Pour déstabiliser le pays, l’oligarchie a décidé de jouer la carte de la régionalisation et celle-ci avance au point que :
Moralès n’a pas pu aller à Sucre, capitale officielle pour y présenter devant les députés son grand discours annuel.
Les députés eux-mêmes n’ont pas pu aller dans la capitale afin d’éviter les troubles annoncés par leurs adversaires (les Sénateurs majoritairement avec les rebelles y étaient).
La rencontre prévue à Tarifa, une autre partie du pays en rébellion, entre Chavez, Cristina Kirchner et Moralès a également été annulée.
Ceux qui s’opposent au pouvoir officiel peuvent donc admettre sur leur territoire le président élu du pays, à leur propre condition ! Ils y font la loi ! Donc comment une élection pourrait changer un rapport de force concret, défavorable aux institutions établies ?
Après des années de construction patiente d’un authentique parti politique en Bolivie, le MAS (Mouvement Au Socialisme), ce parti en est réduit à se référer à un sauveur éventuel, le président, et peut-être le vice-président Garcia Linera, un sauveur dont le bilan n’est pas mauvais pour le peuple, mais qui laisse ce même peuple désarmé face aux oligarchies !
Heinz Dieterich est clair : « L’essence du conflit en Bolivie, c’est le choc entre un pouvoir factice et un pouvoir constitutionnel, entre une alliance oligarchique et impériale et le gouvernement d’Evo. Quand le pouvoir factice ne reconnaît par le pouvoir constitutionnel, ce dernier doit avoir recours à la justice et à l’armée pour imposer la loi. Le gouvernement d’Evo ne l’a pas fait pour deux raisons : une pragmatique et une morale. Il n’est sûr ni de la loyauté de la justice ni de celle de l’armée ; l’éthique de sa formation politique l’empêche d’utiliser une légitime répression d’Etat pour imposer son projet politique. Le caractère même de cette contradiction rend improbable le fait que le référendum du 10 août puisse la résoudre. Il va réaffirmer la corrélation des forces en présence en laissant en place la division de fait du pays en deux. La phase d’accumulation des forces des deux pouvoirs antagoniques va se poursuivre jusqu’à ce qu’une des parties puisse liquider l’autre. »
Ce bras de fer intervient dans un contexte de recul général du mouvement indigène. L’arrivée au pouvoir de l’Indien Evo Morale est apparu d’abord comme la consécration de ce mouvement mais depuis il semble en être devenu le chant du cygne. Pourquoi ? Les pouvoirs de centre-gauche ont le plus souvent trahis les espoirs mis en eux et entraîné une division des forces et un découragement. En Equateur, pays où avec la CONAIE ce mouvement avait été capable de renverser plusieurs présidents, il n’arrive plus à surmonter ses divisions. Même les Zapatistes qui encore en 2005 pensaient agir dans des vents favorables se trouvent piégés dans leurs montagnes. Une erreur d’appréciation du rapport des forces, dans le cadre de la présidentielle mexicaine, a conduit Marcos et ses amis à l’isolement. La situation bolivienne est d’autant plus dramatique.
Evo pense marginaliser ses adversaires par un discours classique : « Il y a de petits groupes de privilégiés qui s’opposent au processus de changement, ces groupes ne souhaitent pas l’égalité entre les Boliviens. Ils ne respectent pas l’identité et la diversité de nos peuples, et le plus grave c’est qu’ils parlent d’indépendance et de séparation sous le prétexte de l’autonomie. » S’il s’agissait seulement de petits groupes, pourquoi n’est-il pas allé à Sucre prononcer son discours comme la loi légale l’oblige ? A un moment où sur sa gauche des mouvements sociaux se mobilisent pour demander un droit à la retraite authentique !