Durant des semaines l’opinion a été abreuvée de dérivatifs successifs pour camoufler le plus possible les véritables sujets. Il a été question du sinistre Dieudonné, de son racisme et antisémitisme chronique, au point de faire de ses spectacles une affaire d’état. Exit Dieudonné, place au people, le président pris le « cul » sur une vespa partant en goguette derrière un garde du corps pour retrouver une actrice de choix et vivre une nouvelle idylle. Exit l’affaire « sentimentale », voila la vraie fausse régulière qui de sa clinique met sa déprime sur le devant de la scène, permettant aux médias de faire vivre en boucle ce qui devient un « drame », s’interrogeant à loisir sur la place de la « première dame »… Le grotesque n’aurait donc plus de limite, sinon celle d’une politique qu’il faut bien dévoiler.
Avec « ses vœux aux français » et sa conférence de presse de rentrée, François Hollande donne un nouvel éclairage du « socialisme de l’offre », annonçant dans la foulée des mesures prises depuis deux ans une amplification et une accélération de la politique en faveur du capital et au détriment du travail sans précédant. Au centre des attaques programmées se trouve ainsi un des principaux acquis du mouvement ouvrier, issu de dizaines d’années de lutte, et remontant au conseil national de la résistance, la sécurité sociale.
François Hollande veut « moins de charges sur le travail » et un « pacte de responsabilité » entre le gouvernement et les entreprises. Pierre Gattaz, le patron du MEDEF, donne le contenu exact de ce qui d’ores et déjà est négocié entre le pouvoir et les organisations patronales et qui pour être entériné demande la participation « des partenaires sociaux », c'est-à-dire des organisations syndicales dont l’indépendance serait un obstacle à la volonté commune du patronat et du gouvernement. « C’est ce que nous demandions depuis des mois… Nous avons dit au président de la république que nous étions capables de créer un million d’emplois… A la condition qu’on ouvre 5 chantiers : sur le coût du travail[1], sur la fiscalité, sur la baisse des dépenses publiques, sur la simplification et sur les freins à l’embauche »[2].
Pour l’essentiel c’est bien dans ces directions que François Hollande s’est engagé à fond lors de sa conférence de presse du 14 février, laissant aux commentateurs en mal de réflexion la question de savoir s’il est « social démocrate » ou « social libéral ». Dans la politique de François Hollande, point de social. Le président, sa majorité, et le gouvernement représentent aujourd’hui les intérêts du capital et les défendent avec énergie au détriment du travail. Tout y est, symbolisé par la confirmation d’une coupe des dépenses publiques de 15 milliards pour 2014 et de « 50 milliards de plus entre 2015 et 2017 » avec comme corollaire inévitable une destruction massive des emplois publics et des services publics, par l’annonce de « réformes structurelles », la « redéfinition des missions de l’état » c'est-à-dire un désengagement massif, par une nouvelle loi « de décentralisation » donnant aux régions, appelées à fusionner, « de nouvelles responsabilités » et « un pouvoir réglementaire local » leur permettant de déroger à la législation nationale, par une « redéfinition par les départements de leur avenir »… Et enfin, comme morceau de choix, par l’annonce faite de « la fin des cotisations des patrons pour les allocations familiales », prélude à une attaque d’ensemble sur la sécurité sociale, notamment sur la branche maladie qui représente un pactole potentiel de centaines de milliards de dollars sur lequel lorgnent les assurances privées, encouragées par l’union européenne au nom de la « concurrence libre et non faussée ».
Derrière la mise en cause de la sécurité sociale se trouve en ligne de mire le principe inscrit par la mobilisation ouvrière dans le programme du conseil national de la résistance permettant à chacun de « financer selon ses moyens et de recevoir selon ses besoins ». Telle est bien l’intention de Pierre Gattaz pour qui « il y a deux postes qui pèsent sur le travail de manière absurde : la famille et la maladie ». Entendu cinq sur cinq par françois Hollande qui répond que « la sécurité sociale doit en terminer avec les abus et les excès ». Formule générale qui dans les faits menace la santé et la vie de millions de françaises et de français. C’est la même rengaine que reprennent en chœur ministres et conseillers qui insistent sur la nécessité de « réduire la multiplication des prescriptions, des actes redondants, etc.… ».
Il est de coutume d’illustrer les méfaits de la politique européenne en faisant appel à la situation grecque ou encore espagnole sous la direction de la Troïka. Ici, point besoin d’émissaire direct, de mise sous tutelle. Le gouvernement français de François Hollande et Jean-Marc Ayrault font le travail, mettant directement en musique la politique de l’union européenne. Au lendemain de ses déclarations, le président français et ses ministres se félicitaient d’ailleurs ouvertement du satisfecit de Bruxelles pour « la direction annoncée par le président français ».
