« Le bonheur est toujours une idée neuve en Europe ! Nous voulons une Europe porteuse de paix, de progrès social, de démocratie, d’émancipation, qui assume sa responsabilité de lutter contre le changement climatique et la catastrophe écologique. Nous portons un projet humaniste pour vivre en harmonie avec les autres êtres humains, la nature et les animaux. Nous proposons une Europe, non de la concurrence, mais de la coopération fondée sur la liberté, l’égalité et la fraternité entre les personnes, les Nations européennes et le reste du monde. »
Pas grand-chose à dire sur cette introduction un peu générale et grandiloquente. Sinon qu’on introduit l’harmonie avec les animaux. Que veut dire vivre en harmonie avec les animaux. Est-ce que je vis en harmonie avec le porc dont je mange succulent filet mignon ce midi ? Les animaux n’ont rien à faire dans une déclaration politique, sauf à la considérer comme des sujets politiques. Bref dès le début nous avons une petite louchée de véganisme. Plus généralement, l’harmonie avec la nature est aussi une phrase creuse. Si l’homme vivait en harmonie avec la nature, la culture n’existerait pas et nous mènerions la vie des pasteurs du jardin d’Arcadie que brocardait déjà Kant. Cette introduction est donc typique du blabla dégoulinant de bons sentiments qui est devenu une des marques de fabrique de la rhétorique FI. Il faudrait se demander aussi quelles relents de finalisme religieux comporte cette référence à l’harmonie de la nature. Mais laissons cela, la FI étant dirigée par un génial philosophe, nous nous abstiendrons.
Suit la liste des reproches à faire à l’UE, opposée à une Europe harmonieuse, une UE qui « écrase la souveraineté populaire ». Voilà typiquement la formule vague qui permet toutes les conciliations avec l’UE. Remarquons d’abord que l’expression souveraineté populaire est utilisée pour refouler la « souveraineté nationale », expression totalement absente du texte. La nation, voilà l’ennemi. Pourquoi ? Tout simplement parce que les souverainetés nationales sont des réalités historiques, liées à des institutions étatiques et que l’UE s’est acharnée à les mettre en coupe réglée. La vague référence à la souveraineté populaire au singulier laisse la porte ouverte à une « souveraineté populaire européenne », la souveraineté d’un peuple européen, par exemple. Et c’est dans ce petit détail (mais le diable est dans les détails) que se glisse le fédéralisme européen caché de la FI, une position qui fut longtemps celle de Mélenchon et dont on voit que, nonobstant les drapeaux tricolores et la Marseillaise, elle continue de constituer le « fond de sauce » de sa pensée en la matière.
« L’Europe court au désastre. Ces politiques conduisent à la dislocation de l’Union, comme le montre le Brexit. »
Commentaire : Cette remarque est assez étonnante. Le BREXIT est donc un élément du désastre. Si les citoyens britanniques n’avaient pas voté « Leave », la situation serait donc moins désastreuse. C’est la position de Tspiras, ce Tripsas qui conseille aux Italiens de céder devant la commission afin de garantir la poursuite de l’UE. Lui aussi veut éviter la catastrophe ! La liste FI veut-elle a tout prix éviter cette « catastrophe » que serait le « FREXIT » ou cette autre « catastrophe » que serait la rupture de l’Italie avec l’UE ?
« Les euro-libéraux retirent aux peuples le droit de décider de leur avenir et multiplient les coups de force, banalisant les idées antidémocratiques de l’extrême-droite. »
Commentaire : La confusion continue et s’aggrave. Quels sont ces forces d’extrême-droite ? Celles qui refusent la discipline de l’UE ? En quoi les coups de force de l’UE banalisent-ils l’extrême-droite ? Le rejet du budget italien banalise-t-il Salvini ? Pourtant Mélenchon avait dit soutenir le gouvernement italien contre l’UE. Banaliserait-il lui aussi l’extrême droite ?
