Par excellence, si je puis dire, les élections départementales sont la meilleure expression du clientélisme, sauf qu’en 2015, quand le FN y fait aussi des scores importants, les électeurs et électrices signent, pour le moins, le recul de ce système (aucun élu FN ne peut apporter le moindre service). En conséquence, pourquoi ne pas interroger cette évidence de la démocratie ?
Qu'est-ce que le clientélisme ?
Une des tares des monarchies et autres dictatures s’appelle les privilèges. Pour la démocratie, il s’agit du clientélisme. Les chantres de la démocratie évitent cette question structurelle du système qu’ils vantent, comme étant la fin de l’histoire (pour dire le meilleur de l'histoire). Si certains le dénoncent…. c’est pour installer leur propre clientélisme quand un khalife cherche à remplacer un khalife.
Le clientélisme inévitable
Un élu quel qu’il soit, cherche à se faire réélire, et en conséquence son sport favori, c’est la chasse aux subventions. Le clientélisme serait donc favorable aux habitants, où l’élu a le bras long, car en retour il peut fournir plus de "services".
Il n’est pas rare de lire des professions de foi qui célèbrent indirectement le clientélisme quand le candidat dit : « votez pour moi qui suis en lien avec le président du conseil général (ou tout autre supérieur).»
Il est sous-entendu que les amis, des amis puissants, vont obtenir plus de subventions que les ennemis des dites puissances.
Par définition, la décentralisation n’existe que pour accroître le clientélisme. Les survivances du Moyen-âge comme la « réserve parlementaire » (elle a sa version dans les Régions et Départements) procèdent du même système.
Dans les dictatures, les privilèges sont une forme de clientélisme institutionnel en désignant par avance les bénéficiaires des avantages. Dans les démocraties, le clientélisme s’appuie sur les LOIS d’un Etat fort, pour tenir à distance des féodaux toujours prêts à renaître. Jusqu’à ces dernières années le succès du démocrate procédait de la base vers le sommet suivant cette généalogie classique : maire-conseiller général-député-ministre-président. Se constituer un fief devenait inévitable pour une carrière.
Les départementales de 2015 ont confirmé ce nouveau paradoxe : moins l’État est fort, et plus la classe politique se constitue par le sommet ! Ce qui remet en cause le clientélisme. Je dis paradoxe car d'un côté on donne plus de pouvoirs aux Régions et Départements donc on favorise le clientélisme, mais cette réduction des moyens de l'Etat fait que la distribution possible des "services" est moindre. Alors le client se rabat sur un besoin d’État fort. D’où le fait que le FN se coule si bien dans le moule des temps présents !
Le clientélisme évitable
Première condition : ne pas confondre le privilégié et le client.
Toute analyse faisant remonter le clientélisme à la nuit des temps noie la question dans les abstractions. Un dictateur qui avantage ses amis n’a rien à voir avec un élu qui avantage ses amis, car rien n’oblige les amis de l’élu à lui renvoyer l’ascenseur ! Bien sûr, quand remplacer un élu par un autre, c’est remplacer un clientélisme par un autre, le système se bloque. Sauf que le changement d’amis permet au moins un partage cynique dans la classe des favorisés. Cet aspect de l'écart entre privilègié et client est cependant secondaire.
Le passage du privilégié au client fait surtout passer l’argument d’autorité à l’argument de la conviction. Pour faire vivre son clientélisme l’élu est obligé de «fabriquer» l’opinion, et au cours de cet acte il peut y avoir une bataille d’idées, ce qui pose la question du contrôle des médias et autres moyens de fabrication de l’opinion. Pour le dictateur le privilégié est un captif global. Pour l'élu le client est un captif gagné.
Deuxième condition : à partir du moment où le clientélisme est inscrit dans sa réalité historique de la démocratie, le marginaliser suppose de se battre pour la démocratie sociale. Pas question de laisser entendre que les maîtres peuvent acheter plus facilement les faibles que les classes moyennes.
Le clientélisme dans la crise
Quand se développe le chômage, et que les services les plus distribués sont des emplois dans les collectivités territoriales le clientélisme gagne, bien sûr, en pouvoir.
La démocratie est en crise quand s’approfondit cette contradiction : le besoin de clientélisme se développe et le moyen de le satisfaire se réduit. Alors électrices et électeurs signent ce chèque : trop c’est trop et le jour du vote se moquent de ceux à qui ils tendent la main !
Dans tous les domaines, la lutte contre le clientélisme inhérent à la démocratie, c’est le développement de la démocratie et non pas le retour à la dictature. Le clientélisme est donc le thermomètre qui permet de prendre la température de notre démocratie. Parmi les moyens connus pour lutter contre le clientélisme il y a eu la mis eau point des concours et leur contrôle. En conséquence on sait très bien que dans la fonction publique d’Etat le clientélisme est moins marqué que dans la fonction publique territoriale. L’installation de la décentralisation et la dénonciation des fonctionnaires (d’État) vont donc de pair.
