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Du clip de nouvel an du PCF à l’attitude envers le gouvernement

Par Vincent Présumey • Actualités • Mercredi 02/01/2013 • 1 commentaire  • Lu 2298 fois • Version imprimable


Le clip de vœux du Parti communiste pour l’année 2013 a fait quelques vagues. On y voit François Hollande, à divers moment de sa campagne électorale, faire des promesses ou des proclamations : budget de la culture, renégociation du TSCG, accès aux soins, droit de vote aux étrangers résidents, contre la hausse de la TVA, pour la proportionnelle aux élections, contre la finance ennemie, pour l’emploi industriel. Chacune de ces paroles du candidat Hollande a été, en quelques mois, contredite et piétinée par le président Hollande : c’est un fait, et les faits sont des faits.
Ce clip du PCF n’est pas une merveille intégrale. On peut lui faire deux reproches. Le premier, sur le fond : certes très critique envers F. Hollande, il ne donne pas de perspective sur une issue politique qui permettrait de tenir toutes ces promesses et au-delà. Or, il y a eu une majorité qui a chassé Sarkozy, c’est elle que les actes du président et de son gouvernement piétinent. Un gouvernement rompant avec le capital, respectant la démocratie, serait possible si on en fait un objectif politique. Seconde critique, sur la forme : les rires expriment certes une sévérité que F. Hollande a bien méritée, mais présentent aussi une dimension sarcastique qui est éloignée du ressenti véritable des métallos, des enseignants, des chômeurs, des jeunes … qui prennent les coups. Car nous payons tous la politique de ce gouvernement. Dans nos vies quotidiennes et, en tant que militants de gauche, politiquement : les élections législatives partielles ont vu toutes les composantes de la gauche y perdre. Dépasser cette situation implique le combat pour une issue politique unitaire, un autre gouvernement représentant réellement la majorité, qui fera une politique de gauche.
Ceci dit, ce clip a été justement apprécié par bien des militants, y compris socialistes, car les vérités sont toujours bonnes à dire. 

Il a suscité du côté des responsables du Parti socialiste deux types de réactions.
Harlem Désir, premier secrétaire, s’est fendu d’un communiqué qui restera dans les annales … des postures staliniennes. La dernière phrase dit : « Au lieu de faire la guerre à la gauche, le Parti communiste devrait aider le gouvernement à faire la guerre au chômage et à la crise. » et le passage le plus lourdement chargé de sens est le suivant : « J’appelle le PCF à cesser de se tromper d’adversaire, à se garder d’une dérive contraire à sa tradition de responsabilité. » Pour Harlem Désir, critiquer l’actuel président de la V° République est un crime de lèse-majesté. Pour Harlem Désir, critiquer la politique antisociale du gouvernement fait de vous un allié de la droite, car le gouvernement, lui, ne combat que « le chômage et la crise » (tous les gouvernements capitalistes disent ça). Pour Harlem Désir, le PCF devrait renouer avec ses vraies traditions, qu’il évoque pour lui. Sans doute pense t’il au bon vieux temps, quand en Espagne en 1936 ceux qui voulaient collectiviser les usines devaient être fusillés parce que ça « faisait le jeu de Franco », quand en France en 1945 les ouvriers qui réclamaient leur paye devaient être licenciés car « la grève est l’arme des trusts ». Ah, c’était le bon temps ! Que ce serait bien que ce parti responsable nous aide à calmer les prolos ! Et à faire le silence dans les rangs ! Nous n’exagérons pas : les termes d’Harlem Désir, assimilant critique du gouvernement et « guerre à la gauche », le mot « guerre » ayant été choisi et pesé par lui, est celui d’un petit général qui voudrait voir fusiller ceux qui ne marchent pas.
Très caricatural, et permettant d’émettre quelques doutes même sur l’habileté verbale et manœuvrière du petit timonier du parti du président, ce communiqué a suscité des réactions verbalement violentes de Jean-Luc Mélenchon, parlant à son sujet de « vociférations » et de velléités de censure. Il est essentiel de ne pas tomber dans la seule polémique et de maintenir le cap d’une opposition sans faille à la politique patronale du gouvernement, associée à l’action pour réaliser l’unité pour imposer un vrai gouvernement de gauche. Ne répondons donc pas à la provocation d’Harlem Désir qui n’a d’autre but que de tenter de souder des rangs qui hésitent.

