Voyons ce qu’il en est. Les élections italiennes, comme nous l’avons expliqué dans un article récent de La Sociale ont exprimé une vague de révolte contre l’Union Européenne, contre la politique d’austérité menée par le gouvernement du PD, contre les mesures anti-ouvrières comme le « Job Act » de Renzi et contre la mise en pièces du système des retraites. Voilà le sens du vote de la majorité du peuple italien et notamment de ses couches les plus pauvres. Les « forts relents » qui incommodent les narines du chef de LFI sont ceux du « dégagisme », qu’il met ordinairement à toutes les sauces mais qui est parfaitement bienvenu ici : les principaux partis de la classe dominante, le PD (« centre gauche ») et Forza Italia de Berlusconi sont défaits. Voilà l’essentiel ! D’ailleurs, eux, l’ont bien compris. Renzi et Berlusconi sont prêts à s’allier pour mener la vie dure à la nouvelle alliance que la presse qualifie, méprisante, de « populiste ».
Chose importante : le « centre droit » a explosé et Salvini, le chef de la Lega, a engagé des négociations avec Di Maio du M5S. Et cela débouche sur un programme de gouvernement qui réclame la renégociation des traités européens, l’annulation de la réforme des retraites, le desserrement de la discipline maastrichtienne, et toute une série de mesures de relance pour améliorer le niveau de vie des Italiens. Bien que ce ne soit pas dans le programme on parle même, ô horreur, de nationaliser la compagnie aérienne Alitalia en difficultés sérieuses.
Certes, la fin de la progressivité de l’impôt sur le revenu réclamée par Salvini est une fort mauvaise idée, contradictoire avec l’inspiration keynésienne générale du programme de gouvernement. La restriction de l’immigration et l’expulsion des clandestins est sans doute discutable, mais les donneurs de leçons français devraient se mettre un peu à la place des Italiens qui accueillent les réfugiés que la police française empêche vigoureusement de passer la frontière. On doit aussi savoir que dans certaines régions, notamment en Campanie, se sont installées de nouvelles mafias, nigérianes par exemple, qui colonisent complètement certaines villes, choses que l’on ignore complètement si on ne lit que la presse « bobo » et fréquente uniquement les belles âmes… Salvini a d’ailleurs modéré ses propos sur l’immigration déclarant qu’il voulait expulser les voyous (ce qui est assez normal !) mais souhaitant « bienvenue aux braves gens ».
Bref, un gouvernement critiquable, mais en rien fasciste ! Les « hordes leghistes » ne déferlent pas pour détruire les locaux syndicaux. Normal : voilà déjà un moment que bien des militants syndicaux sont passés à la Lega délaissant ce parti monstrueux qu’est le PD. Quand le président italien Mattarella (PD, démocrate-chrétien) fait de l’obstruction à la nomination du nouveau gouvernement, quand il s’oppose à la nomination à l’économie de Savona, notoire opposant à l’euro, c’est lui qui met la démocratie en danger, et non Salvini ou Di Maio.
La principale crainte concernant la coalition M5S/Lega, ce n’est pas qu’elle applique son programme mais bien qu’elle ne l’applique pas pour complaire à la caste. On peut aussi lui reprocher quelques contradictions et quelques inconséquences, mais sûrement pas d’en faire l’ennemi principal. Il serait temps, grandement temps d’en finir avec les réflexes conditionnés de la gauche qui préfère un riche bourgeois européiste libéral à un « populiste » un peu rugueux.