Le début de l’année 2011 ressemble à s’y tromper à la fin de la précédente. Hommes de médias, responsables politiques, politologues appointés, tous sont unanimes sur l’ordre du jour qui devrait occuper nos réflexions dés aujourd’hui, jusqu’à la date des présidentielles en 2012. Fournis sur un plateau, le débat, le seul qui serait digne d’intérêt, concerne le nom de celui ou celle qui pourrait s’afficher comme sauveur suprême. De Royal à Aubry, de DSK à Hollande, de Montebourg à Valls, sans oublier Mélenchon ou Chassaigne et sans doute quelques autres qui n’ont pas dit leur dernier mot… Ils se préparent tous, rendus visiblement fous par les institutions de la 5ème république et l’élection du président de la République au suffrage universel. Pour quoi faire, pour ouvrir quelle perspective, pour défendre quels intérêts, cela est visiblement secondaire puisque nul n’en dit mot, sauf évidemment quelques généralités d’usage. A ce rythme, une perspective que personne n’ose évoquer clairement et qui pourtant pointe à l’horizon du suffrage universel se dessine imperceptiblement : Nicolas Sarkozy réélu jusqu’en 2017 pour parachever l’œuvre engagée depuis quatre années.
Il sera alors difficile pour tout ce beau monde de jouer les surpris. La division à l’œuvre a déjà démontré les effets dévastateurs qu’elle peut avoir sur l’électorat populaire qui traditionnellement a voté à gauche avant d’être écœuré et de se réfugier soit dans l’abstention, soit dans le vote protestataire incarné notamment par le Front National.
La situation actuelle amène donc inévitablement à livrer à la discussion quelques remarques, à poser quelques questions, et à ouvrir enfin le champ d’une proposition assez simple.
- Remarque 1 : la situation qui s’ouvre pour 2012 et les réponses à apporter –notamment pour la préparation de l’échéance électorale à venir- ne peuvent faire l’économie d’un bref bilan de la situation politique et sociale dans laquelle nous sommes. La crise politique et sociale n’est pas derrière nous. Ce sont des pans entiers qui vont encore s’effondrer dans les mois qui viennent. Les subventions des Etats aux grosses entreprises, les monceaux de billets déversés pour aider le capital financier, ne règlent rien, bien au contraire. Ils sont prétextes à une pression toujours plus forte sur les millions de citoyens appelés à passer à la caisse. Les plans ordonnés en Grèce, en Irlande, au Portugal ou en Espagne, en GB et en Italie, en France, dans toute l’Europe, sont de véritables déclarations de guerre contre les peuples. Sans doute des heurts sont devant nous, des affrontements dont nous ne savons la forme qu’ils prendront mais dont nous pouvons être certains qu’ils porteront sur des questions essentielles touchant aux droits fondamentaux – santé, sécurité sociale ou éducation par exemple- et au bien public, dont nos services publics piliers de la vie commune.
Ø Question 1 : Dans ce contexte, comment les différentes chapelles qui se livrent des guerres –essentiellement verbales qui n’engagent que ceux qui veulent bien y croire- peuvent-elles prendre le risque de voir réélu Nicolas Sarkozy jusqu’en 2017 ? Ou en d’autre terme, est-ce que pour tout opposant réel à la politique que met en œuvre Nicolas Sarkozy depuis qu’il est président de la république, la perspective de sa réélection jusqu’en 2017ne devrait pas être insupportable, au point de poser, comme point de départ à toute réflexion, la nécessité qu’il soit battu par le suffrage universel en 2012 ?
- Remarque 2 : Toutes les forces politiques qui se disent opposées à Nicolas Sarkozy s’accorderont évidemment pour condamner les positions du président actuel et de l’UMP ainsi que leur mise en application. La liste est en effet longue sans que rien ne trouve grâce aux yeux des opposants au sarkozysme. La contre réforme des retraites contre laquelle des millions ont manifesté en France, la destruction massive de pans entiers de services publics, la destruction de postes de fonctionnaires, la mise en application de la RGPP, l’aide apportée sur fonds publics, au détriment de la collectivité, aux banques et spéculateurs, la destruction des emplois, l’absence de toute politique industrielle etc.… Les méfaits de la politique de Nicolas Sarkozy peuvent ainsi être égrainés pour aboutir à une conclusion unanime : il faut changer de politique disent-ils tous, chacun assurant d’ailleurs que la sienne est la seule alternative possible, sans d’ailleurs être capable d’en définir vraiment le contenu. Mais peu importe. Les uns et les autres devront convenir d’un point essentiel qui nous ramène à la remarque précédente. Pour changer de politique, il existe un préalable : il faut défaire Nicolas Sarkozy. Voila là un fait incontournable. Une condition sans doute insuffisante pour changer d’orientation, mais indiscutablement nécessaire. Dés lors se pose une question immédiate.