Mais engageons franchement le débat avec l’autre type de réaction qui se manifeste, celle-ci, plutôt du côté des ailes gauches officielles du PS, en particulier dans le courant Maurel-Liennemann-Filoche. Ce dernier tout particulièrement s’est spécialisé dans l’affirmation, tenant lieu d’explication, d’un truisme dont la répétition continuelle ne renforce pas la portée politique, mais qui exige qu’on argumente : « Ce gouvernement peut-il, doit-il réussir ou non ? Faut-il scissionner ou unifier la gauche ? ». Ainsi formulées, ces questions appellent les réponses de Gérard Filoche : mais oui, ce gouvernement peut et doit réussir, car s’il échoue ce sont Mesdames Parisot et Le Pen et M.M. Copé et Fillon qui triompheront, il faut donc l’aider, en le critiquant certes, mais pour le pousser à agir dans le bon sens, car il est notre gouvernement, il est l’unité réalisée (pas complètement car le Front de Gauche a eu le tort de ne pas y aller), il nous représente malgré ses défauts, car nous n’avons pas le choix. Donc attaquer trop fort ce gouvernement, c’est scissionner la gauche, et scissionner la gauche, c’est faire gagner la droite. CQFD.
Nous avons là la version soft du « Qui critique le gouvernement fait la guerre à la gauche » et l’on saura grès à Gérard Filoche d’avoir une manière d’aborder la discussion nettement moins stalino-maoïste que le petit timonier Désir, mais identique sur le fond. Car le présupposé de base est indiscuté : ce gouvernement serait le seul possible, il serait l’expression de notre victoire commune sur Sarkozy. Non, camarade, il en est la négation. Il ne s’agit pas ici de débattre ad infinitum sur la « nature du PS » mais sur la réalité concrète de ce que fait ce gouvernement. Il repose sur le TSCG et sur le rapport Gallois. Son programme affirmé, sa carte d’identité politique, est contraire aux aspirations et aux motivations de celles et de ceux qui ont battu Sarkozy, électorat socialiste du premier tour compris. C’est cela qui détermine son caractère politique et l’attitude à avoir envers lui, car il s’agit de choses tout à fait concrètes. Concrètement, ce gouvernement ATTAQUE les salaires, les retraites, les services publics, l’école publique, et les personnels et travailleurs concernés sont concrètement confrontés à l’obligation matérielle de s’opposer à lui. Par conséquent, les rapports entre les travailleurs et ce gouvernement ne peuvent pas se stabiliser, quelles que soient les illusions qui existent, sous la forme d’un soutien critique essayant de « l’aider » à aller plus loin : le problème n’est pas la quantité, mais la qualité de son action. Elle va dans le mauvais sens, donc pas question de l’aider à y aller. Cette analyse claire et évidente est un point de départ. Elle n’a nullement pour conséquence qu’il faudrait mettre un signe égal entre ce gouvernement et ses prédécesseurs de droite et que les rapports à établir avec lui seraient les mêmes : on peut très bien tenir compte des relations politiques réelles existant entre les travailleurs et les composantes politiques de ce gouvernement (le PS au premier chef) sans apporter une once de soutien au contenu de sa politique. 
Il est un gouvernement capitaliste, il n’est pas le gouvernement Sarkozy-Fillon qui a été renversé (désolé d’écrire des lapalissades, mais la nécessité de discuter le truisme de G. Filoche y contraint). La preuve : le premier reproche que nous lui adressons, c’est justement de gouverner CONTRE la majorité qui l’a élu, de ne pas la représenter. De ce reproche surgit une possibilité : celle d’un véritable gouvernement PS-Front de Gauche qui, sur la base de la rupture avec le TSCG, le rapport Gallois et la politique qu’ils représentent, serait réellement un gouvernement que nous pourrions appuyer. Ce qui n’interdirait d’ailleurs pas la critique …
Dans sa substance, l’argumentation type Filoche est condamnée à être très courte, et donc à la méthode Coué. Car elle postule que ce gouvernement étant « de gauche » doit être soutenu par quiconque se veut de gauche, point barre. Faut-il voter ses lois et ses budgets ? H. Désir l’exige, G. Filoche, qui doit avoir son avis là-dessus, se garde bien de l’expliciter. 
A l’exception (importante, mais c’est une exception) du TSCG, la lecture de Démocratie et Socialisme ne nous dit jamais rien de décisivement « négatif » sur tel ou tel vote parlementaire. On n’y combat pas le gouvernement, on émet des idées dont il serait tellement bel et bon qu’ils veuille bien les mettre en œuvre ! Ah, il pourrait hausser les impôts sur le revenu au lieu de hausser la TVA, ce serait bien ! Ah, il pourrait nationaliser Florange au lieu de pactiser avec Mittal, ce serait chouette ! Ah, il pourrait créer un peu plus de postes dans l’Education, ce serait encore mieux ! (quand à l’analyse de l’attaque frontale contre l’école qui se prépare, on l’attend encore, avec curiosité …). Mais le dénoncer comme menant une politique capitaliste ? Laissons cela aux sectaires agressifs, aux gauchistes, et au grand gourou de tous les gauchistes, au coryphée de la méchanceté impitoyable, le méchant Mélenchon. Nous, on positive ! Oh, certes, on se rend bien compte qu’en fait ça ne va pas, mais alors pas du tout, mais on po-si-ti-ve, car sinon on est foutus, c’est la droite ! 

