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Que faire de 5 étoiles ?

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Samedi 02/03/2013 • 0 commentaires  • Lu 2247 fois • Version imprimable


Aujourd’hui je commence par ces trois noms : Grillo, Dario Fo et Saint François d’Assise, et cette phrase : “Noi abbiamo scelto appositamente la data di San Francesco per la creazione del MoVimento.”

Dans un riche article en italien d’avant les élections, où Grillo et Casaleggio (son éminence grise) répondent à des questions de Dario Fo, que chacun peut lire en cliquant sur le nom du saint, c’est le jeune Casaleggio qui déclare : “Nous n’avons pas choisi par hasard la date de Saint François d’Assise pour la création  du Mouvement.”

Je connaissais la symbolique des cinq étoiles symbolisant : l'eau publique, les transports "durables", le développement, la connectivité et l'environnement mais pas celle de la date de naissance. Saint François d’Assise est décédé le 3 octobre 1226 et le Mouvement est né le 3 octobre 2009.

Dans ce rapport à l’argent, des esprits simplistes considèrent qu’en fait Grillo est aussi riche que Berlusconi grâce aux recettes publicitaires de son blog qui est désigné comme le blog individuel le plus consulté au monde. A se déplacer avec un camping-car il ne ferait que jouer une comédie facile.

 

Même s’il joue la comédie (c’est son métier), notons que si les électeurs et les électrices, en faisant des 5 étoiles le premier parti d’Italie, montrent qu’ils souhaitent non l’austérité mais la sobriété. Il est donc possible avant de dénoncer la tartufferie éventuelle de se féliciter d’un retour à cette valeur anti-berlusconienne. D’autant que toute la stratégie de Grillo s’appuie sur les valeurs de cette sobriété ce qui enchante le Français Serge Latouche, très connu en Italie en tant qu’apôtre de la décroissance mais comme pour tout le reste, après avoir pris connaissance des données réelles comme juger les données structurelles ?

 

Saint François d’Assise

En faisant référence à ce saint devant Dario Fo, Casaleggio sait parfaitement que le Prix Nobel de littérature a écrit une pièce à sa gloire. En France le premier à se lancer dans cette célébration a été André Suarès en 1911 un homme dont le positionnement politique me fait penser à celui de Grillo (un positionnement libertaire qui balance entre la gauche à la droite). Mais pour rester côté italien, il faut surtout penser à l’inoubliable Rossellini dans Les Onze Fioretti de François d'Assise. Pour finir, comment ne pas penser à UCCELLACCI E UCCELLINI le film de Pier Paolo PASOLINI en 1966.

Bref, le lecteur comprend que le Mouvement de Pepe Grillo s’appuie sur une quête italienne originale et n’est pas seulement le coup de tête d’un homme seulement en quête de pouvoir.

 

De l’intention aux actes

A présent les élus de Pepe Grillo sont face à des impératifs législatifs et là, des discours ils vont devoir échapper aux mots.

Depuis que le Mouvement existe les deux dirigeants annoncent la création d’outils de consultation de la base, par internet, pour lui donner le pouvoir, mais sans traduction pratique. Un des élus s’est considéré exclu car il n’a pas eu le droit, sur décision de Grillo, d’utiliser le logo du parti car en effet le parti est seulement un logo. Il va donc falloir juger sur le long terme.

 

Retour en arrière

Je précise tout d’abord que je ne commente pas pour commenter mais que moi-même je suis depuis toujours engagé dans la politique concrète, au niveau local il est vrai, où encore en 2012 j’étais candidat aux législatives (et là n’est pas l’essentiel). Je commente pour apprendre à mieux me battre et le cas italien, vu mes liens avec ce pays, est un des outils que je peux utiliser. En conséquence les liens en bleus font références à des articles que j’ai déjà écrits de mon blog, sur quelques événements italiens depuis 2008.

L’élection anticipée de février 2013 est en effet la suite naturelle de quelques autres, et en premier lieu de trois référendums de juin 2011 où le peuple italien a désarçonné la classe politique. Il est d’ailleurs frappant de constater la capacité de certains à oublier de tels choix populaires !

