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De Rome à Paris l’argent public des partis

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Vendredi 10/01/2014 • 0 commentaires  • Lu 2202 fois • Version imprimable


La politique italienne est un laboratoire pour les défenseurs du système. C’est là-bas (plus exactement en Sicile) qu’a été découverte la fameuse phrase : tout changer pour que rien ne change. Depuis 1945 ce pays n’a été rien d’autre, pour les USA, que le Mexique de l’Europe. Mais n’entrons pas dans les généralités pour nous pencher sur un seul point, le financement des partis politiques par le budget public.
 

Les années 90 lancent le financement public des partis

Au tournant des années 1990 le gouvernement italien, en réponse à des phénomènes de corruption sans précédent, a décidé que les partis politiques recevraient de l’Etat les moyens de leur survie. Cette idée a ensuite été reprise dans des tas de pays sous diverses formes, à diverses époques et je serais heureux si quelqu’un m’indiquait une étude générale sur ce phénomène[1]. Malheureusement l’argent et la politique ne font pas bon ménage et les études manquent sur le sujet[2].

Bref, quand les comptes de la campagne de Sarkozy font que l’UMP est obligée de payer 10 millions d’euros à l'Etat, les journalistes ne se bousculent pas pour rappeler qu’en fait, c’est seulement 4 millions d’euros que l’Etat récupère, puisque par ailleurs il rembourse aux généreux donateurs 60% de la somme versée (pour eux comme pour tous les partis bien sûr et pour les syndicalistes aussi). Ces déductions fiscales s’ajoutent aux sommes versées en fonction des voix acquises aux législatives pour les partis dépassant un certain seuil.

Quand l’Italie décida qu’une part d’argent public irait aux partis je me suis demandé s’il s’agissait d’une bonne mesure. Quand aux législatives de 1993 les partis français ont bénéficié du même système, je me suis encore interrogé. Et j’ai eu une réponse, mais brève, quand la commission de contrôle du financement des partis[3] a publié le nom des donateurs aux divers candidats surtout PS et RPR. Ce document reste si édifiant dans l’histoire politique de notre pays qu’il ne se renouvela jamais : la loi changea très vite pour éviter ce type de transparence. La liste des donateurs était telle qu’elle supposait un échange de services !

 

Les années 2010 en finissent avec le financement public des partis ?

Aujourd’hui le gouvernement italien vient de décider d’une marche arrière. Petit à petit, d’ici 2017, tout financement va cesser de la part de l’Etat et en faveur des partis[4]. Le risque de corruption s’est-il envolé ? Pas le moins du monde bien sûr et d’ailleurs il n’a pas été modifié par la loi. Il se trouve seulement qu’un candidat, Beppe Grillo, a fait campagne avec grand succès sur ce thème (en autres) : «Je prouve qu’on peut faire de la politique avec 0 euros ! » Sa campagne spartiate faite de grands rendez-vous sur des places publiques n’avait pas besoin en effet de budgets énormes mais ceci étant, en tant que dirigeant de son Mouvement 5 étoiles il n’oublia pas d’inclure dans la charte des candidats que les élus devraient reverser une part importante de leur salaire au parti en question !

Mais ne soyons pas mesquins, il ne s’agit là que de broutilles ! La nouveauté avec Beppe Grillo, c’est son blog ! Vu qu’il s’agit d’un des blogs les plus consultés d’Italie, les rentrées financières doivent être conséquentes. Et c’est peut-être là qu’une loi devrait intervenir si le laboratoire veut jouer tout son rôle ! Que tous les blogs à usage politique soient tenus à publier chaque année les rentrées financières induites pour son propriétaire.

Car Beppe Grillo peut faire le clown, tout militant politique sait qu’une organisation a besoin de budgets conséquents pour faire vivre son parti, pour en diffuser les idées, pour mieux étudier la réalité etc. Et là je renvoie en France aux comptes obligatoirement publics des partis politiques que chacun peut consulter (avec amusement car ils paraissent très incomplets) sur les documents de la commission de contrôle du financement public, car ils montrent clairement que le nerf de la guerre, ça reste l’argent.

Donc que dire du blog de Beppe Grillo ? Qu’il s’agit là d’une somme énorme qu’une seule personne peut contrôler (Grillo et son webmaster Casaleggio). Le financement n’a plus besoin d’être public, il se fait par la publicité (même sans publicité sur le blog !), terme qui ne contient le mot public qu’à des fins commerciales.

Le financement public devait garder les partis sur le terrain de l’intérêt public. Mais la politique étant devenue une marchandise, la publicité en est devenue la maîtresse permanente. En France le blog de Jean-Luc Mélenchon est beaucoup plus consulté que le blog de son propre parti[5] !

 
Conclusion

Cette question du financement des partis n'est qu'un des symptômes de la mort du politique en tant qu'outil d'intervention sociale. On ne peut être ni pour ni contre tant qu'il sert à masquer la réalité : les grandes entreprises, en seigneurs des temps modernes, décident de tout à Rome comme à Partis et ailleurs !

 
4-01-2014 Jean-Paul Damaggio


[1] Pour la Grèce Le parlement grec a voté aux premières heures de mercredi une disposition sur le financement des partis politiques qui aboutit à priver de fonds publics le parti d'extrême-droite Aube dorée dont six membres ont été mis en examen suite au meurtre du militant antifasciste, Pavlos Fissas le 17 septembre dernier.

[2] Je peux conseiller une étude québécoise qui est d'ordre général et très instructive : http://www.electionsquebec.qc.ca/documents/pdf/D-6350.11(12-09)_versionPDF_1.pdf

[3] Le travail de cette commission sert rarement de références : http://www.cnccfp.fr/

[4]Jusqu'à présent, un montant était alloué aux partis en fonction de leurs résultats électoraux. En vertu du texte adopté vendredi, dès 2014, ils ne percevront que 60% de ce montant, puis 50% en 2015, 40% en 2016 et rien l'année suivante. Le précédent gouvernement de Mario Monti avait déjà amputé de moitié le financement des partis politiques en juillet 2012, le faisant passer de 182 millions d'euros à 91 millions d'euros en 2013

[5]Valeur estimée pour le site PG 16 757,93 € et pour le blog Mélenchon : 66 087,04 € (vérifiable sur l'URL espion de votre choix)


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