En 2005, j’avais pu constater dans le pays, la gravité du problème mais, encore à ce moment là, la réponse gouvernementale était celle de l’angélisme européen : « Résolvons les problèmes sociaux et la criminalité va disparaître ».
Les efforts sociaux n’ont pas manqué au Venezuela depuis dix ans, et la criminalité a continué d’augmenter, situation qu’il est inutile de nier sous prétexte que l’opposition en fait son cheval de bataille.
Il suffit de répondre à la dite opposition que le problème est quasi général en Amérique latine avec des augmentations plus ou moins dramatiques (et toujours niées) et qu’en conséquence le gouvernement vénézuélien n’est pas le seul responsable. Au Venezuela comme ailleurs la crise sociale est d’ordre général et non local ! Elle s’exprime chez des jeunes par la formule classique : « Il vaut mieux flamber 30 ans que trimer 70 ans ! ». A l’âge de « l’argent facile » et de diverses impunités, le crime devient un sport ordinaire qu’il suffit d’aller sanctifier auprès de la vierge des tueurs comme l’explique à merveille Fernando Vallejo.
Le laboratoire de ce phénomène est au Mexique où le PRI à présent au pouvoir, aussi corrompu que le PAN, tente, pour une part, de sauver la face par la recherche de solutions.
L’article de la Jornada que je joins témoigne d’un état des lieux et nous rappelle que la question consiste, une fois de plus, à pouvoir surveiller « l’argent sale » dont les banques aiment souvent l’odeur. Avec cette question inévitable : Le crime organisé est-il la pointe avancée du capitalisme financier actuel ? Ou alors est-il la planche pourrie que ce capitalisme fabrique contre ses propres intérêts ?
Le combat des progressistes a toujours était de pouvoir légiférer, de pouvoir instaurer des lois : c’est à mes yeux ce qu’on appelle la république. Il n’y a de loi possible qu’avec un Etat présent. Les dites lois sont de moins en moins des lois comme si la légalité avait atteint ses limites aujourd’hui, légalité pourtant plus souvent favorable aux exploiteurs qu’aux exploités.
Bref le capitalisme a-t-il besoin de la jungle comme phase vers sa reconstruction ?
Les forces progressistes ne peuvent ni s’activer ni se rassembler de la même façon dans un univers légal ou dans la jungle ?
A suivre. Jean-Paul Damaggio
La Jornada 31 mars 2013 : Le pouvoir des narcos
■ C’est la cinquième source de main-d'œuvre dans le pays, d’après le projet de réforme juridique. Les narcos occupent trois fois plus de personnel que la Pemex
■ Avocats de tueurs à gages, paysans, médecins, secrétaires..
■ Si on ne s’attaque pas à sa structure financière, toutes les tentatives pour freiner la criminalité seront vaines.
ROBERTO GARDUÑO
La prolifération de la criminalité au Mexique, concrètement le trafic de drogue, place cette activité illégale parmi les principales sources d'emploi. Le transit de stupéfiants a généré du travail, ces dernières années, pour des milliers de personnes, encore plus que Pemex et l'industrie forestière.
Le rapport sur l'initiative de la réforme des articles huit et neuf de la loi fédérale contre le crime organisé, promue par Ricardo Monreal Ávila et Ricardo Mejía Berdeja, révèle que les activités liées au trafic de drogues représentent "le cinquième plus grand employeur du pays."
« Les estimations récentes montrent qu'au Mexique, il y a 468 mille personnes engagées par les narcos. C'est cinq fois plus que le total des employés de l'industrie nationale du bois, et trois fois plus que le personnel de Pemex, la compagnie pétrolière qui a le plus grand nombre d'employés dans le monde. Agriculteurs, voyous, justicier, chefs, avocats, médecins, secrétaires ; le trafic de drogue a besoin de tout le monde. »
Les promoteurs de la réforme ont également estimé que face à la participation des réseaux du crime organisé à l'économie, il fallait un changement substantiel dans les capacités du Ministère Public fédéral, par la création d'un organe technique de renseignement financier capable d'enquêter et de poursuivre les actes ou omissions reliés au blanchiment d'argent.
La réforme vise à endiguer le crime, qui, pendant les 35 dernières années, a multiplié ses efforts pour se soustraire à l'action de la justice.
« L'infiltration des structures gouvernementales est énorme. A cela il faut ajouter les niveaux élevés de l'impunité. La criminalité organisée a réussi à manipuler, par le biais de pots-de-vin, de chantage et de menaces, une grande partie du secteur public.
Cette pénétration du crime organisé en est arrivé à un tel point dans les structures des différents ordres de gouvernement, qu’il n’est plus rare de trouver parmi les diverses polices, des protecteurs des intérêts des criminels.»
Le document fait référence aux revenus provenant du trafic de drogues qui peuvent osciller entre 25 000 et 40 000 millions de dollars par an.
« Bien que les recettes estimées ne représentent pas un gros pourcentage du produit intérieur brut (PIB), cette situation prend une autre dimension lorsqu’on apprend suivant des spécialistes, qu’au Mexique, 78 % des secteurs économiques sont infiltrés par le trafic de drogue, même si le gouvernement ne signale aucun cas de démantèlement de patrimoine dans les secteurs concernés. »
Avec cette plate-forme financière, qui reste intouchable, le crime organisé a dépassé son influence locale pour devenir un dangereux phénomène transnational.
Avec leur capacité financière et criminelle, la pègre a perfectionné ses stratégies et ses mécanismes de transfert d'énormes envois d'armes, drogues et même de personnes.
« En sachant que les réseaux de corruption et d'infiltration se sont imposés sur une majeure partie du gouvernement de l'État mexicain, ils sont ainsi une incitation importante pour maintenir et reproduire l'activité du crime organisé, aussi il est clair que sans s’attaquer aux structures financières complexes, les tentatives pour arrêter ou réduire leur capacité à corrompre seront vaines. »
La proposition d'ajout à l'article huit, vise à ce que l'unité spécialisée dans l'étude et la poursuite des crimes commis par des membres du crime organisé, dépendant du Bureau du Procureur général (PGR), « possède en plus un organisme de contrôle technique sur le renseignement financier pour enquêter et poursuivre les actes ou omissions qui donnent lieu à des opérations de blanchiment d'argent. »
« Ce corps technique ne sera pas soumis à des restrictions concernant l'appel au secret bancaire dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions d'enquête, de poursuites ou de contrôle d'actes ou d'omissions constituant des opérations sur les ressources d'origine illicite ».
En ce qui concerne l'article 9, il est proposé d'établir que le Ministère Public fédéral puisse compter sur le personnel du corps technique de renseignements financiers pour l'enquête et la poursuite des infractions sur des ressources d'origine illicite.»