La capacité d’adaptation du clientélisme
Plus que des individus, le clientélisme peut aider des associations. Donc cet autre paradoxe : dans un monde où le mouvement associatif est en grand développement (des institutions délèguent même des activités de leur compétence à des associations) ce qui est une façon de développer la démocratie, on développe le clientélisme ! Quels critères objectifs pour éviter le clientélisme dans ce cas ?
La réponse est connue : critères difficiles à évaluer. En face, rien n’est plus simple que la dictature qui libère les esprits de tous les soucis, puisque le monarque s’en charge ! Depuis des centaines d’années toute avancée de la démocratie est une quête de critères de la démocratie, avec le débat social qui s’en suit ! Prenons le combat ancien contre le travail des enfants : à partir de quel âge ? qui va contrôler ? Qui pouvait croire au cœur des années 1840 que ce combat se réglerait en un jour ! D’autant qu’il y avait des obstacles sociaux : les enfants constituaient une source de richesse… pour les plus pauvres.
La démocratie est toujours un long chemin difficile d'où la phrase célèbre de Machado comme quoi c'est en cheminant qu'on avance. N'ayant aucune tendance à trouver du positif dans le vote FN je considère au contraire qu'il nous crée un impératif : repenser la marche de la démocratie.
J-P Damaggio
P.S. 1 : Pierre Tafani, Les clientèles politiques en France, Ed. du Rocher, 2003. Ce livre fait plus un constat que l'étude des causes. Il existe peu (ou pas) de livres sur le sujet.
P.S. 2 : Je n'ai pas donné de noms de féodaux tombés en 2015 pour que l'arbre ne cache pas la forêt.
J-P Damaggio
Résultats du canton au 2d tour à Orange
Binômes de candidats |
Nuances |
Voix |
% Inscrits |
% Exprimés |
Elus |
Yann BOMPARD |
BC-EXD |
4 489 |
17,93 |
50,03 |
Oui |
Jean François MATTEI |
BC-FN |
4 483 |
17,90 |
49,97 |
Non |
Nombre |
% Inscrits |
% Votants |
|
Inscrits |
25 036 |
||
Abstentions |
13 634 |
54,46 |
|
Votants |
11 402 |
45,54 |
|
Blancs |
2 265 |
9,05 |
19,86 |
Nuls |
165 |
0,66 |
1,45 |
Exprimés |
8 972 |
35,84 |
78,69 |
Résultats du canton au 1er tour
Binômes de candidats |
Nuances |
Voix |
% Inscrits |
% Exprimés |
Elus |
M. Jean François MATTEI |
BC-FN |
3 704 |
14,79 |
31,61 |
Ballotage* |
M. Yann BOMPARD |
BC-EXD |
3 161 |
12,62 |
26,98 |
Ballotage* |
Mme Yannick CUER |
BC-UMP |
2 177 |
8,69 |
18,58 |
Non |
Mme Fabienne HALOUI |
BC-UG |
1 879 |
7,50 |
16,04 |
Non |
Mme Aïcha BOUTINOT |
BC-DIV |
795 |
3,17 |
6,79 |
Non |
*Ballotage : le binôme de candidats peut accéder au 2d tour s'il le souhaite.
Nombre |
% Inscrits |
% Votants |
|
Inscrits |
25 036 |
||
Abstentions |
12 619 |
50,40 |
|
Votants |
12 417 |
49,60 |
|
Blancs |
652 |
2,60 |
5,25 |
Nuls |
49 |
0,20 |
0,39 |
Exprimés |
11 716 |
46,80 |
94,35 |
En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.
A l'association pour une constituante, www.pouruneconstituante.fr, on ne manque pas de recevoir des propositions qui font diversion par rapport a l'essentiel : comment le peuple peut il exercer son pouvoir pour de bon et pour de vrai? A gauche, on est plutot d'accord qu'il faut des elus qui decident en assemblées élues...et tout de suite la notion de mandat dont l'elu est porteur au nom de ses electeurs s'évanouit. Quant au compte rendu de mandat, il est encore davantage oublié et reporté à l'élection suivante ou il est admis que l'élu n'a pas rempli un mandat dont le contenu concret est oublié. D'ou frustration...et tendance à mettre en cause le principe meme de la delegation, soit par le tirage au sort des "élus", soit par un désinteret abstentionniste, soit par la recherche de raisons plus ou moins economiques. De la sorte, les élus creusent eux meme leur propre tombe et se trouvent bien isolés pour defendre leur proximité avec leurs électeurs et pour résister aux lois territoires qui visent à leur inutilité et à leur suppression progressive. La question du mandat vidée de contenu, pas étonnant que les débats errent du coté des remunerations et autres avantages matériels et ...moraux. Les elus et leurs associations n'ont qu'à s'en prendre qu'à eux-memes, eux qui se sont a ce jour laissés dépouiller de l'essentiels de leurs mandats et pouvoirs, y compris par des gouvernements dits "de gauche" et laissent l'etat "plumer" sans limite les ressources et personnels des collectivités locales. Sans meme chercher à la constitution d'une alliance pourtant évidente avec les centaines de milliers de personnels de l'etat, de la santé, etc eux aussi victimes des gouvernements. Il n'est pas trop tard pour rectifier l'irresponsabilité de nos elus, mais le temps passe vite, monsieur le bourreau!