C’est bien la politique de l’union européenne que le président français, son gouvernement et sa majorité appliquent dans le détail, la dictature de la dette publique, la diminution des effectifs de la fonction publique, la réforme des retraites, la hausse de la TVA, la « diminution du coût du travail », l’attaque contre le salaire direct et le salaire différé, la protection sociale, etc… Par million dans toute l’Europe les travailleurs, les jeunes, les retraités connaissent les conséquences catastrophiques de cette politique. L’état social en France permettait jusque là d’en limiter les dégâts connus en Grèce, en Espagne, au Portugal ou dans les autres pays soumis aux diktats de la Troïka. Mais les annonces gouvernementales rentrent dans le dur. Ce sont les digues issues des victoires ouvrières depuis plus de 60 ans qu’il s’agit aujourd’hui de faire sauter, remettant ainsi en cause les principes d’égalité, de fraternité, de liberté et de laïcité qui constituent les piliers de la république.
S’il fallait trouver un mérite à la politique de François Hollande, c’est sans doute de mettre au grand jour l’uniformité des politiques dites de gauche et de droite, non seulement au niveau national, mais surtout dans la période présente au niveau européen. Les applaudissements d’Angela Merkel après la conférence de presse de François Hollande ne doivent rien au hasard. François Hollande nous prouve que dans le cadre de l’union européenne toutes les politiques en œuvre répondent aux mêmes intérêts et à la même logique.
Dans quelques mois les mêmes nous appelleront à nous rendre aux urnes pour élire des députés européens. Mais dans quel but ? Pour représenter qui ? Pour quelle politique ?
Comme nous l’avons déjà expliqué depuis plusieurs années sur notre site, la question européenne relève de l’escroquerie. D’abord en laissant entendre qu’il s’agirait d’un cadre répondant à un peuple. Mais il n’existe pas de peuple européen. Il existe bien des peuples en Europe dont le cadre naturel et historique de regroupement est constitué par les nations. Ensuite en laissant penser qu’une majorité donnée peut impulser au niveau européen une politique déterminée. La preuve est faite qu’il n’en n’est rien et la politique menée par François Hollande, le gouvernement Ayrault et soutenue par le parti socialiste et ses alliés en est le meilleur exemple. Quelle que soit la majorité, la politique menée ne change pas. « La concurrence libre et non faussée » déjà rejetée par le peuple français en 2005 par voie référendaire a été imposée ensuite dans un déni total de souveraineté et de démocratie par un vote au congrès rassemblant dans un même enthousiasme gauche et droite réunie. Quelle que soit la majorité au parlement européen, c’est bien cette orientation au service du capital financier acceptée par tous les partis qui dominera.
Dans ce cadre, les élections au parlement européen de mai 2014 n’auront d’autre objet que de légitimer l’union européenne dont la nature même pousse à briser les résistances sociales, remettre en cause les droits et acquis des peuples, la démocratie et les Nations, à nier la souveraineté populaire et nationale.
Les tentatives « d’infléchir » l’orientation de l’union européenne pour aller vers une prétendue « Europe sociale » est un leurre grossier. Traité après traité, directive après directive, tout concourt à faire de l’union européenne une arme de guerre contre les peuples au profit du capital. La transformation de l’union européenne de l’intérieur relève du roman orwellien, mais pas de la réalité vécue au quotidien. Là encore, la politique « hollandienne » en est un bon exemple.
En réalité, sans le vouloir, François Hollande nous démontre en ce début 2014 que la seule réponse possible à sa politique et aux diktats de l’union européenne passe par le refus de cautionner la politique européenne, l’union européenne elle-même et donc par un boycott franc et massif des élections au parlement du mois de mai, acte collectif majeur pour reprendre en main notre avenir, réinvestir l’action collective, et remettre au centre la nécessité de reconquérir notre souveraineté.
[1] Les demandes du Medef sont précises. 100 milliards de baisse des prélèvements sur les entreprises « 50 milliards sur le coût du travail, 50 milliards sur les impôts », cela en plus des 30 milliards d’exonération dont bénéficient déjà les employeurs sur les bas salaires et 80 milliards d’aide accordées aux employeurs dont les 10 milliards du CICE.
[2] Voir « Le Monde » des 5 et 6 janvier 2014.
Je respecte l'auteur de cette opinion, déjà lue.
Et je suis terrifié que dans une crise économique et de civilisation mortifère, la négation d'une politique ultra libérale ait comme expression de lui laisser toute la place.
Si les réponses actuelles ne conviennent pas, il faut en trouver d'autres sans déserter. Ceci n'est pas un conseil et encore moins un "ordre" mais une opinion passionnée et je pense réfléchie aussi.
Je trouve que les ouvrages de Patrick le Hiarick ne sont pas une "bible", mais répondent assez bien ainsi que le congrès du PGE.
Voilà, c'est dit.
Amicalement.
Pierre