Ø Question 2 : Pour défaire Nicolas Sarkozy et l’UMP, la condition élémentaire n’est-elle pas la réalisation de l’unité de toute la gauche sur un candidat unique, dés le premier tour ? Et plus, pour l’emporter, cette unité réalisée ne devra-t-elle pas engager une véritable mobilisation politique susceptible de permettre aux abstentionnistes de reprendre le chemin des urnes ? Bref, l’unité réalisée immédiatement dés le premier tour, n’est-ce pas le seul message audible qui indique la volonté de battre Nicolas Sarkozy et de balayer la cour qui papillonne autour du monarque ?
- Remarque 3 : Si battre électoralement Nicolas Sarkozy est une condition nécessaire à une autre politique, ce n’est certes pas une condition suffisante. L’argument dénonçant le social-libéralisme comme opposition de sa majesté dont le contenu est identique au libéralisme censé être combattu, joue à plein. Comment en effet ne pas souligner que l’un des prétendants, DSK pour ne pas le nommer, n’est autre que le chef du Fmi, nommé avec l’assentiment de Nicolas Sarkozy ? Comment ne pas indiquer que les autres, notamment issus du PS ou des verts, sont liés aux désastres de la politique socialistes, soutenue un temps par le parti communiste et les initiateurs du Parti de gauche lorsqu’ils étaient encore membres du PS ? En fait comment ne pas intégrer dés le point de départ de la réflexion que l’ensemble des candidats potentiels qui promettent tous de réaliser une véritable rupture sont globalement sur le fond sur la même orientation, à quelques nuances prés évidemment, mais sur la même orientation de maintien du système capitaliste en place, que Nicolas Sarkozy, son entourage, l’UMP ? Il y a bien sur tous ceux qui promettent, du PG au NPA, de Jean Luc Mélenchon à Olivier Besancenot, la rupture, la vraie. Concrètement, pratiquement, les promesses verbales n’engagent que ceux qui voudront bien y croire. Mais plus. Les discours d’une « gauche vraiment anticapitaliste », n’ont de valeur qu’à la lumière des réponses apportées aux questions précédentes : comment mettre quoi que ce soit en œuvre, sinon d’abord en se donnant les moyens de battre Nicolas Sarkozy ?
Ø Question 3 : La démarche la plus efficace ne serait-elle pas de mettre au point une plate forme claire, nette, aux propositions acceptables par tous, répondant à la situation, et exprimant la réalité de rompre avec le système en place qui génère chômage, désindustrialisation, misère ? Et pour cela, ne faut-il pas faire appel à la raison ? En finir avec les positions qui avant de rassembler clairement se donnent l’objectif d’exclure ? Arrêter avec les virgules rajoutées, les positions qui se veulent plus à gauche verbalement que celles du voisin, qui n’ont aucun sens, sinon de reprendre les traditions d’une rhétorique pour le moins éculée ?
En guise de conclusion provisoire
Il fleurit actuellement des appels pour déterminer quel candidat choisir, lesquels écarter. Une démarche qui s’inscrit dans la logique mortifère des primaires où tout un chacun pourra déterminer le visage du poulain. Mais ensemble, ne faut-il pas faire plus que jamais nôtres les paroles de la chanson, « Ni Dieu, ni César, ni tribun » ? C’est en effet l’inverse de la recherche d’un « sauveur suprême » que toute logique positive devrait conduire. Non pas partir du visage, mais du contenu. Car en fait quelle importance que ce soit DSK, Aubry, Jean Luc Mélenchon si la candidature au poste suprême se fait sur un programme qui s’inscrit dans la continuité de la politique menée par le pouvoir actuel, ou à l’inverse si le programme préconisé est réellement en rupture avec le Sarkozysme à l’œuvre ?
C’est donc du programme qu’il faudrait partir.
Evidemment pas d’un programme achevé dont le but ne serait que de définir clivage sur clivage, et donc de diviser au profit du camp adverse. Mais d’une plate forme rigoureuse, sérieuse, réaliste, ferme, mettant en avant quelques mesures simples et saisissables pour rompre avec la politique menée au profit du capital et au détriment du travail. Une plate forme qui n’interdirait évidemment à personne de défendre ses propres valeurs sous sa propre bannière, mais dont l’importance permettrait que nul ne s’oppose aux conditions de l’unité nécessaire.
Une telle plate forme est à écrire. Mais déjà ne sommes nous pas certains de ne pas nous tromper en indiquant quelques lignes directrices qui devraient présider à son contenu ?
-> La question de la démocratie d’abord, guide pour son contenu mais aussi pour la méthode qui devrait être adoptée.
La démocratie, le respect de la souveraineté populaire, les institutions nationales, la démocratie dans les conflits sociaux comme dans la conduite politique des différents sujets à traiter.
Sur ces questions qui concernent tout autant la 5ème république que les institutions européennes, le développement des différentes mobilisations politiques et sociales comme celles concernant les retraites dernièrement, la question des organisations syndicales, leur orientation, leurs positions, le problème de la représentativité et l’atteinte portée au syndicalisme indépendant, on trouvera sur notre site plusieurs papiers portant à réflexion.
->La question de la démocratie comme mode de réflexion et relations politiques.
