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Oradour, Hiroshima…

Lettre bernoise 66

Par Gabriel Galice •  • Dimanche 19/01/2014 • 0 commentaires  • Lu 2282 fois • Version imprimable


Mon cher Reinhard,

Un vieil Allemand de 88 ans est inculpé de meurtre et de complicité de meurtre dans le massacre du village français d’Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944. Cinq co-accusés sont passibles de poursuites. Ce jour, la division SS « Das Reich » massacra la population en divers lieux, dont femmes et enfants rassemblés dans une église. Le massacre  avait fait 624 victimes. Gageons qu’ils seront punis, comme l’ont été tardivement, clémentement, les responsables du massacre de 355 civils italiens dans les fosses ardéatines, le 25 mars 1944.

Les bombardements atomiques étasuniens sur Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9 août), ordonnés par le président Harry Truman, ont causé entre 150 000 et 250 000 victimes civiles immédiates, sans compter les mutilés et meurtris à vie. Les bombes incendiaires ou à fragmentation, anglaises et étasuniennes, larguées sur Dresde avaient fait officiellement 25 000 victimes. Un chercheur allemand évoque 40 000 morts. Entre 1950 et 1953, quelque deux millions de civils coréens furent tués, la plupart victimes de bombardements américains de napalm. En 1982, les massacres de Sabra er Chatila, perpétrés par des milices libanaises phalangistes chrétiennes,  protégées par l’armée israélienne conduite par le général Sharon, ont fait, selon les estimations, de 700 à 3500 victimes palestiniennes, hommes, femmes et enfants. 

La comparution en justice des responsables d’Hiroshima, Nagasaki, Dresde, Sabra et Chatila n’est pas à l’ordre du jour. On vient d’enterrer le Général Sharon, avec lui ses forfaits. 

Les sophistes, mon cher Reinhard, nous expliqueront que les bombes atomiques devaient contraindre le Japon à la capitulation. D’autres solutions avaient été envisagées, dont le largage des bombes sur la flotte japonaise. L’objectif n’était pas seulement militaire, il était aussi politique et scientifique. Politiquement, il fallait impressionner l’Union Soviétique, devenant l’adversaire principal ;  scientifiquement, il sembla opportun de tester successivement une bombe à uranium (baptisée Little Boy) sur Hiroshima et une bombe au plutonium (Fat Man) sur Nagasaki. De la sorte, on aurait une expérience grandeur nature sur des cobayes humains, otages de la folie meurtrière de l’empereur et de la caste militariste. 

En sa fable, Les animaux malades de la peste, Jean de La Fontaine nous en prévient : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » 

Les guerres dans l’ex-Yougoslavie le confirment, de méchants massacreurs serbes sont condamnés, de gentils assassins croates échappent à la justice ; les vaincus sont punis, les vainqueurs innocentés. Pour combien de temps ? 

Je t’embrasse, mon cher Reinhard, de ma paisible cité helvétique. 

Ton Guillaume tel qu’il demeure : dubitatif.
 
Berne, le 15 janvier 2014.

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