Peer Steinbrück, chef de fil des sociaux-démocrates allemands pour les prochaines élections législatives et The Economist (« Send in the clowns »), hebdomadaire libériste britannique, partagent bruyamment une même conviction : Beppe Grillo et Silvio Berlusconi, victorieuses surprises des élections italiennes, sont des clowns. L’accusation coutumière de « populiste » prend nouvelle tournure.
Ancien ministre des finances, lui-même fortuné, grassement stipendié pour ses prestations oratoires, Steinbrück rate rarement l’occasion d’un dérapage verbal. Il nous avait, nous autres Suisses, qualifiés d’Indiens fuyant devant la cavalerie du fisc germanique. Les pauvres Indiens d’Amérique, victimes d’un génocide, méritent autant de considération que le peuple helvète, que je sache. Qualifier Berlusconi de « clown dopé à la testostérone » fait entrer dans l’officialité une considération d’un autre ordre n’important guère, sauf pour faire de la démagogie tapageuse.
Conséquent, le président italien Napolitano annula le dîner prévu avec Steinbrück ; derrière les « clowns », c’est le peuple italien qui est visé par les ploutocrates de tous bords, plus soucieux de la santé de l’€ que du bonheur des Européens. « Nous ne sommes absolument pas malades » déclare le président Napolitano »
Nul doute que The Economist et Peer Steinbrück, en dignes adeptes des marchés (et des marchands qui les animent) eussent préféré une brillante victoire de Mario Monti, diplômé de la prestigieuse Ecole des marchands Bocconi, ancien dirigeant de la banque Goldman Sachs, ancien Commissaire européen. Mais le Président du gouvernement sortant arrive quatrième, avec 10% des suffrages. Peu masochistes, les Italiens ne prisent guère la saignée que leur infligèrent Monti et Bruxelles. Même la variante soft de Pier Luigi Bersani, candidat du centre-gauche, aurait trouvé grâce aux yeux des financiers. Arrivé en tête, il ne dispose pourtant pas d’une majorité stable.
Je vous plains, chère Chiara. Vous me semblez placés, vous autres Italiens, devant des dilemmes impossibles.
M’est avis que Berlusconi et Grillo ne sauraient pas plus être mis dans le même panier que Le Pen et Chavez, n’en déplaise aux tenants des termes « populiste » et « clowns ».
Au surplus, le clown est moins dérisoire que le croient les imbéciles. Comme le bouffon jadis, il nous dit une vérité sur la société dont il émane. Il est, en outre, plusieurs catégories de clowns, chargées de significations différentes.
A tout prendre, chère Chiara, en écoutant les pitres à la Steinbrück, je préfère encore les clowns comme Beppe Grillo aux marionnettes des marchands, si chères aux oligarques de Londres, de Bruxelles, de Berlin et d’ailleurs.
Ton Guillaume tel qu’il demeure : compatissant avec le peuple italien. Viva l’Italia !