Ainsi la plate forme socle de l’unité devrait être guidée par un seul objectif : être acceptable par toutes les parties en présence, car répondant au souci affirmé de toute part : l’intérêt général doit être remis sur le devant des préoccupations contre les intérêts particuliers de castes incarnées par l’épisode Fouquet’s le soir de l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, ou par les affaires à répétition telles celles qui mêlent les noms de Woerth, Bettencourt, etc…
->La réponse aux questions immédiates, sujets des préoccupations des français.
La question de l’emploi, des salaires, de la ré-industrialisation. Il s’agirait de partir du rapport de forces réels exprimé notamment dans l’affaire des retraites, en France, mais également au niveau international, où de toute part les peuples sont mis à contribution contre leur volonté pour régler la note de la crise capitaliste, où ils cherchent partout les voies et les moyens de réagir avec efficacité contre leur propre gouvernement et contre les institutions européennes. Il s’agirait ainsi d’aborder les questions de salaires, de licenciements, des profits, la fiscalité, le contrôle des salariés sur la marche de leur entreprise, l’interdiction des délocalisations et fermetures dont le seul but est d’accroitre les marges pour les actionnaires… Là aussi quelques articles de notre site devraient permettre discussion et élaboration.
->La réaffirmation et la défense des droits fondamentaux assurés notamment par l’existence des services publics.
La question est centrale, et pour la rédaction de mon dernier livre,
« Qui veut la peau des services publics[1] », paru aux éditions Gawsewitch en ce début d’année, j’ai pu assembler quantité de contacts et d’histoires qui toutes indiquent l’urgence dans les domaines de la santé, l’éducation, les transports, l’énergie, le logement, la sécurité, la justice, etc… Sur ces sujets, la liste des mesures des gouvernements précédents qui devraient être abrogées, par simple respect des soucis d’égalité, de solidarité et de continuité de l’état sur le territoire national devrait être fixée. Le renforcement des services publics, pour le bien-être collectif, devrait être établi, les priorités dégagées…
Le souci de rassembler dés le premier tour passant par une candidature unique sur une plate forme commune, déterminée, comprenant quelques mesures de rupture avec le système qui crée la crise et produit des conséquences dramatiques pour les citoyens, devrait réaffirmer l’article 1 de notre constitution, bafoué dans les faits par la politique à l’œuvre depuis des années : la république est démocratique, laïque et sociale. Son contenu devrait permettre de réactualiser le préambule annexé à la constitution, qui liste ces droits.
Une telle bataille unitaire, mobilisatrice, génératrice de débats et mettant « l’imagination au pouvoir » devrait redonner corps aux principes affirmés au lendemain de la guerre par le Conseil National de la Résistance, sous la pression des grandes grèves ouvrières, contre la domination des différentes oligarchies, pour les respect du travail, de la sécurité sociale, des retraites, de la santé, de l’éducation, d’une presse libre et indépendante, dégagée des contraintes et pressions financières des grands groupes industriels, etc.… Autant de nécessité dont le simple énoncé montre la régression que nous connaissons depuis des années et qu’il s’agirait d’enrayer.
Jacques Cotta
Le 6 janvier 2011
Jacques,
Je partage totalement votre point de vue.
La gauche va aller à la présidentielle avec le maximum d'atomisation (multitudes de candidatures pour représenter la multitudes de chapelles) sans avoir de grande divergence sur la politique à mener et vu que toute la gauche à part des républicains jacobins de mon espèce veut rester dans l'Union Européenne.
Il n'y aura aucune marge de manoeuvre en restant dans l'UE, la BCE, le GMT.
De plus, il n'y a aucun sursaut républicain dans ses programmes des partis ou responsables de gauche.
La souveraineté nationale et populaire est eu vu que sous l'oeil de slogan et il n'y a aucun sursaut républicain autour de l'unité et l'indivisibilité de la république, de la laïcité et de l'école républicaine.
L'oubli le mieux partagé dans ces programmes de la gauche c'est la question économique et notamment industrielle. Aucun ne prone la réindustrialisation de notre pays, d'un retour à une vraie politique économique volontariste et l'ardente obligation du plan.
La rupture avec le capitalisme est en fait plus dans les mots que réelement mis en perspectives et en programmation. Les quelques rares nationalisations bancaires et de l'énergie. La définanciarisation de l'économie comme l'appelle de ses voeux Mélenchon est impossible avec le maintient de la bourse, le maintien de la souveraineté monétaire ocnfiée à la BCE et l'absence totale de contrôle de l'économie.
La gauche en général et la gauche radicale en particulier parle plus sociétal qu'économique et social et parle plus individu et communauté que intérêt général et patrie républicaine. Les programmes sont faits (seuls points partagés) pour classes moyennes et petites bourgeoisies urbaines ou péri-urbaines. La classe ouvrière, les paysans, les petits artisans et commerçant sont les grands oubliés de ces programmes que j'appelle libertariens. Les anciens bassins industriels à l'abandon et les campagnes en désertification n'intéressent pas la gauche et ces citoyens, nos concitoyens, se sentent abandonnés, méprisés, et vont tout droit soit à l'abstention soit dans les bras de la fille LePen. Le FN laboure ces bassins industriels, miniers, sidérurgiques, textiles, ses campagnes et demain recoltera les fruits de ses semences. Un nouveau 21 avril s'annonce !