent plus ou moins consciemment que le capitalisme mondialisé est LE problème de notre époque. Pour autant, nous ne pourrons jamais régler ce problème par des formules toutes faites à l'instar de Jean-Luc Mélenchon qui n'a jamais proposé de programme de politique économique et sociale sérieux (à chaque fois, il prétend là-dessus qu'il n'y a qu'à puiser dans les propositions des syndicats, la belle affaire !...). Le monde est tel qu'il est. Nous ne le changerons pas du jour au lendemain ainsi et l'Histoire du vingtième siècle a prouvé que les solutions coercitives pour le changer débouchaient sur pire encore. Un des enseignements de la crise actuelle est effectivement de voir la classe moyenne clairement pillée par ce capitalisme exacerbé. Cela prouve que sans cette classe moyenne qui crée la richesse, rien n'est possible. Il faut donc bien réfléchir avant de lancer des slogans à l'emporte-pièce comme le fait Mélenchon. Concernant le déficit, il faut identifier le déficit réel et la part parasitaire qui le gonfle au profit des marchés financiers. D'accord pour rejeter le remboursement de cette part parasitaire mais il n'est pas sérieux de prétendre que l'Etat français pourrait s'affranchir de tout emprunt au prétexte qu'il y a beaucoup d'argent dans les banques et sur les marchés financiers. Bloquer les plans de licenciement par la réquisition, là encore, l'argent de l'Etat, notre argent n'est pas illimité. Concernant les grandes industries vitales pour un pays et créatrices d'emplois en masse, je suis partisan moi aussi d'une politique de nationalisation ou de capitalisation partielle par l'Etat au cas par cas. Après quoi, il est stupide de blâmer des dirigeants d'entreprises sous-traitantes, de PME et TPE de mettre la clé sous la porte, étranglés qu'ils sont par la politique européenne d'ultra-libre-échange et par la fiscalité débridée et incohérente de ce gouvernement aux abois. Je pense que la France a encore les moyens de tirer son épingle du jeu dans ce monde ultracapitaliste que nous ne renverserons pas avec des phrases creuses. Il faut pour cela un gouvernement qui prenne les mesures vigoureuses auxquelles aspire la majorité des travailleurs, à commencer par le retour à une politique économique souveraine s'affranchissant de la Commission Européenne, de la BCE et de l'euro (et c'est faisable même dans les institutions de la Ve république...).
Sur la récupération de l'exaspération populaire par une France réactionnaire, je ne suis pas d'accord. Défendre la famille traditionnelle incarnée dans le mariage et la filiation, être croyant pour certains ou, comme moi, ne pas renier des valeurs héritées d'une culture française effectivement chrétienne, cela ne fait pas de vous un fasciste. Et je crois justement que "la manif pour tous" est peut-être en ce moment le mouvement qui exprime le mieux l'aspiration du peuple français à être entendu et respecté tant sur le plan social que moral.
Amicalement.
Pierre Delvaux