Aujourd’hui un maire, conseiller régional et général doit abandonner un mandat. Demain ça ne sera plus le cas. De manière tonitruante Sarkozy avait annoncé que pour des raisons d’économie et d’efficacité il allait diminuer de moitié la somme des conseillers généraux et régionaux. Beaucoup d’hommes politiques de divers horizons crièrent au scandale. Comment un conseiller général pourrait en même temps gérer la région ? se lamentait un président de région, président par ailleurs d’une intercommunalité et de neuf autres présidences ! En fait la première guerre c’était contre la diminution du nombre d’élus. Bilan, la diminution est au mieux de 25%, et les nouveaux élus dotés de plus de pouvoirs vont bénéficier d’un salaire nettement meilleur (surtout pour les anciens conseillers généraux). En clair, l’élite politique prend du poids sans que ce soit une source d’économie ni d’efficacité comme on va le voir.
Sur ce point Sarkozy avait cru pouvoir taper fort en proposant un mode de scrutin à un tour donnant ainsi une prime à l’UMP. En réalité nous en revenons au mode de scrutin des élections cantonales mais sur un redécoupage de la carte des « cantons » qui devront en moyenne avoir 10 000 habitants. Ce mode de scrutin a donné la France des notables qui vont se sentir plus notables que par le passé vu l’élargissement de leurs pouvoirs. C’est l’enterrement des espoirs donnés par la gauche avec l’élection du Conseil régional à la proportionnelle intégrale (pour 1986), proportionnelle que la même gauche avait cependant réduit en 2001 pour l’élection de 2004. La proportionnelle a ses inconvénients comme tout mode de scrutin mais quand je compare la représentativité des sensibilités politiques dans les Conseils généraux de Midi-Pyrénées et le Conseil régional, la différence est phénoménale. Avec le conseiller territorial, c’est la vieille France (dans ce qu’elle a de plus sclérosé) qui va l’emporter, celle là-même qui fait une place la plus réduite possible aux éluEs.
Ma dernière surprise est venue du manque de débats, polémiques, critiques concernant le mode de scrutin pour l’intercommunalité. Afin d’y permettre, à l’inverse de la Région et du Département, une représentativité plus large des courants d’opinion, la proportionnelle est très fortement élargie puisqu’elle sera en place dans les communes au-dessus de 500 habitants. L’élection au suffrage universel direct du conseiller communautaire suppose qu’on en arrive à une France totalement intercommunale et sur des frontières stables. D’où le travail de cartographie actuel… Donc sur des listes municipales à parité beaucoup plus nombreuses, les candidats à l’intercommunalité seront fléchés et comme les élus sont à la proportionnelle sur la moitié des sièges, on aura une évolution de la classe politique locale mais une évolution faible.
La réforme des collectivités territoriales inscrite au journal officiel en décembre 2010 est souvent mise à toutes les sauces. En particulier il y a un point qui soulève les grands cris de la gauche et qui concerne la transformation des financements et tout particulièrement de la taxe professionnelle. Il faudrait que quelqu’un nous fasse une étude sur la façon dont les Conseils régionaux en 2011 se sont engouffrés dans la taxe dite « TIPP Grenelle » qui leur a été accordée, à savoir augmenter la taxe sur les carburants pour le bénéfice direct du Conseil régional, ce qui augmente la variabilité des prix du carburant entre régions (certaines régions on préféré augmenter les cartes grises mais de toute façon c’est la voiture qui est la vache à lait). Face à toutes ces réformes qui on fait crier, qu’en sera-t-il demain après la victoire de DSK ? Ces quelques notes ne tendent qu’à pousser à la discussion au moment des cantonales. Il est souvent reproché à l’extrême-gauche d’être improductive car elle ne fait que du « contre » mais sur ces questions institutionnelles la gauche (pas seulement le PS) a seulement fait du contre pour aller dans le sens du vent anti-sarkozy.
Vu l’évolution du secteur privé, je suis persuadé que la gestion de l’Etat a besoin de transformations profondes, que les services publics qui cumulent à présent les « tares » du public et du privé ne sont plus adaptés (ils ne sont plus publics), que le redécoupage de la France, et des niveaux de compétences des institutions est salutaire mais tout ceci devrait faire l’objet d’un débat public clair, large, net et approfondi, et non l’objet de manœuvres politiciennes obscures et dérisoires. Voilà des questions que les médias ne posent jamais.