« Les nationalistes progressent partout en Europe pourtant leurs politiques anti-migrants sont acceptées à Bruxelles ! »
Commentaire : Si on comprend bien, il est maintenant reproché à l’UE d’accepter les politiques migratoires de ceux que le texte appelle « nationalistes ». Donc, premièrement, le nationalisme est pour le texte une attitude mauvaise. On comprend mieux pourquoi la « souveraineté nationale » ne figure pas dans le texte. Les nations, c’est vraiment du côté du mal ! Deuxièmement, le texte de la LFI se place donc du côté des « progressistes » pro-migration contre les méchants nationalistes. La problématique ici est exactement celle de Macron, à ceci près que la politique de Macron ne serait pas la bonne pour vaincre les nationalismes, cette « lèpre » qu’il faut éradiquer pour éviter la « catastrophe » de la dislocation de l’UE.
La FI propose une autre politique en Europe, elle se prononce pour « une Europe des peuples ». Soit. Mais pourquoi pas « une Europe des peuples souverains » ? Pourquoi une Union des Nations libres d’Europe ? Est-ce l’alliance avec le Bloco portugais et PODEMOS qui impose à la FI cette formule ? Quelle que soit la réponse à cette question, il est clair que le cadre intangible du programme est celui de l’UE dont on veut qu’elle adopté une bonne politique, à même d’en finir avec la « nationalismes ». C’est pourquoi la FI veut envoyer à Strasbourg des « élu.e.s de combat » qui pourront y gagner des combats (sic). Comme si, dans le cadre de ce « parlement », on pouvait autre chose que de tenir une tribune, comme si ce « parlement » était un vrai parlement doté des attributs de la souveraineté législative. En posant les questions de cette manière, le texte de la FI réclame de facto un renforcement de la discipline européenne qui serait insuffisante et se place dans la perspective d’une « souveraineté européenne », ce qui est très exactement la position d’Emmanuel Macron ! Le prétendu « referendum contre Macron » que la FI dit vouloir organiser consiste très précisément a adopter le cadre que Macron a donné pour cette échéance électorale.
« En parallèle de notre stratégie plan A / plan B ainsi que les alliances nécessaires pour cela, la France insoumise est prête à prendre les mesures unilatérales qui s’imposent. Par exemple face au refus de M. Macron d’interdire le glyphosate en France, nous désobéirons aux règles qui autorisent ce pesticide dans l’Union européenne et empêchent d’interdire l’importation en France de produits glyphosatés. Dans la même veine, nous bloquerons la contribution française au budget européen tant que l’Union européenne continuera de promouvoir une politique d’inégalités (concurrence déloyale, travail détaché, délocalisations internes, inégalités des règles écologiques, etc.) et tant que les règles de déficit public et les rabais ne sont pas revus. D’ailleurs, la France désobéit déjà à certaines règles européennes par exemple sur la qualité de l’air ! Il est donc possible de choisir de désobéir dès à présent. C’est une question de volonté politique. »
Commentaire : voici un morceau de bravoure absolument dénué de sens. Des rodomontades qui cachent péniblement l’adoption par LFI d’une ligne compatible avec celle du PCF, de Hamon ou de APRES, bref d’une ligne « union de la gauche » de la plus belle eau. Comment « La France insoumise » pourrait-elle prendre des mesures unilatérales ? Il faudrait pour cela que la France soit gouvernée par LFI, ce qui n’est pas, semble-t-il l’enjeu des élections européennes de 2019 ! Peut-être faut-il comprendre « Le France devenu insoumise sous la direction de LFI » ? Mais non, puisqu’il est écrit : « face au refus de M. Macron d’interdire le glyphosate en France, nous désobéirons aux règles qui autorisent ce pesticide dans l’Union européenne et empêchent d’interdire l’importation en France de produits glyphosatés ». Donc « face à Macron », toute seule, avec ses petits bras, LFI va interdire les produits au glyphosate ». Les équipes de LFI vont-elles aller dans les ports ou dans les gares pour interdire le déchargement des livraisons de glyphosates ? On le voit, ces proclamations de fier-à-bras sont totalement ridicules. Elles donnent un air martial à un texte de retour aux vieilles billevesées sur la bonne Europe qui serait imposée par une victoire des « gauches » au Parlement européen.