Sans entrer ici dans le détail, rappelons donc que les petits partis réussirent un double exploit : mobiliser pour accéder au droit d’organiser les référendums en question, et mobiliser enfin pour les gagner. Depuis vingt ans et la loi qui oblige à une participation de 50% pour valider de tels référendums d’initiative populaire, les forces sociales avaient délaissé cet outil car l’adversaire réussissait à gagner par l’abstention.

En 2011 nous avons donc un changement de décor issu en fait des réactions à la réélection de Berlusconi en 2008, une réélection qui ne doit jamais faire oublier l’autre Italie. Le Parti Démocratique décida alors de changer de direction en faisant élire son responsable national par tous les Italiens désireux de voter aux primaires. Le gagnant fut Bersani positionné plutôt à la gauche de son parti contre les caciques D’Alema et Veltroni obsédés par l’alliance au centre. Grillo avait souhaité participer à cette élection mais il fut rejeté avec un argument qu’il a entendu : « crée ton parti et on verra la suite » !

Au sein de l’échec de la gauche de 2008, était né un mouvement nouveau l’Italie des Valeurs (IdV) conduit par le juge Di Pietro et ce mouvement avait décidé de faire de ce référendum un test majeur de son ancrage militant. Enfin, au moment même où Bersani obtient son titre de secrétaire national du PD, une nouvelle formation voit le jour, le SEL (Socialisme Ecologie Liberté), sous la direction de Nicki Vendola venu de l’extrême-gauche, un autre petit parti qui a conduit avec énergie la bataille du référendum.

Bilan d’étape : face au peuple attaché aux basques de Berlusconi, un autre peuple a pu se manifester avec les référendums, le peuple de gauche qui a demandé que l’eau soit en gestion publique et il a gagné !

Ce référendum a été un tournant dans l’histoire actuelle de l’Italie, et il s’est produit au moment même où le Mouvement 5 étoiles (M5S) entrait dans l’action.

D’un côté, des partis politiques dominants, peu désireux de faire avancer la démocratie, et de l’autre un mouvement social gagnant enfin en visibilité politique.

 

L’émergence du peuple

C’est cette contradiction qui a émergé en cet hiver 2013, après que des élections partielles de 2012 en aient déjà annoncé la nature par les scores surprises du M5S.

Tout indique en conséquence, à prendre du recul, que sous une forme ou sous une autre, une partie importante des citoyens refuse d’être prise pour des pigeons. Et la classe politique ne peut plus user des combinaisons classiques ! La droite du PD soucieuse d’entente au centre découvre que le centre est balayé ! Si elle avait eu la direction de son parti, son échec aurait été encore plus énorme. Pour Berlusconi qui, jusqu’à présent, avait dû composer avec Fini et la Ligue, il vient de démontrer qu’avec un discours plus à droite que jamais, il peut mieux rassembler ses fidèles. Sauf que sans lui (et il est vieux) la droite est au bord de l’atomisation en mille chapelles (bien pire qu’en France sans Sarkozy).

 

A lire le programme du M5S, à prendre en compte les résultats du référendum, tout indique que son électorat le plus actif est plutôt marqué à gauche, mais dans une situation floue comme celle d’aujourd’hui, les dérives sont aisément possibles, surtout si le PD n’assume pas ses responsabilités : construire enfin une politique de gauche.

Je pense que la situation italienne mérite notre attention minutieuse. Mélenchon était allé à Rome et en était revenu enthousiaste : la méthode du Front de gauche (il ne retient que les scores de la présidentielle pas ceux des législatives) allait faire événement, Monti allait s’effondrer et le PdL risquait de rattraper le PD. Il n’a rien dit sur les 5 étoiles car de temps en temps il lui manque un œil. Dans un prochain article, je poursuivrais la réflexion à partir d’un article et d’une action de Flores d’Arcais.

Jean-Paul Damaggio

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