Après le coup de théâtre Trump, voilà dans un autre genre la victoire de Fillon à la primaire « de la droite et du centre ». La « gauche » petite-bourgeoisie, « upper middle class », « bobo » et quelques roublards s’étaient invité à cette primaire pour défaire Sarkozy (un repoussoir bien commode) et soutenir Juppé. Ils attendaient Grouchy et ce fut Blucher. Depuis c’est l’hystérie contre Fillon dans certains milieux, en particulier médiatiques. Et oui, la droite a choisi un candidat bien de droite, quelle surprise !
Ce qui embête surtout tous ces gens qui voyaient en Juppé leur sauveur, c’est que Fillon est résolument contre les gadgets « sociétaux » qui leur plaisent tant. Fillon est contre l’euthanasie, quelle horreur ! Et bien s’il n’y avait que ce point, je serais d’accord avec lui. Ne pas aller plus loin de la loi Léonetti. Il a des réticences sur le « mariage pour tous » et surtout sur les chamboulements que cela entraîne dans les principes de la filiation. Il n’a pas tout à fait tort. J’ai eu l’occasion de m’en expliquer à plusieurs reprises. Il est contre le multiculturalisme : comment lui donner tort ? Fillon veut en finir avec la règne des « pédagolâtres » à l’école : on serait prêt à lui faire crédit, s’il n’avait été l’inventeur de « l’école du socle » sur laquelle s’appuient toutes les innovations visant à la destruction de l’instruction qui ont suivi.
Mais curieusement, tous les « libéraux libertaires » (qui ne sont ni l’un ni l’autre) de la gauche « inrocks », de la gauche Bergé, de la gauche « Obs », tous les adeptes de la ligne Terra Nova sont plus discrets sur l’essentiel. Et l’essentiel, c’est que Fillon veut aller au bout de ce qui a été engagé par les gouvernements Hollande. Au bout de la loi El Khomry, qu’il veut prolonger, au bout de la mise en cause des retraites, au bout de la liquidation des services publics, au bout du projet Note-Dame des Landes et des « partenariats publics-privé », au bout de l’attaque contre les fonctionnaires et en particulier les enseignants et au bout de la destruction de la Sécu au profit des « mutuelles », c’est-à-dire des assurances privées, toutes choses engagées d’ores et déjà. Par exemple, Fillon, si par malheur il était élu, s’appuierait tout simplement sur le dispositif des mutuelles obligatoires mis en place par Hollande-Touraine. Les 22 000 lits d’hôpital à supprimer d’ici 2018, ce n’est pas Fillon qui les as inventés. La mise en cause des professeurs, c’est déjà le décret Hamon (appuyé par la FSU) qui l’a engagée. Bref Fillon est dans la même logique que l’actuel gouvernement mais veut seulement la pousser au bout et l’aggraver. Les pitoyables campagnes du PS sur le thème « au secours la droite revient » n’y pourront rien.
Pourquoi en est-il ainsi ? Tout simplement parce que Fillon propose que la France devienne le premier de la classe dans l’application des directives européennes et du pacte de stabilité. Il veut mettre en œuvre tout ce que notre gouvernement « socialiste » a voté à Bruxelles. Rien de plus ! Critiquer Fillon et soutenir Juncker, c’est se moquer du monde. C’est pourquoi ceux qui caractérisent Fillon comme « souverainiste » disent n’importe quoi. Ce n’est parce que Fillon, homme aux fidélités successives, a été jadis proche de Seguin qu’il défendra la souveraineté nationale, notamment contre Merkel dont il promet d’être un fidèle.
Bref, ce n’est pas avec des injures (« Fillon-Pétain ») et des absurdités que l’on pourra combattre Fillon, mais en opposant une ligne politique claire, tout aussi claire et aussi franchement favorable aux travailleurs dépendants et indépendants, que l’est la ligne Fillon en faveur des privilégiés et du capital.