Aux poussées de colère au fond bien symétriques, des militants du Front de Gauche contre « les socialos », et de certains socialistes contre « les gauchistes », aux états d’âmes de bien des camarades du PCF partagés entre l’union avec le PS et l’affrontement inévitable avec ce gouvernement, il y a une issue, qui éviterait aux uns comme aux autres truismes et vociférations. Cette issue dans un temps reculé avait été appelée « politique du front unique ouvrier ». Aujourd’hui, il s’agit de combattre sans faille la politique patronale et de droite de ce gouvernement, en la qualifiant comme telle car son contenu concret est tel, tout en combattant sans faille pour l’unité, contre le TSCG, contre le rapport Gallois, pour un gouvernement qui nous représente réellement et qui seul évitera pour de bon le retour en force de la droite et du patronat.
Parce que le Front de Gauche n’est justement pas constitué sur la base du soutien à ce gouvernement, et parce que J.L. Mélenchon a mis en avant la possibilité d’un gouvernement alternatif majoritaire, appuyé sur le Front de Gauche avec les écologistes et les socialistes décidant de s’opposer au TSCG, il est possible de s’appuyer sur eux pour un tel combat qui « positive » réellement, lui, en permettant d’aller de l’avant, vers la victoire pour les revendications, vers le socialisme.

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Commentaires

par Jean-François Michel Dumont le Vendredi 04/01/2013 à 07:44

 "  Un gouvernement rompant avec le capital, respectant la démocratie, serait possible si on en fait un objectif politique. "

C'est sans doute ce que les croyants trotskiens appellent une " mesure transitoire ", morceau d'un " programme de transition ".

Pourquoi pas, par exemple, : " 
 Une bourgeoisie rompant avec le capital, respectant la démocratie, serait possible si on en fait un objectif politique. " ?

Sans doute le début d'une Longue Marche pendant des millénaires avant que l'émancipation soit autorisée à être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes.
Une espèce de pablisme de marché.

JFM D



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